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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.2.djvu/363

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1957
1958
GUERRE


terre souillée par le débordement de tant de crimes. Cf. Euripide, Oresle, v, 1C77-1680. C’est pourquoi, affirme le texte sacré, la terre, avide de sang, ouvre la bouche pour le recevoir, et le retenir dans son sein jusqu’au moment où elle devra le rendre. Gen., iv, 11 ; Is., xxvi, 21.

3° En ce qui concerne la guerre de 1914, serait-on loin de la vérité, en affirmant qu’elle est un châtiment que les peuples s’infligent les uns aux autres, une sorte d’auto-punition, décrétée par la justice divine, car les nations ont, pour la plupart, apostasie, et affectent de se tenir loin de Dieu. Aux lois évangéliques de la justice et de la charité, elles ont plus ou moins substitué la loi de la force. C’est ce que disait, d’ailleurs, le pape Benoît XV, dans son allocution, au consistoire du 22 janvier 1915 : « Nous ne croyons pas que la paix ait quitté le monde, sans l’assentiment divin. Dieu permet que les nations qui avaient placé toutes leurs pensées dans les choses de cette terre, se punissent les unes les autres, par des carnages mutuels, du mépris et de la négligence avec lesquels elles l’ont traité : événements dont le but est de les contraindre sous la puissante main de Dieu. » Acla aposlolicæ sedis, 1915, t. vii, p. 35. Le souverain pontife avait exprimé ces mêmes sentiments dans son encyclique du 8 septembre 1914. Acta aposloliae sedis, 1914, t. vi, p. 502. Ainsi ont parlé, dans les deux partis des belligérants, le cardinal Mercier dans sa lettre pastorale pour Noël de 1914, et les évêques d’Allemagne dans leur lettre pastorale collective. Après le déluge, les anciens peuples entreprirent d’élever, dans la plaine de Sennaar, une tour gigantesque comme pour défier le ciel ; de même les peuples modernes, nouveaux Titans, ont élevé contre Dieu l’édifice de leur civilisation opposée à l’Évangile, et de leur orgueil qui ne veut d’aucun maître. On allait répétant de toute façon que la science doit émanciper l’humanité des antiques croyances, car, disait-on, la science suffit à expliquer tous les mystères ; elle enseigne à se passer de Dieu…, bien plus, elle aboutit à la négation même de Dieu… Or, prétendait-on, les guerres n’ont été possibles, aux siècles précédents, que par suite de l’état de barbarie, ou de semi-barbarie dans lequel se trouvaient encore les peuples ; mais, à notre époque, avec les progrès de la science et le développement de la civilisation, quoique étrangère à l’Évangile, les guerres n’étaient plus possibles. .. Plus formidable que celles dont l’histoire garde le terrifiant souvenir, la guerre de 1914 est venue soudainement donner un long et trop évident démenti à ces déclamations orgueilleuses et à ces fausses affirmations. Cet épouvantable fléau promène partout sa fureur et exerce partout ses ravages. Même les nations qui seront victorieuses sortiront de la lutte alîaiblies pour longtemps. Quand elles dresseront le bilan des profits et des pertes, quand elles compteront le nombre des morts, des blessés et des malades, quand elles mesureront l’étendue des ruines, quand elles évalueront la grandeur de ce fleuve de sang et de larmes qui ne cesse pas de couler, elles seront effrayées à la vue des sacrifices de tout genre que la victoire leur aura coûtés. Par cette guerre Dieu oulait-il seulement châtier les peuples coupables, ou bien avait-il aussi d’autres fins en vue ? Nul ne pourrait le dire avec certitude. On sait seulement que, selon le mot de l’Écriture. Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion, et qu’il a fait les nations guérissables. Si les peuples profitent de la dure leçon que Dieu leur a donnée, on peut espérer pour eux une sorte de régénération et de progrés dans l’idéal de la justice et de la vertu ; s’ils n’en profitent pas, Dieu ajoutera-t-il d’autres châtiments au châtiment actuel ?… Que peuvent nous faire espérer ou craindre, sous ce rapport, les événements dont nous avons été les témoins ?…

D’une part, on a constaté dans certaines classes un renouveau de vie chrétienne. Dès maintenant, on peut l’enregistrer comme un fait acquis, pour des milliers de combattants sur la ligne de feu, et, en arrière, chez leurs parents ou amis, qui, angoissés à la pensée de tant de scènes tragiques et terribles, se pressent auprès des autels, priant avec ferveur le Dieu maître absolu de la vie et de la mort. Cf. G. Ardant, La religion de nos soldats, notes d’un aumônier militaire, et Mgr Baudrillart, De la profondeur du mouvement religieux qui s’est manifesté dans l’armée française, dans La guerre allemande et le catholicisme, p. 150-214 ; Mgr Lacroix, Le clergé et la guerre de 1914, in-12, Paris, 1914 ; Gabriel Langlois, Le clergé, les catholiques et la guerre, précédé d’une longue préface de Mgr Herrscher, in-12, Paris, 1915 ; Mgr Pons, La guerre et l’âme française, in-12, Paris, 1915 ; Xavier Roux, L’âme de nos soldats, d’après leurs actes et leurs lettres, in-12, Paris, 1915 ; Geoffroy de Grandmaison, Les aumôniers militaires, in-12, Paris, 1915 ; abbé Garriguet, Mois des morts pour le temps de la guerre, in-12, Paris, 1915 ; Henry Bordeaux, La jeunesse nouvelle, in-12, Paris, 1915 ; Janvier, La patrie, in-12, Paris, 1915 ; Charles Lelcux, Feuilles de route d’un ambulancier, in-8°, Paris, 1915 ; dom Hébrard, Aux femmes de France. Le livre delà consolation, in-12, Paris, 1916 ; Dieu, la France, nos enfants, par une veuve de la guerre, in-12, Paris, 1916 ; A. Petitdemange, Odeur de poudre, parfum d’encens, in-12, Paris, 1916 ; Victor Bucaille, Lettres de prêtres aux armées, in-12, Paris, 1916 ; A. D. Sertillanges, La vie héroïque, 3 in-12, Paris, 1916 ; Léonce de Grandmaison, Impressions de guerre de prêtres-soldats, in-12, Paris, 1916 ; Maïten d’Arguibert, Journal d’une famille française durant la guerre, in-12, Paris, 1916 ; abbé L. Paulin, Pour Dieu et pour la patrie, in-12, Paris, 1916 ; comte de Chabrol, Pour le renouveau. Expiation, conversion, rédemption, in-12, Paris, 1916 ; abbé Lagardère, Haut les cœurs l Les larmes consolées, in-12, Paris, 1916 ; abbé L. Bretonneau, L’apostolat de la jeunesse pendant la guerre, in-12, Paris, 1916 ; René Bazin, Aujourd’hui et demain. Pensées du temps de la guerre, in-12, Paris, 1916 ; Louis Collin, Reliques sacrées, lettres de soldats tombés sur le champ de bataille et empreintes de hauts sentiments religieux, in-12, Paris, 1916 ; Guillermin et Griselle, Les voix consolatrices avec les plus belles pages inspirées par la guerre, in-12, Paris, 1916.

D’autre part, néanmoins, on ne voit pas encore que l’amélioration produite soit proportionnée à l’étendue des fautes commises. Combien qui persévèrent dans l’indifférence religieuse, dans l’hostilité même envers la religion et dans le mépris des lois morales ! Puis, les fautes qui ont attiré ces châtiments ne furent pas que des fautes individuelles, mais aussi et surtout peut-être des fautes collectives et sociales. Or, on ne voit pas encore que les peuples, en tant que peuples, reviennent à de meilleurs sentiments. Il n’y a eu encore aucun acte officiel et solennel de retour ù Dieu. L’apostasie continue, et, des lois forgées contre Dieu, aucune n’a été rapportée. Peut-on donc espérer que cette i aix que nous avons tant souhaitée aura les résultats que nous sommes en droit d’en espérer ? N’a-t-on pas souvent dit, en ces derniers temps, que rien n’arrive comme on l’avait prévu ? Ceci est particulièrement vrai de la grande guerre européenne dont l’acharnement dura si longtemps. Elle a commencé, comme nul, pas même le grand état-major allemand, ne prévoyait qu’elle commençât ; elle s’est déroulée de même, en dehors de toute prévision ; de même elle se termina comme, certes ne le prévoyaient pas les agresseurs.

Qui pourrait croire, pourtant, que les innombrables victimes de ce drame épouvantable aient versé leur sang en vain ? La mort, trouvée sur les champs de ba-