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FRÈRES MINEURS


ter et leur demandaient de les admettre dans leur société. Ce fut alors que, grâce à la protection de la duchesse de Camerino, nièce de Clément VII, ils obtinrent une bulle qui érigeait leur nouvelle congrégation, sous la haute surveillance des conventuels. Telle fut l’origine des capucins, dont nous parlerons plus loin.

Cette séparation n’était pas agréée, par tous ceux qui aspiraient à mener une vie plus réformée, ils espéraient toujours pouvoir le faire sans abandonner l’observance. Enfin, après bien des difficultés, ils obtenaient à leur tour une bulle de Clément VII, In suprema (16 novembre 1532), ordonnant dans chaque province l’établissement de ces couvents de récollection. Les oppositions des supérieurs continuèrent encore pendant deux ou trois ans, mais, comme c’était favoriser le passage de leurs meilleurs sujets chez les capucins, ils finirent par se montrer moins opposés. Dans les premiers temps, ces couvents de réformés n’étaient habités que par des religieux déjà profès chez les observants, ils purent un peu plus tard recevoir des novices, si bien que leur nombre augmenta rapidement et enfin leurs couvents, érigés en custodies soumises au supérieur de la province où ils existaient, obtinrent en 1579 de former des provinces indépendantes qui ne relevaient plus que du général. De l’Italie la réforme s’était propagée en Autriche et en Allemagne.

L’origine des récollcts est identique. En Espagne, on trouvait dès 1502 une ou deux maisons de récollection, érigées dans chaque province observante pour les religieux désireux de mener une vie plus austère. La bulle île Clément VII, que nous avons citée, amena la fond.-’i ion de maisons du même genre en France et en Belgique. A l’exemple des réformés d’Italie les récollets arrivèrent peu à peu à leur autonomie. D’autres réformes de moindre importance s’établirent chez les déchaussés, appelés aussi alcanlarins, d’Espagne, comme les mineurs de l’observance capucins, et en Italie, les couvents de retraite, ritiri, institués par le B. Bonaventure de Barcelone († 1684) ; saint Léonard de Port-Maurice († 1751) appartenait à cette petite congrégation.

Ces diverses réformes comprises sous le nom de stricte observance, pour les distinguer de la régulière observance, se développaient, on le comprend, au désavantage de la famille dont elles se détachaient de plus en plus, car celle-ci se comportait vis-à-vis d’elles comme l’avaient fait jadis les conventuels par rapport aux observants. Il y eut des tentatives de fusion qui amenèrent par contre-coup des essais de séparation absolue, comme cela avait eu lieu pour les capucins à leur origine.

L’observance était demeurée divisée en deux familles, la cismontaine et l’ultramontaine, qui rarement purent se mettre d’accord sur les constitutions à observer ; par ailleurs, le changement de statuts que l’on remarque au cours des siècles qui suivirent son établissement par Léon X, n’était pas fait pour faciliter l’union. Les querelles de nationalité vinrent s’y joindre et entraver l’action réformatrice des supérieurs qui voulaient éliminer les abus. En France en particulier, où le grand couvent de Paris donnait l’exemple du relâchement, les quatre provinces principales faisaient sanctionner par Benoît XIV (23 août 1745) leur usage abusif de posséder des biens-fonds, p’accepter des rentes et de placer des troncs dans leurs églises. C’était un premier pas vers l’union avec les conventuels qui eut lieu en 1771. La Révolution devait y achever l’œuvre de la Commission des réguliers, qui avait déjà décimé les couvents. Dans les autres pays, les prétentions régaliennes étaient venues entraver la vie religieuse, quand Napoléon porta avec lui la suppression dans tous les pays où il.con duisait les troupes de la Révolution. Le roi d’Espagne, dont le pays avait échappé à cette dévastation, fit octroyer par la bulle Inler graviores, 15 mai 1804, une situation privilégiée et anormale aux ordres religieux de son royaume. Ils avaient le privilège de pouvoir pour un sexennat élire un général de leur nation, et pendant les six années suivantes ils demeuraient indépendants du général, choisi dans le reste de l’ordre, qui, de son côté, pendant le gouvernement du général espagnol, était gouverné par un commissaire également indépendant. De fait, les ordres religieux étaient scindés en deux parties indépendantes l’une de l’autre, sans aucun avantage pour leur gouvernement intérieur. Les religieux espagnols ne jouirent que peu de temps de ce privilège, car, à la suite des dernières défaites de Napoléon, les ordres religieux se reconstituaient en Italie, tandis que se préparait en Espagne la révolution qui allait les expulser à leur tour (1833). Le rétablissement des observants en France n’eut lieu qu’en 1851 ; l’année suivante, le* réformés y fondaient un premier couvent, mais comme leur nom avait une tournure protestante, ils prirent celui de récollets, qui n’évoquait que de glorkux souvenirs. Les provinces d’Allemagne se reconstituèrent peu à peu, les autres se consolidèrent. L’ordre toutefois ne renaissait dans un pays que pour compenser les ruines qui s’accumulaient dans un autre, comme cela arrivait en Italie, où des suppressions successives (1854, 1866, 1873) fermaient tous les couvents. En Allemagne, le Kullurkampf (1870), en France, les expulsions de 1880 vinrent pour un temps arrêter cet essor de renaissance de vie religieuse. Dans les desseins de la providence, ces persécutions devaient servir à sa propagation en Angleterre et dans l’Amérique du Nord, en attendant qu’une liberté relative permît un nouvel épanouissement franciscain. Il fut trop vite suivi en France des dernières lois de suppression 1 Timidement aussi les couvents avaient pu se rétablir en Espagne, mais ils vivaient toujours sous le régime de séparation de l’ordre, sans avoir plus la gloriole de nommer un général.

Des projets d’union entre toutes les familles gouvernées par un général unique, mais sans autre relation entre elles, avaient été lancés à plusieurs reprises ; il y avait aussi un mouvement sourd poussant à leur séparation totale. Ce fut le projet d’union qui remporta et en 1897, le 4 octobre, en la fête de saint François, Léon XIII promulguait la constitution Felicitate quadam, par laquelle il supprimait toutes les divisions entre observants, réformés, récollets et alcantarins et réunissait toutes ces branches de l’observance en un seul corps, auquel il accordait le privilège de porter le nom simple de frères mineurs sans aucun adjectif. Il ne statuait cependant rien de nouveau pour les conventuels et les capucins, qui conservaient leur entière indépendance. Il est encore trop tôt pour parler des résultats de cette union.

2. Frères mineurs conventuels.

L’acte souverain de Léon X ne pouvait manquer d’être une douloureuse épreuve pour les conventuels. Jamais leur général ne put se résigner à porter le titre de maître au lieu de ministre, ni à demander sa confirmation à celui de l’observance. Le Saint-Siège ferma les yeux et ne tarda pas à approuver, au moins en pratique, la manière de faire introduite, dès le principe, en confirmant directement l’élu du chapitre. Cela ne faisait pas cesser les difficultés intérieures au milieu desquelles les supérieurs devaient gouverner. Des couvents et même des provinces entières étaient passées plus ou moins librement à l’observance, sans autre avantage pour celle-ci que celui du nombre, mais néanmoins au détriment des conventuels, chez lesquels, il faut le reconnaître, il y aurait eu beaucoup