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HILAIRE (SAINT)


mère n’est pas l’auteur, mais seulement la nourrice de l’embryon humain :

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Conformément à cette explication, Hilaire tient que, dans la génération, le corps de l’entant doit au père toute sa substance ; à la femme revient la fonction, purement subsidiaire, de recevoir l’embryon dans son sein, d’en aider le développement et de le mettre au jour. Marie ayant rempli cette fonction par rapport à Jésus, l’évêque de Poitiers a pu dire qu’elle a été sa mère au même titre que les autres femmes sont mères de leurs enfants. De Trinitate, X, 16, col. 355.

Si cette interprétation était exacte, une objection grave existerait contre la doctrine d’Hilaire sur la maternité de Marie ; car cette maternité dépend finalement de ce fait, que Marie ait conç i Jésus réellement, c’est-à-dire de sa propre substance : ce qui faisait dire à saint Irénée, Cont. hser., II, 32, n. 1, P. G., t. vii, col. 955 sq. : Errant igitur, qui dicunt eum nihil ex Virgine accepisse : si enim non accepit ab homine substanliam carnis, nequc homo faclus est, neque filins hominis. Argumentation d’autant plus pressante que Jésus-Christ n’ayant pas eu de père en tant qu’homme, il n’a pu entrer dans la famille humaine, comme rejeton d’Adam et notre frère, qu’en tenant sa chair de Marie. Heureusement l’interprétation qui fait dire le contraire à saint Hilaire, est de tout point inacceptable, comme l’ont montré, d’abord Philippe de Harvengt, dans ses lettres au prévôt Jean, Epist., v, vi, viii, P. L., t. cciii, col. 36, 46, 57, ; cf. xxv, lettre de Hunald, col. 174, puis, d’une façon plus complète, Coustant, Preel. gzn., c. iv, § 1, col. 30 sq., et ceux qui, récemment, ont étudié le problème de près ; tels, parmi les catholiques, Wirthmùller, op. cit., p. 55 sq. ; Baltzer, Die Christologie des ht. Hitarins, p. 184 ; parmi les protestants, Dorner, op. cit., t. i, p. 1042 ; Fôrster, op. cit., p. 660 sq.

Hilaire nous présente, en effet, la chair et le corps de Jésus-Christ, non pas seulement comme portés et mis au jour par la Vierge, mais comme conçus, engendrés, pris d’elle : assumpta per se sibi ex virgine carne ; ex virgine conceptum (corpus) ; quod generatur ex virgine, De Trinilale, X, 15, 35, col. 353 sq., 371 ; naturæ noslræ sibi ex virgine corpus assumens. In ps. cxviii, litt. xiv, 8, col. 592. Corrélativement, Marie nous apparaît comme engendrant d’elle-même la chair et le corps du Sauveur : caro perfectam ex se carneni generans ; perjectum ipsa de suis non inminuta generavit ; genuit exsc corpus. DeTrinitate, 111, 19 ; X, 35, col. 87, 371. Par là, et par là seulement, s’explique la relation de consanguinité que le saint docteur établit entre Jésus-Christ d’une part, de l’autre ses ancêtres juifs et même tous les descendants d’Adam déchu : ex David semine procrcandum, In Matlh., xxiii, 8, col. 1047 ; de Judx frutice ; a vitiis eorum, qui sibi secundum carnem consanguinei habebantur, alienus. In ps. LXVII, 28 ; hXVlil, 10, col. 463, 476.

C’est à tort qu’on fait appel au parallélisme entre le premier et le second Adam, sous le rapport de la formation immédiate par Dieu, en supposant dans les deux cas une création proprement dite. Non seulement ce parallélisme n’est pas affirmé dans les textes allégués, mais il est positivement contraire à la doctrine de l’évêque de Poitiers ; d’après lui, comme d’après la sainte Écriture, le corps du premier Adam ne fut pas proprement créé, c’est-à-dire tiré du néant, mais il fut formé du limon terrestre : nam sumitur pulvis, et lerrena materies formatur in hominem, aut prwparatur. In ps. CXVI1I, litt. x, 7, col. 566. De même, le corps du second Adam ne fut pas proprement créé, mais il fut formé de la

Vierge. Aussi, dans un passage où il distingue expressément le corps et l’âme de Jésus-Christ, Hilaire s’exprime-t-il d’une façon différente, suivant qu’il s’agit de l’un et de l’autre ; il dit le corps pris de la Vierge, mais non pas l’âme : ut per se sibi assumpsit ex Virgine corpus, ila ex se sibi animam assumpsit. De Trinitate, X, 22, col. 359.

C’est à tort également qu’on invoque une théorie de la génération humaine rivale de la théorie aristotélicienne. La question n’est pas de savoir si ces deux théories ont existé chez les anciens, mais s’il y a des raisons positives d’attribuer à l’évêque de Poitiers la théorie qu’on prétend. Non seulement ces raisons n’existent pas, mais la doctrine du saint ne cadre nullement avec cette attribution.

La fausse supposition d’un corps proprement créé étant écartée, que signifient les textes où le saint docteur reporte au seul Verbe l’origine ou l’existence du corps humain qu’il s’est uni ? La réponse est dans ce texte : Genuil ex se corpus, sed quod conceptum esscl ex Spirilu. De Trinitate, X, 35, col. 371. Dans la génération normale il ne suffit pas que la femme ait en elle-même une parcelle de substance susceptible de devenir un embryon humain ; il faut que l’homme intervienne, exerçant un rôle actif et prépondérant, en sorte que, finalement, on doit lui attribuer l’origine " ou l’existence de l’être engendre. Dans la génération humaine, mais surnaturelle du Christ, l’homme n’intervient point ; le Verbe supplée, par un acte de sa vertu toute-puissante, à ce qui manque de ce côté-là ; c’est donc au Verbe, et au Verbe seul, qu’il faut attribuer l’origine ou l’existence de l’embryon humain, qu’il forme en vivifiant, par l’adjonction d’une âme qu’il crée, la parcelle de substance corporelle empruntée à Marie. On ne trouve rien de plus ni rien de moins dans les passages où sont exclus, dans la génération divine ou humaine du Christ, les elementa originis nostrse, De Trinitate, VI, 35, col. 185 ; cf. III, 19, col. 87 ; c’est-à-dire, l’apport fourni par l’homme dans la génération naturelle, mais non pas l’apport fourni par Marie comme par les autres mères. De même dans un autre texte, mal compris parfois : Et quamvis tantum ad nalivitatem carnis ex se darct (Maria), quantum ex se feminse edendorum corporum susceptis originibus impenderent, non tamen Jésus Christus per humanæ conceptionis coaluit naturam. De Trinitate, X, 15, col. 354. Le sens n’est pas hypothétique : « Quand même elle donnerait… » ; il est positif, mais avec opposition entre le premier et le second membre de phrase : « Et quoiqu’elle donnât d’elle-même…, cependant Jésus-Christ n’a pas été soumis, dans sa conception, aux lois communes de la génération humaine. » C’est dans le même sens, eu égard à l’origine ou à la cause efficiente comme aussi à la personne du Verbe s’unissant un corps humain, et non pas eu égard à la constitution intime de ce corps, que saint Hilaire parle de corps céleste, comme il parle de conception céleste, De Trinitate, X, 18, 35, col. 356 sq., 371, ou encore du second Adam venu des cieux : Et cum ait secundum hominem de cselo, originem ejus ex supervenientis in Virginem Sancti Spiritus aditu testatus est. Ibid., 17, col. 356. Cf. Coustant, Præf. gen., n. 72, 73, col. 41. Il est seulement vrai que, dans la pensée d’Hilaire, le corps de l’Homme-Dieu possède, en vertu de son origine transcendante, des propriétés ou perfections spéciales ; de là une nouvelle question, non moins délicate et plus difficile que la précédente.

Sensibilité et possibilité du Christ.

Conçu

d’une vierge par l’opération du Saint-Esprit, l’Homme-Dieu ne tombait nullement sous la loi du péché : Solus extra peccalum. In ps. cxxxriu, 47, col. 815. Son corps n’a rien des vices qui s’attachent aux nôtres ; sa chair n’est pas une chair de péché, mais ressemble