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GENÈSE

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contre leur gré, vers un but déterminé. Dieu a voulu que Joseph fût vendu par ses frères afin qu’Israël fût sauvé de la famine. Abraham est expressément désigné comme prophète, xx, 7, et il a la foi d’un prophète, xxii. L’auteur s’intéressait donc déjà aux choses religieuses et il écrivait une histoire théocratique, plutôt qu’une histoire nationale. Son vocabulaire ne se caractérise pas seulement par l’emploi du nom d’Élohim, précédé parfois d’Adonaï, xx, 4, ou de El, xxxiii, 20 ; xxxv, 7 ; xliii, 14 ; xlvi, 2 ; il appelle « Amorrhéens » les habitants de la Palestine, xlviii. 22 ; il n’emploie jamais le nom d’Israël pour désigner le patriarche Jacob. Il a des expressions qu’on ne rencontre que sous sa plume ; il emploie des mots rares, des tournures anciennes, et certaines formes grammaticales lui sont propres. L’histoire de Joseph est plus simple et moins aride que dans le jôhoviste. L’auteur est un narrateur ; il multiplie les anecdotes et il rend ses récits vivants et saisissants, en exprimant les sentiments de ses héros ; il a les qualités du conteur oriental ; il n’expose pas d’idées générales ni de vues d’ensemble ; il ne poétise pas ses récits. Gunkel a voulu faire de E l’exposé d’une école de conteurs, et il a cru découvrir dans les fragments de la Genèse plusieurs mains. Ainsi les deux récits relatifs au roi de Gérare, xx, 1-xxi, 7 ; xxi, 22-34, seraient séparés par le renvoi d’Ismaël, xxi, 8-21, qui ne s’y rattache pas, et l’alliance d’Isaac, xxvi, 26-33, ne serait qu’une répétition de celle d’Abraham, xxi, 22-34. Gcnesis, 2e édit., Gcettingue, 1902, p. lxxiv. On admet généralement que l’auteur était du royaume d’Israël, parce que les traditions qu’il relate concernent des localités de ce royaume. Voir O. Procksch, Das nordhebraïsches Sagenbuch. Die Elohimqucllc, Leipzig, 1906. Dans l’école de Wellhausen, on soutient l’antériorité du jéhoviste sur l’élohiste, dont les traditions seraient moins fraîches, moins simples et moins naïves. Mais Dillmann, Kittel, Kônig et même Winckler, pour des raisons différentes, soutiennent la priorité de E. Son histoire de Joseph est mieux liée et plus originale que celle du jéhoviste. Les dates proposées varient du ixe au viii c siècle. Sur ses sources antérieures, voir t. v, col. 1748. Cf. E. Mangenot, L’authenticité mosaïque du Pentatcuquc, Paris, 1907, p. 49-76.

2° Le document jéhoviste, J. — Désigné ainsi en raison de l’emploi constant qu’il fait du nom de Jahvé, même avant la révélation du Sinaï, ce document était encore une œuvre historique. Elle remontait dans son récit aux origines de l’humanité. On lui attribue les passages suivants de la Genèse : récit de la création du monde, d’Adam et d’Eve, ii, 4 6-25 ; chute, ni, 1-24 ; histoire de Caïn et d’Abel, et descendance des Caïnites, iv, 1-26 ; naissance de Noé, v, 29 ; cause morale du déluge, vi, 1-8 ; entrée dans l’arche, vii, 1-10 (sauf 6) ; pluie, 12 ; fermeture de l’arche et durée du cataclysme, 16 b, 17 ; résultats de l’inondation, 22, 23 ; cessation, vin. 2 b, 3 « ; triple envoi de la colombe, 6-12 ; constatation du dessèchement de la terre, 13 b ; sacrifice de Noé, 20-22 ; ivresse du patriarche et malédiction de Chanaan, ix, 18-27 ; généalogie de Cham, x, 8-19, et de Sem, 21, 24-30 ; tour de Babel, xi, 1-9 ; ancêtres d’Abraham, 28-30 ; vocation d’Abraham et migration au pays de Chanaan et en Egypte, xii, 1-4 a, 6-20 ; retour au pays de Chanaan, séparation de Lot et partage de la contrée, xiii, 1-5, 7-Il a, 12 6-18 ; alliance d’Abraham avec Dieu, xv (en partie) ; Agar, sa fuite, xvi, 1 b, 2, 414 ; visite des anges, promesse d’un fils à Abraham, destruction de Sodome, xviii, 1-xix, 28 ; histoire de I.ot et de ses filles, xix, 30-38 ; conception d’Isaac, xxi, 1 o, 2 a ; séjour d’Abraham à Bersabée, 33 ; promesses divines qu’il reçoit, xxii, 15-18 ; mariage d’Isaac, xxiv, 1-67 ; Abraham épouse Céthura, xxv,

1-6 ; Isaac au puits du vivant, Il b ; lieu où habitait Ismaël, 18 ; naissance d’Ésaii et de Jacob, 21-26 c ; Ésaii vend son droit d’aînesse, 27-34 ; promesses divines renouvelées à Isaac ; Rébecca chez Abimélech, xxvi, 1-14 ; Isaac se sépare d’Abimélech, fait creuser des puits, reçoit de Dieu de nouvelles promesses et s’allie avec Abimélech, 16, 17, 19-33 ; bénédiction de Jacob, xxvii, 1-45 ; Jacob part à Haran, xxviii, 10 ; sa vision à Béthel, 13-16, 19 ; il arrive chez Laban, xxix, 2-14 ; il a de Lia quatre fils, 31-35 ; il épouse Bala, xxx, 3 6-5, 7, puis Zelpha, 9-13 ; épisode des mandragores, 14-16 ; naissance de Joseph et richesses de Jacob, 24-43 (sauf retouches ou mélanges) ; Jacob veut retourner auprès d’Isaac, xxxi, 1, 3 ; pierres amoncelées à Galaad, 46, 48-50 ; Jacob prévient Ésaù de son arrivée, xxxii, 3-14 a ; il lutte avec l’ange, 23-35 ; il est accueilli par Ésaii, xxxiii, 1-7 ; Dina à Sichem, xxxiv, 2 6, 3, 5, 7, 11, 12, 19, 25 a, 26, 30, 31 ; Jacob à Béthel, xxxv, 6 a, 14 ; il en part, 21, 22 a ; quelques traits de l’histoire de Joseph, xxxvii, 3, 4, 12, 13, 14 6, 18 6, 21, 23 a, 25-27, 28 6, 31 a, 32 6, 33, 35 ; Juda et Thamar, xxxviii, 1-30 ; Joseph chez Putiphar, xxxix, 1-23 ; quelques détails de l’histoire de Joseph en Égvpte, xlii, 38 ; xliii, 1-13, 15-23 a, 24-xliv, 34 ; XLVirS-XLVii, 6, 13-27 a, 29-31 ; xlix, 1 6-28 a ; L, 1-11, 14.

Ces fragments forment une histoire sainte presque suivie depuis les origines, une histoire à la fois nationale et religieuse. Le récit est objectif et simple. L’auteur a reproduit la tradition populaire et quelques chants de l’âge héroïque : le chant de Lamech, iï, 23, 24, et la bénédiction de Jacob mourant, xlix. Cf. J. Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue biblique, 1898, t. vii, p. 539-540. L’histoire des patriarches est foncièrement la même que dans l’écrit élohiste ; elle ne se diversifie que par quelques particularités : ainsi, dans l’histoire de Joseph, c’est Juda qui est mis en évidence, tandis que l’élohiste donne le rôle principal à Ruben. Elle suit l’ordre chronologique. Quelques traits cependant trahissent la réflexion et l’esprit de système : le premier homme est anonyme ; les fils des patriarches se marient tous avant la mer l de leurs pères ; le nombre sept est plusieurs fois mentionné, vii, 4 ; vin, 10 sq., comme le nombre quarante, vii, 17 ; viii, 6. L’auteur aime à donner l’étymologie des noms propres de personnes (Eve, Caïn, Seth, Noé, Phaleg) et de lieux (Nod, Béthel) ; il indique celle du nom commun de la femme, ii, 23. L’explication de ces noms répond à l’histoire des personnages ou des localités. Le caractère d’Ésaii et de Jacob est en rapport avec la signification de leurs noms, xxv, 24-35. Les noms des fils de Jacob sont justifiés par les relations de leurs mères, xxix, xxx. Les noms des localités dérivent des événements qui s’y sont accomplis, xvi, 13, 14 ; xxi, 28-31 ; xxxi,

10 sq. Quoique moins détaillée et plus descriptive que le récit élohiste, la narration jéhoviste a quelques particularités propres, par exemple, le nom de Gessen et la localisation précise de certains événements. Les lieux habités par les patriarches sont nommés, xxiv, 62 ; xxv, 11 ; xxvi, 23, 25-33 ; xxviii, 10 ; xxxvii, 14 ; xi. vi, 1. Les patriarches ne sont donc plus de simples nomades ; ils sont stationnaires et cultivent les terres, xvi, 12 ; cependant Ismaël et Ésaii ont encore le caractère des fils de la steppe, xvi, 12 ; xxv, 27 ; xxvii, 40. Les ancêtres du peuple juif sont pacifiques, pieux, mais forts cependant, et ils ne reculent pas devant la lutte, xxix, 2, 3, 8-10 ; xxxii, 25 sq. Abraham et Jacob ont une physionomie nette et tranchée, et la vie patriarcale est bien décrite.

Au point de vue religieux, Jahvé a créé le monde ; il a été connu d’Adam et honoré par les patriarches.

Il se laisse toucher par les prières d’Abraham. II étend sa providence sur tous les peuples, xii, 3 ;