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d’exclure l’hypothèse d’une exception pour le cas présent, et nous y arriverons peut-être par un ensemble de probabilités convergentes, de manière à avoir une vraie certitude, voir col. 195 : ainsi, insuffisamment renseignés sur la vérité d’un témoignage collectif par cette loi morale, que les hommes ont un instinct de véracité, nous recourrons à la convergence des témoins. Mais voilà une nouvelle espèce de certitude, en dehors de la division ternaire, telle qu’on l’a expliquée : celle-ci n’est donc pas adéquate. De plus, ces mots de « certitude physique » , de « certitude morale » , par eux-mêmes disent plus que ces lois physiques et ces lois morales auxquelles vous limitez votre attention on ne sait pourquoi. « J’existe » : est-ce là une vérité métaphysique ? Non, je suis un être contingent. Une vérité morale ? Évidemment non. Reste donc que ce soit une vérité de certitude physique, si votre division de la certitude est adéquate. Et cependant mon existence n’est pas une loi physique, ni un fait que mon esprit déduise d’une loi physique. Vous voilà obligés d’agrandir vos cadres, de faire entrer dans la certitude physique tous les faits d’ordre physique, dans la certitude morale tous les faits plus ou moins d’ordre moral. Et c’est i : i que va apparaître plus complètement le faible du système.

Vous partez de la certitude qui est dans les choses, et vous supposez avec une apparence de logique qu’il doit y avoir une exacte proportion entre cette certitude et celle qui est dans notre esprit : à une vérité plus nécessaire nous devons plus adhérer, et c’est ce qui met la certitude métaphysique au-dessus des autres. Mais cette certitude que l’on attribue aux choses pour exprimer leur plus ou moins de nécessité, de détermination, ou le fait qu’elles sont connues de nous avec certitude, n’est qu’une figure de rhétorique et un terme impropre. « Je n’aime pas, dit avec raison Arriaga, que l’on mette une certitude du côté de l’objet, puisque la certitude se tient tout entière du côté de l’acte : une pierre connue n’est pas certaine, mais la connaissance de cette pierre peut être dite certaine ou incertaine. » De même pour l’infaillibilité, que l’on se figure parfois dans l’objet, dans la vérité perçue, dans les motifs : « Une pierre n’est ni infaillible ni faillible. Il y a deux éléments de la certitude (infaillibilité et fermeté) : mais tous deux doivent être mis dans le sujet pensant. » Dispulaliones théologies, Anvers, 1649, t. v, p. 58. C’est la pure doctrine de saint Thomas ; d’après lui la certitude, l’iniaillibilité ne sont dans les choses que par une métaphore ou quelque autre trope, transferuntur : Nomtna qu.ee, ad eognitionem pertinent, ad naturales operaliones transferuntur ; sicut dicitur quod natura sagaciler operatur, et infallibiliter ; et sic eliam dicitur certitudo in natura lendenle in finem. In IV Sent., I. III, q, xxvi, a. 1. Aussi ajoutc-t-il que la certitude n’est dans les ii livres de la nature qu’analogiquement, per similitudtnem et participative, ad 1'"". De ce que la certitude, improprement considérée dans les cho i i munie une ité d'être, est plus grande dans l’ordre métaphysique, où la nécessité est absolue et souveraine, vous concluez que les vérités métaphysiques donneront à mon esprit une souveraine Certitude, en prenant ii i i.i certitude au sens propre : vous ne concluez du même au même, mais de l’analogue à l’ana . raisonnement trompeur. Et l’expérience vient montrer la fausseté de la conclusion, i II arrive, observai ! déjà Maimis, qæ notre certitude SOit, non pas moins grande, mais au contraire plus grande à l'égard tains objets d'évidence morale ou physique, qu’a d de beaucoup d’autres qui sont d'évident métaphysique : par exemple, Je n’ai pas une moindre certitude de ma propri ce, ou di l’exlsteno

d’un pays étranger, qui di certaines propositions

métaphysiquement évidentes. » Loc. cit., n. 11, p. 405. Et cela se comprend : notre certitude, soit comme manifeste impossibilité d’erreur (infaillibilité), soit comme exclusion de crainte et de doute (fermeté), dépend beaucoup de la manière dont l’objet est saisi par notre esprit ; ma propre existence, si contingente qu’elle soit, m’est intimement et concrètement présente à moi-même, c’est un objet que je saisis d’une emprise plus sûre et plus ferme que bien des vérités métaphysiques très ardues, ou que la conclusion d’un calcul mathématique un peu long. D’ailleurs, la certitude métaphysique en nous peut d’autant moins surpasser les autres qu’elle dépend du fait physique de la conscience que nous en avons, de la certitude physique que nous avons d'être à l'état de veille, et souvent de la certitude physique que les parties précédentes d’un long calcul, d’un long raisonnement ont été bien faites, et que nous pouvons nous fier à notre, mémoire. Encore dans tout cela se mêle-t-il souvent des estimations morales. — J’existe : ce simple fait physique, c’est ce que Descartes, s’efforçant de douter de tout, a expérimenté comme la chose la plus indubitable de toutes. Nous sentons aussi que nous ne pouvons pas plus douter de l’existence d’un pays que nous n’avons pas vu que d’un principe métaphysique et que cette certitude est infaillible. On n'éclaircira pas beaucoup cette question de certitude morale en notant que, dans le raisonnement sur cette concordance d’innombrables témoins, intervient un principe métaphysique (ce que nous ne nions pas) et en donnant, de ce chef, à la certitude de la conclusion le nom de « métaphysieo-morale ou de quasimétaphysique, » de même que, dans un miracle transmis par des témoins sûrs, on qualifiera la certitude de « métaphysico-physico-historique » . P. Lagæ dans la Revue thomiste, 1910, p. 640, 641. Il n’est conclusion qui ne dépende de quelque principe métaphysique de premier ordre, quand ce ne serait que de celui de contradiction. Un tel principe, associé à une prémisse moralement certaine, ne relèvera jamais la conclusion au-dessus de la certitude morale, quelque idée qu’on ait de celle-ci ; c’est la remarque du P. Hugueny : « Le P. Lagae nous dira sans doute, pour n’oublier aucune des qualités de sa démonstration, que c’est une certitude physico-historico-moralo-métaphysique. Pour moi, imbu que je suis du vieux préjugé des logiciens, pejorem sequitur semper conclusio parlent, je dirai simplement qu’il s’agit ici d’une certitude morale. » Revue thomiste, 1910, p. 650.

On voit combien peu est justifiée cette division ternaire, et cette certitude suprême, que l’on suppose dans notre esprit au sujet de. toute vérité métaphysique. Tout bien considéré, il ne reste donc qu’une division sérieuse de la certitude proprement dite, et en deux espèces : la certitude d'évidence (parfaite), et la certitude que les anciens appelaient Inévidente, que les modernes appellent d'évidence imparfaite ou d'évidence morale. Le P. Gardeil ne veut pas reconnaître cette seconde espèce comme appai tenant à la vraie certitude, i II n’y a pas, dit-il, de milieu entre la science

(procédant de l'évidence parfaite et nécessitante) et l’opinion. » On pourrait objecter que saint Thomas semble avoir trouvé un milieu, la foi ; mais sans insister là-dessus, pourquoi n’y aurait-il pas de milieu entre la science et l’opinion ? Tarée que, répond le H. Père, le viai se modèle sur l'être… Or tout être est nécessaire ou contingent. 1)one toute vérité est néi

aire ou contingente. La crédibilité et V apologétique,

2< l’Iit.. p. 164. La conclusion est rigoureuse : mais de quel droit prend on ensuite (sans aucune preuve)

comme synonymes, * comme corrélatifs, ces deux termes : une vérité contingente, un objet d’opl nion ? » Loc. cit., p. 165. Alors mon existence, vérité