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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/86

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FOI


personnel ou non, âme du monde, force inconnue, etc. M. Loisy lui-même remarquait à propos de l’Essence du christianisme de Harnack : « Une religion qui a tenu tant de place dans l’histoire, et qui a renouvelé pour ainsi dire la conscience de l’humanité, a-t-elle son point de départ et toute sa substance dans une seule pensée ?… Se peut-il qu’un tel fait ne soit pas plus complexe ?… Cette théorie est celle qui domine la savante histoire des dogmes, qu’a publiée le même auteur. Mais l’a-t-il déduite réellement de l’histoire, ou bien n’aurait-il pas simplement interprété l’histoire d’après sa théorie ?… L'Évangile a existé indépendamment de nous ; tâchons de l’entendre en lui-même, avant de l’interpréter par rapport à nos préférences ou à nos besoins. » L 1 Évangile et l'Église, 1902, Introd., p. viii. Ces réflexions très justes atteignent également tous les autres « abstracteurs de quintessence » qui entreprennent aujourd’hui de réduire le vaste ensemble de vérités apportées par le Christ et par saint Paul à tel ou tel résidu minuscule qui leur plaît. Voir la formule de conciliation proposée à Genève : « Jésus sauveur des hommes, » dans Snell, op. cit., p. 106-108.

En face de cette banqueroute de la foi protestante, l’autorité doctrinale infaillible, si nettement revendiquée et si utilement exercée par l'Église catholique, loin d’effrayer ceux des protestants qui cherchent la vérité de toute leur âme, a été le principal attrait qui nous en a amené plusieurs, fatigués qu’ils étaient de l’anarchie intellectuelle à laquelle leurs Églises ne trouvaient pas de remède.

La dernière position essayée par le protestantisme — et celle-là en dehors de toute orthodoxie — c’est l’antidogmatisme des libéraux. « Les dogmes vont se perdre les uns après les autres dans le doute et la négation, disent-ils, et nous n’avons pas de remède au mal : mais ce mal est-il un mal ? Nous n’avons plus de doctrine commune, c’est vrai : mais le christianisme primitif n'était pas une doctrine ; la foi n’est pas l’adhésion à une doctrine. » Et l’on vit se précipiter dans ce paradoxe inouï, mais commode, une cohue d’esprits d’ailleurs fort divers : les piétistes, à qui suffisait une vague sentimentalité, voir Expérience religieuse, t. v, col. 1797, 1798 ; les protestants rationalistes, que gênaient la plupart des doctrines de l'Évangile, révélations et miracles, anges et démons, ascétisme et conseils évangéliques, eschatologie, etc. ; les protestants subjectivistes et sceptiques qui, n’admettant nulle part de vérité objective et absolue, n’en pouvaient reconnaître dans l'Évangile ; le modernisme enfin, qui relève et des piétistes et des rationalistes et des sceptiques. Ci paradoxe, nous l’avons déjà réfuté au commencement de cet article, en montrant le sens du mot « foi » dans le Nouveau Testament, en établissant l’idée première et fondamentale de la foi. Considérons les sources historiques par dû nous pouvons connaître les origines chrétiennes : nous y voyons que Jésus tenait essentiellement à la doctrine, et saint Paul aussi. Voir Études du 20 avril 1908, p. 170-173. M. Harnack avoue lui-même que Paul comptait parmi les conditions du saint une certaine science du Christ et de sa rédemption. L’essence du christianisme, trad. franc., 1902, p, 11." » . Le même souci de la doctrine, avec l’horreur de l’hérésie, se retrouve chez les premiers Pères, voir H. i<. d’Antloche, S. [renée, Tertullien, col. 79-80. Cf. S. Justin, Dial. cum Tryphone, a. 80, P. G., t. vi, col. 866 ; Polycarpe dans [renée, Cont. hier., 1. 111, c. iii, n. 1, P. (, ., t. vii, col. 853 ; Clément d’Alexandiie, Simm., vil, c. xv, p. < ;., t. ix, col. 531.

Puisque toutes CCI positions successives du protestantisme <, iit Intenables, il faut donc revenir à l’infaillibilité de l'Église, moralement nécessaire à la conservation de i.i foi et prouvée pai des textes positifs. On peut même, comme nous l’avons « lit. tirer de <

nécessité un nouvel argument pour l’infaillibilité : non pas que Dieu soit obligé a priori de nous donner tout ce qui est moralement nécessaire au bien de la religion, ou qu’il ne puisse jamais donner à l’homme une révélation quelconque sans pourvoir, par une institution spéciale, à sa conservation ; non : mais la révélation chrétienne, seule ici en question, nous est montrée dans l'Écriture et la tradition comme l’aboutissant de toutes les autres, et d’une perfection telle qu’on ne peut douter que Dieu l’ait accompagnée de tous les compléments nécessaires à sa conservation. S’il a voulu, même par des moyens surnaturels et sûrement efficaces, conserver la foi chez le peuple juif jusqu’au Christ, comment s’imaginer qu’il n’a pas eu la même bonne volonté pour le peuple chrétien, et dans le Nouveau Testament, de tout point si supérieur à l’Ancien ? Et puisque, l'ère des révélations publiques étant close, il n’envoie plus, comme dans l’Ancien Testament, des prophètes dont l’influence servait aussi à conserver la foi chez les Juifs, cf. Franzelin, De tradilione, thés, xx, p. 251, il ne restait que cette institution de l’infaillibilité de l'Église pour assurer pendant des siècles nombreux, et jusqu'à la fin des temps, la conservation de la foi chrétienne.

4. Le développement futur du dogme et celui de la théologie rendaient l’infaillibilité de l'Église encore plus nécessaire à la conservation de la foi. — Le développement, le progrès du dogme découle inévitablement des circonstances de la révélation chrétienne. Et d’abord, des faits que nous avons rappelés tout à l’heure : bien des vérités révélées sont restées plus ou moins dans l’ombre, au début du christianisme, contenues et enveloppées soit dans d’autres vérités plus générales que l’on se contentait d'énoncer, soit dans la simple pratique des sacrements et autres divines institutions ; quand plus tard on a commencé à les en dégager et à les énoncer explicitement, la controverse a souvent surgi dans l'Église même à leur sujet, et ces vérités, ainsi révoquées en doute par plusieurs, en ont souffert plus ou moins longtemps ; enfin le jugement de la controverse par l’autorité doctrinale a rétabli dans toute l'Église le premier accord, le consentement unanime, mais cette fois perfectionné par le fait que la vérité était désormais explicitement reconnue de tous, et, grâce aux explications de l'Église, mieux comprise qu’aux premiers siècles ; voilà un progrès. La profondeur même et la fécondité des vérités révélées, leur harmonie avec, les besoins des différents temps, leur opposition aux innombrables erreurs de l’avenir, tout cela ne pouvait être compris des premiers chrétiens ; ils ne pouvaient recevoir que des principes dont l’avenir se chargeait de dérouler toutes les conséquences. Voir Franzelin, De traditione, thés, xxiii, p. 283 sq. Le développement de la pensée, en dehors même de l'Église, est un autre stimulant du progrès, soit en fournissant aux défenseurs de la révélation des méthodes plus exactes, et îles vérités rationnelles qui, rapprochées des vérités de la foi, en feront jaillir des conclusions dont s’accroîtra la théologie, soit en produisant des formes plus raffinées d’erreur, qui forceront les théologiens au travail, et que l'Église jugera par une application plus détaillée et plus savante des prlncipei de le révélation. Le développement, le progrès du dogme est affirmé par le concile du Vatican, dans les tenues de Vincent de I.érins. Denzinger, n. 1800, 1818. Voir Dogme, t. iv, col. 1603 1637. <)r un dogme qui se développe en

pawant de l’implicite à l’explicite, et qui, en se développant, ne doit jamais se changer en son contraire el doit garder son immutabilité substantielle, voir 1)> coi. 1599-1603, est bien pins difficile à conserver

qu’un recueil lise de formules anciennes qui n’aurait jamais à s’enrichit île nouvelles formules plus préei