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FOI

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« foi » sans épitliète fait abstraction de cette présence

ou de cette absence ; elle reste essentiellement la même, tandis que la charité vient ou s’en va ; c’est la fides ipsa in se, dont parle le concile du Vatican, sess. III, c. m. Dcnzinger, n. 1791 (1640). De ce que la foi, sans la charité, est insuffisante au salut, Jac, il, 14, de ce qu’elle est alors, sans trop forcer la comparaison, comme un corps sans âme, ibid., 26, il ne s’ensuit pas que, sans la charité, elle soit inexislanle — même un cadavre existe — ni que le mot foi, sans épithète, doive signifier la foi dans cet état meilleur où la charité l’accompagne. Saint Jacques ne traite pas, comme nous le faisons en ce moment, la question philologique, mais la question dogmatique : les protestants qui nous l’objectent confondent tout cela ; il ne dit pas : la foi sans la charité ne doit pas s’appeler foi : au contraire, il emploie comme nous les mots « foi, croire » pour la simple croyance : « La foi sans les œuvres. » « Tu crois qu’il y a un seul Dieu ; tu fais bien, » etc. Jac, ii, 19.

Revenons à saint Paul. Si l’on tenait à ce qu’il ait eu alternativement en vue deux sens très différents du mot « foi » , au moins, entre les deux, il y aurait d’excellentes raisons de préférer comme propre le sens qu’il donne dans l’enseignement simple et direct de la doctrine chrétienne, et lorsqu’il ne subordonne pas sa pensée aux controverses et aux influences extérieures ; le sens qui, de plus, est resté seul dans ses derniers écrits, dans ses Épîtres pastorales à Timothée et à Tite, lorsque l’apôtre était plus à même de fixer définitivement la langue chrétienne. « Peut-être constaterons-nous chez saint Paul, ce premier créateur de la langue chrétienne, un effort soutenu vers le mieux. » F. Prat, op. cil., I re partie, Introd., p. 4. Par suite, nous ne pourrions regarder comme principal le sens qu’il aurait employé dans une controverse difficile et obscure de l’aveu de tout le monde. Nous ne devons jamais expliquer le clair par l’obscur ; et dans la polémique il arrive aisément que le langage manque de netteté, soit qu’on s’adapte parfois au parler peu correct des adversaires, tandis qu’on les poursuit sur leur propre terrain, soit pour d’autres raisons. Ainsi le sens employé par saint Paul en dehors de cette controverse est le sens exact du mot foi ; et si l’on en admettait un autre dans cette polémique, celui-ci, quoique plus ample, ne devrait pas être appelé le sens « fort, profond, prégnant, » mais le sens large, impropre et figuré du mot « foi » .

Conclusion. —

Le mot ui’oti ; figurant à peu près 240 fois dans le Nouveau Testament et le mot 7naTs-Ja> environ autant, nous n’avons pu analyser tant de textes en détail, mais après en avoir examiné plusieurs en particulier, nous avons dû procéder plus largement, par groupes, nous arrêtant surtout aux diverses catégories de textes sur lesquelles les protestants comptent davantage. Un chapitre de l’Épître aux Hébreux reste à examiner, voir plus loin, col. 85 sq. ; mais notre induction est déjà assez complète pour nous permettre de rejeter l’hypothèse, que les mots « foi, croire » aient comme sens prédominant et propre, dans le Nouveau Testament, le sens de confiance du pardon. Cela nous suffit. Nous pourrions aller plus loin, et prouver, par le bilan de tous les textes, qu’au contraire le sens de foi-croyance est le sens normal et prédominant, même au point de vue d’une exégèse purement textuelle : mais pour faire court, nous nous passerons de cette assertion et de sa preuve. Nous n’en avons pas besoin. Quand on arriverait à prouver, par l’exégèse rationnelle des textes, que le mot foi a deux sens à peu près égaux comme emploi dans le Nouveau Testament et qu’il reste donc, dans l’Écriture prise séparément de toute tradition, équivoque et ambigu, sans aucun sens prédominant et propre — position bien différente de celle des protestants — la théologie catholique n’en souffrirait pas. Elle ferait observer que l’Écriture n’est pas la seule source de la révélation divine, encore moins de la langue sacrée ; que la tradition, pour fixer le langage chrétien, a voix au chapitre, et voix prépondérante. Si un mot jouant un si grand rôle semblait rester, dans l’Écriture, plus ou moins équivoque et obscur, c’est à la tradition qu’il faudrait demander de dissiper cette obscurité et de déterminer quel sens doit figurer de préférence dans nos définitions de l’acte de foi, quel sens doit devenir normal dans le langage théologique et dans les catéchismes.

1. Avant de passer à cette étude de la tradition, répondons à quelques objections plutôt psychologiques qu’exégétiques. Le fidèle, nous dit-on, ne doit pas avoir seulement la confiance du pardon à recevoir, confiance que vous ramenez à l’espérance (concile de Trente, sess. VI, c. vi, Denzinger, n. 798) : il doit avoir ensuite la confiance du pardon reçu, sans laquelle il n’aurait ni joie, ni courage dans les épreuves, ni espérance du ciel. Or, cette confiance du pardon reçu ne peut rentrer dans l’espérance, qui regarde essentiellement un bien futur ; reste donc à la mettre dans la foi. Ainsi raisonne, contre Bellarmin, J. Gerhard, Loci theologici, Berlin, 1864, t. iii, p. 367. —
Réponse. — a) Quand cette confiance n’appartiendrait pas à l’espérance, on ne pourrait en conclure qu’elle appartienne à la foi : en dehors de la foi chrétienne et théologale, il y a de pieuses croyances, des appréciations favorables de notre état personnel, capables d’exciter au cœur la joie, la confiance et le courage.

— b) L’espérance, avec la confiance qui est un de ses éléments, peut aussi se porter sur un bien présent, s’il n’est pas absolument certain. Voir Espérance, t. v, col. 609. Or, c’est le cas de notre état de grâce ; il n’est pas absolument certain. Voir col. 616, 617, et surtout Grâce. D’autre part, la croyance qu’a un pieux fidèle de son état de grâce ne peut être un acte de foi chrétienne, faute de cette absolue certitude essentielle à la foi chrétienne, et aussi parce que le fait de son état de grâce n’a pas été révélé, la foi chrétienne ne portant que sur un objet révélé. Malgré ce défaut de certitude, un esprit raisonnable, qui sait se contenter de ce que.Dieu lui donne de lumière, pourra trouver une consolation suffisante dans la confiance du pardon, et surtout puisera dans la grâce de Dieu assez de force pour lutter et espérer le ciel ; la crainte même, résultat du défaut de certitude.sera pour lui un secours d’un autre genre. Voir Espérance, t. v, col. 619, 620. Ainsi la confiance du pardon à recevoir et celle du pardon reçu ne change pas essentiellement de nature ; c’est la même qui continue, souvent avec un accroissement, d’intensité purement accidentel. Il ne pourrait y avoir acte de foi théologale sur le pardon reçu ou sur le salut futur que dans le cas très rare d’une révélation proprement dite, faite immédiatement au fidèle et dûment constatée par lui. Concile de Trente, sess. VI, c. xii, et can. 16, Denzinger, n. 805, 826. De ce cas exceptionnel, des protestants nombreux font une règle générale, et expliquent ainsi la foi justifiante exigée de tous : c’est rendre bien des gens visionnaires, et les jeter dans certaines « variétés de l’expérience religieuse » réprouvées du bon sens. Voir Espérance, t. v, col. 617.

De plus, en confondant la confiance du pardon avec la foi dont parle l’Écriture et en disant que cette foi suffit à la justification, ou même aussi au salut éternel, comme le disait Luther, on arrive fatalement à nier la nécessité de croire les dogmes révélés. C’est à quoi sont arrivés tant de protestants libéraux ; et n’est-il pas logique de se contenter du genre de foi qui suffit au salut ? Les protestants conservateurs