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enlève pas le caractère de certitude proprement dite et rigoureuse, quand l’intervention de la volonté ne dépasse pas le mérite du motif, mais plutôt lui est due. Il peut se faire que le motif soit infaillible, et cependant sans (stricte) évidence : alors la volonté supplée ce qui manque en évidence pour affermir l’intelligence, sans faire tort à la certitude du motif et de l’assentiment. » Loc. cit., n. 105, p. 153. Voir pour la réponse aux objections, Croyance, col. 2387, 2388. Sur cette double certitude, et d’autres questions plus approfondies qu’on ne le fait d’ordinaire en logique, voir Jeannière, Criteriologia, Paris, 1912.

b) Qu’entend-on par certitude morale' 1. — La seconde espèce de certitude dont nous venons de parler prend souvent aujourd’hui le nom de certitude morale. Et par suite, l'évidence imparfaite qui lui répond du côté de l’objet prend le nom d'évidence morale. Voir Évidence, col. 1726. Newman dit à ce sujet : « Cette certitude et cette évidence sont souvent appelées morales, mot que j'évite comme ayant un sens très vague. » Grammar of assent, c. viii, Informai infcrence, Londres, 1895, p. 318. En tout cas, il faut avoir soin de le bien définir quand on l’emploie. On parle souvent d’une « certitude morale » qui n’est pas une vraie certitude, mais seulement une grande probabilité ; « elle s’appuie sur des motifs assez solides pour nous permettre d’agir prudemment dans le cours ordinaire de la vie… Le consommateur qui va à l’hôtel est moralement sûr que les mets ne sont pas empoisonnés. » P. Hugon, La lumière et la foi, 1903, p. 68. S’il n’y a pas doute alors, c’est qu’on ne réfléchit pas ; si l’on réfléchissait, on verrait que l’empoisonnement n’est pas impossible ; on peut donc alors sans imprudence et sans déraison conserver un doute dans l’esprit ; mais on n’en tient pas compte dans la pratique : on agit comme si on ne doutait pas, et l’action est prudente. Une pareille « certitude morale » , quand elle est ainsi accompagnée de doute et n’a pas plus de fermeté que d’infaillibilité, ne peut suffire à personne pour les préambules de la foi ; à plus forte raison ne peut-elle suffire aux esprits plus cultivés et plus exigeants, les seuls dont nous nous occupons en ce moment. Nous n’admettons donc ici, sous le nom « de certitude morale, qu’une vraie certitude, infaillible par ses motifs, et ferme au moins à l’aide de la volonté qui, à défaut d'évidence stricte, exclut le doute de l’esprit. Et nous allons examiner les diverses définitions ou explications que l’on a données de ce mot < moral » .

Une première définition, que l’on rencontre souvent, est tirée de la matière du jugement certain : la certitude morale est celle qu’on a dans l’ordre des choses morales, » en faisant entrer assez confusément dans cet ordre de choses les principes moraux, les règles de l'éthique et de la prudence, les mœurs et instincts qui guident l’action humaine, la pratique de la vie, l’histoire, etc. Mais d’abord, ou devrait définir une certitude par son élément formel, par ses notes caractéristiques, et non par la matière, si vague du reste, sur laquelle elle tombe. Ensuite cette définition, malgré une certaine valeur approximative, prête à une double erreur : a) à confondre avec la vraie certitude Cet ! grande probabilité dont nous parlions tout a heure, < ; ir elle aussi appartient à l’ordre de la pratique et des mœurs ; b) à faire croire que la vraie certitude inévidente, celle dont nous parlions tout à l’heure, a’appai tient qu'à cet ordre des choses morales. Ce <|iii est f ; iux car : elle se rencontre souvent dans l’ordre />/ » /tique, dans les sciences naturelles ; telle est, comme le remarque Newman, la certitude de la rotation de la terre, même chez un savant ; la certitude de plusieurs

lob physiqi b tenu es pai une Induction contri

quelle on peut avoir des doutes Imprudents. Loc. cit.,

p. 322, 323. Plusieurs vérités d’ordre métaphysique n'échappent pas non plus à de pareils doutes, et ne s’imposent pas avec l'évidence stricte et irrésistible ; de même plusieurs vérités philosophiques de sens commun, à cause de leur évidence confuse. Voir Croyance, t. iii, col. 2369 ; Évidence, t. v, col. 1729.

Une seconde définition part plutôt de la différence des procédés que suit l’esprit humain pour arriver à la certitude. Il y a le procédé analytique ; ainsi en est-il dans ces vérités immédiatement évidentes où l’analyse des termes nous montre du premier coup que l’attribut est contenu dans le sujet, et dans les conclusions tirées de ces vérités. Il y a un certain procédé synthétique, où l’historien, par exemple, ou bien le juge dans un tribunal, après avoir recueilli une foule d’indices, de « probabilités convergentes » , apprécie, tout cet ensemble, et peut arriver parfois à un jugement vraiment certain. Voir plus haut, col. 196. C’est ce que Newman appelle raisonnement non-formel, informai, c’est-à-dire qu’on ne peut mettre en forme, dont on ne peut rendre compte par une série d’analyses et de syllogismes. En effet, si nous voulions aligner sur le papier tous les raisonnements que nous avons faits, tout ce qui nous a amenés à cette conclusion, tout ce qui a défilé rapidement dans notre esprit habitué à grouper tout cela à sa façon, à l’aide de certaines simplifications instinctives et de certains schématismes, nous omettrions des points qui nous ont touchés, nous nous perdrions dans nos analyses ; écrasés par leur complication, ou bornant notre vue à une partie seulement. nous n’aurions qu’une fausse appréciation de l’ensemble. Parce qu’il faut donc renoncer à l’analyse, ce procédé, si sûr qu’il soit, déroute les esprits habitués à la seule analyse, et dans les cas mêmes où il donne une vraie certitude, occasionne facilement des doutes déraisonnables. Voir Croyance, col. 2387. Comme les scolastiques appellent ce procédé seslimatio prudenlium, œslimalio moralis, ne pourrait-on pas définir la certitude morale « celle qui s’appuie sur une estimation morale ! » On l’opposerait à la certitude mathématique, où l’on peut, par des analyses détaillées, rendre raison du processus et de toutes ses parties. Cette définition est meilleure que la précédente : toutefois elle ne répond qu’incomplètement à ce que l’on entend aujourd’hui par « certitude morale » . Pourquoi ? Parce que les doutes déraisonnables, dont la possibilité correspond à ce qu’on entend par « certitude morale » , ne naissent pas seulement de ce procédé synthétique, mais d’autres causes encore, et qu’ils peuvent s'élever même dans les procédés analytiques, par exemple, s’ils ont une certaine longueur, comme nous l’avons remarqué plus haut.

Une troisième définition part de ce fait, que les doutes déraisonnables viennent beaucoup du cœur, de l’influence des passions et des mauvaises dispositions morales du sujet pensant, et qu’ils attaquent facilement les vérités morales et religieuses, parce qu’elles gênent les passions et les vices. Voir Croyance, col. 2368 ; Évidence, col. 1726. Le changement du cœur, au moins commencé, les bonnes dispositions morales, sont donc nécessaires à la certitude de ces vérités. De là îles définitions comme celles-ci : « la certitude morale, à proprement parler, est celle où l’adhésion de l’esprit est donnée sous l’influence îles dispositions morales. La certitude morale, telle qu’on l’entend aujourd’hui, a pour objet les vérités historiques ou métaphysiques qui influent vraiment sur la vie morale, comme la résurrection du Christ, l’immortalité de l’Ame, La certitude morale, au sens propre, est celle qu’on ne peut avoir tan » certaines dis positions mondes. C’est celle dont nous nous servons surtout en apologétique. Tanqucrcy, Synopsis Iheo

loglm fundamentalis, 13' "lit., 1910, p. 16. Cette défi-