la vérité intérieure du christianisme. Mais s’il parvint à se débarrasser de ses doutes, il resta tributaire de l’esprit et de la méthode de ces philosophes. Non seulement il n’accepta jamais qu’on déclamât contre eux dans des articles de revue, mais il céda plus tard à la tentation de faire suivre à ses disciples la route qui l’avait acheminé lui-même à une foi sereine. La méthode du doute qu’il devait préconiser si témérairement date sans doute de cette époque. Il consigna le fruit de ses lectures et réflexions dans une brochure qu’il publia à Munster en 1805 et qui fut très remarquée : Unlcrsuclumg ùber die innere Wahrheit des Christenlhums. Elle lui fit même obtenir en 1807 une chaire de théologie dogmatique à l’université de Munster. Ses leçons professées en langue allemande, le don qu’il avait d’intéresser, une personnalité imposante, mais surtout son attention à éveiller le doute et à accorder un rôle prépondérant à la raison en tout genre de recherches, comme aussi son dévouement aux intérêts de l’université, lui valurent l’attachement passionné de ses élèves et le premier rang dans le corps professoral. Tant de considération et de succès n’empêchèrent pas des hommes clairvoyants, tels que les frères de Droste-Vischering, de souligner le danger de son enseignement et notamment son esprit de défiance vis-àvis de la tradition ecclésiastique. Hermès ne recueillait donc pas que des éloges, il fut plus d’une fois contredit. Plusieurs rapports sur des questions d’études que le ministère prussien lui avait demandés, mais surtout la publication à Munster, en 1819, de l’Einleitung in die christkatholische Théologie. I Theil, philosophische Einleitung, 2e édit., 1831, ouvrage auquel Hermès attachait une valeur exceptionnelle et que l’université de Breslau récompensa par le doctorat en théologie décerné à l’auteur, avaient puissamment accrédité le professeur de Munster. Il y ajouta : Sludirplan der Théologie, Munster, 1819. Cédant aux offres réitérées du gouvernement royal, Hermès accepta, en 1820, une chaire de théologie à l’université de Bonn, récemment créée pour la province rhénane et la Westphalie. Sa leçon d’ouverture sur les rapports de la théologie catholique avec la philosophie eut un grand retentissement. L’enthousiasme soulevé par le professeur fut tel qu’on s’aperçut à peine des vues erronées du discours. L’enseignement de Hermès à Bonn eut tout de suite beaucoup de vogue. Les étudiants des diverses facultés en grand nombre fréquentèrent assidûment ses cours. Également, les anciens élèves de Hermès à Munster avaient témoigné l’intention de le suivre à Bonn. Ce fut l’occasion d’un incident entre le vicaire général de Droste-Vischering et le gouvernement royal. A la défense que le vicaire général avait faite aux étudiants en théologie du diocèse de Munster de fréquenter les cours d’une université sans sa permission expresse, le ministère prussien répondit en prononçant la fermeture de la faculté de théologie de cette ville, mesure qui fut maintenue jusqu’après la démission de Droste-Vischering. Cependant la haute situation du professeur Hermès à Bonn ne fut pas longtemps sans nuage. Sa popularité même auprès des étudiants lui créa des relations très tendues avec son collègue Leber. Un instant, en 1821, Hermès eut la pensée de passer à l’université de Fribourg-en-Brisgau ; et en 1825, il offrit même au ministère royal sa démission avec demande d’être replacé à Munster. Il ne se décida à rester à Bonn que sur une intervention du gouvernement, et quand Leber, désavoué par la faculté, eut abandonné son poste. Après le départ de Leber, l’influence de Hermès à l’université de Bonn fut absolument prépondérante. Pour accroître son prestige, le nouvel archevêque de Cologne, Mgr Spiegel, le nomma, sans qu’il eût à quitter sa charge de professeur, chanoine de sa cathédrale, membre de son conseil et
examinateur synodal. En 1829 Hermès fit paraître la 11° partie, Positive Einleitung, de son Introduction à la théologie chrétienne-catholique, 2e édit., 1831. Dans la préface de l’ouvrage, il exprimait l’espoir de terminer sa Dogmatique et il formait le projet d’écrire une histoire des dogmes. Déjà, pendant un an, sur les instances du ministère, il avait traité cette matière dans ses cours. Mais, soit goût personnel, soit appréhension de la tâche dont il avait peut-être une idée peu juste, et qu’il estimait en conséquence difficile pour un catholique, il était revenu bientôt à ses travaux favoris sur la philosophie, l’introduction à la théologie et sur la dogmatique. La mort en tout cas l’empêcha de tenir ses promesses. Accablé par ses travaux de jour et de nuit, il mourut, le 26 mai 1831, après une pieuse réception des sacrements, et il fut inhumé à Bonn. Une pierre tombale avec cette simple inscription : Georges Hermès, marque le lieu de son repos.
Les œuvres de Hermès comprennent, outre les écrits déjà mentionnés et qui virent le jour du vivant de leur auteur, un ouvrage posthume, Christkatholische Dogmatik, 3 vol., Munster, 1834-1836, publié par les soins de J. H. Achterfeld.
II. Doctrine.
Complaisance manifeste pour la philosophie kantienne, qu’il prétend combattre, mais sans en renier la méthode ni l’esprit, oubli volontaire ou même ignorance de la tradition et de l’enseignement de l’Église dans la façon dont il expose et défend les dogmes, mépris des apologistes anciens et modernes et de toute autorité théologique, voilà ce qui caractérise, en somme, le système de Georges Hermès. Ce théologien se proposait très sérieusement de consolider les fondements de la religion chrétienne-catholique. Poursuivie dans cet esprit particulier, l’intention très louable de Hermès ne pouvait que l’égarer, mettre en péril la foi divine même. En fait, il a erré très étrangement et sur beaucoup de points ; par la tactique et les armes dont il a fait choix pour défendre et faire accepter la vérité révélée, il a montré clairement qu’il connaissait mal la règle de notre foi et jusqu’à sa nature.
1° Méthode.
La méthode hermésienne est celle du doute. Veut-on se démontrer la vérité soit extérieure, soit intérieure de la religion, il faut commencer par en douter, en douter jusqu’à réponse satisfaisante de la raison sur tous les points. Différent du doute cartésien, celui que préconise Hermès s’étend bien au delà et il n’est pas sitôt abandonné. Il ressemble encore moins au procédé du croyant qui, conservant une foi entière, feint de ne pas savoir et tend à établir par le raisonnement ce qu’il croit avec une absolue certitude. Le doute de Hermès est positif, universel, constant et il s’impose à tous. Ainsi il embrasse et très sérieusement les vérités psychologiques, métaphysiques, morales et religieuses, toutes les vérités, sans en excepter aucune, même la vérité évidente, soit de fait, soit de raison : principe de contradiction, existence et réalité objective de notre moi, données immédiates de la conscience, il n’est rien à quoi il ne s’étende. Et c’est à travers un doute persistant, rencontré à tous les détours du chemin, que la démonstration de l’apologiste ou du théologien doit progresser. Ce doute retient leur attention, il les empêche de rien nier, de rien affirmer jusqu’à ce qu’une nécessité absolue de raison les contraigne de tenir et d’admettre quelque chose pour vrai. Non seulement l’infidèle avant de croire, mais le croyant, né et élevé dans la vraie foi, doit s’astreindre à la discipline du doute, condition indispensable d’une croyance prudente et raisonnée. Hermès exige même de ses disciples que, dépouillant toute conviction, toute préférence pour un système théologique ou religieux quelconque, quand ce serait le catholicisme, ils se tiennent, jusqu’à possession certaine de la vérité, dans une indifférence parfaite. « Nous devons être prêt