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H (GUES D’AMIENS


chaque siège (épiscopal) aurait aujourd’hui une infinité d'évêques et Rome une infinité de souverains pontifes qui, dans une confusion horrible, délieraient ceux que les autres auraient liés, ou lieraient indûment ceux que les autres auraient déliés. Ainsi, à tout prendre, ce qui est valide serait cassé, et ce qui est nul serait tenu pour valide. Aucun des gestes ecclésiastiques ne serait certain. Bref, pour dire vrai, il n’y aurait plus du tout d'Église. » La raison théologique, aussi bien que l'Écriture et les Pères, veut donc que les schismaliques et les exccmmuniés perdent, sinon le caractère que leur communique le sacrement de l’ordre, du moins le droit et le pouvoir de l’exercer.

Il semble qu’au temps de Hugues la distinction entre le pouvoir d’ordre et le pouvoir de juridiction (ou les conditions dans lesquelles s’exerce ce dernier) n’ait pas été nettement déterminée par les canonistes. C’est ce qui explique l’assurance avec laquelle notre auteur émet et soutient son opinion, trop absolue dans les termes. C’est ce qui explique pareillement que d’autres esprits, mieux avertis, en aient pris ombrage.

Hugues fait, dans le VI" livre de ses Dialogues, c. m et IV, col. 1218-1219, un curieux rapprochement entre l’ordre ecclésiastique et l’ordre monastique. Pour lui, tout moine est clerc, ou plutôt fut nécessairement clerc avant d'être moine. A la façon dont il relève l'état monastique on reconnaît qu’il a choisi cette profession et qu’il en apprécie l'éminente dignité.

« L’habit monastique, dit-il ailleurs, c. ii, col. 1217,

est un des sacreme.its de l'Église catholique. Car la consécration du moine et la régénération du baptême ont la même vertu. De m 'ma que dans le bapttme on dépouille la vétusté des péchés et on revêt la nouveauté qui est dans le Christ, ainsi, dans la bénédiction monastique, on dépouille le vieil hemme et on reçoit, en même temps que la bénédiction, le colobium, qui est un sacrement de la nouveauté du Christ. Celui qui revêt dévotement cet habit des mains de son père spirituel, suivant l’usage ecclésiastique, délivré de ses péchés, reçoit en même temps la grâce qu’il eût eue au baptême. Ainsi le saint baptême et la consécration monastique opèrent la m "me chose. »

Ces considérations manquent peut-être de précision Ihéologique. Le tour oratoire que Hugues donne à sa pensée en fait excuser la hardiesse.

Les hérétiques de la Bretagne méconnaissaient la sainteté de l'état monastique et du vœu de chasteté, qui en est la condition. Hugues n’a pas de peine à justifier par saint Paul la légitimité du vccu de chasteté. Contra hærelicos, I. III, c. v, loc. cit., col. 1291. Sans doute, l’apôtre, I Cor., vii, 2, 3, 8, 9, recommande l’union conjugale : AleUiis est nubere qunm uri. Mais il ajoute, ibid., .32-3.5 : Volo atitem nos sine, solliciindine esse ; qui sine uxore est, sollicilus est qitæ Domini siint. qnomodo placent Deo. L'état monastique et l'état conjugal sont donc deux états saints. L'état monastique se rapproche seulement de l'état ecclésiastique, pour lecjuel l'Église exige le vœu et la pratique de la continence.

Hugues indique incidemment, ibid., c. iv, col. 1200, quels sont les degrés de l’ordre qui impliquent le vœu de chasteté :.Si qwtndo nvder Kccksia aliqnos ex vobis rlegerit, qiios levitns, vel presbt/teros, siue pontifices sublimnndos adjndicaveril, soit le diaconat, la prêtrise et l'épiscopat. Il faut croire que par les « lévites » il entendait non seulement les diacres, mais encore les sous-diacres, car il remarque ailleurs que le vœu de chasteté est aussi la condition du sous-diaconat. Ibid., I. H. c. IV, col, 1277.

(^cs héréliqics qui critiquaient le vœu de continence avaient une élrantje conception du m iriage. Ils semblaient méconnaître qu’il lût un véritable sacrement. Flnguen leur rappelle les lois divines et occlésiastique>

qui consacrent l’unité et l’indissolubilité du mariage chrétien. Ibid., t. III, c. iv, col. 1288 sq. Suivant sa remarque la consanguinité formait alors un empêchement au mariage jusqu’au septième degré. Ibid., col. 1291.

II n’y a pas d'état intennMiaire entre le mariage et la pratique de la continence. A l’exemple de beaucoup d’hérétiques de leur tem^is, cf. S. Bernard, In Canl., serm. lxv, n. 4, 6 et 7, ceux de Bretagne traînaient a leur suite des femmes qui n'étaient ni leurs épouses ni leurs parentes, sous prétexte d’imiter les apôtres, qui étaient accompagnés de saintes femmes. Hugues leur fait voir, ibid., col. 1289-12.)(), qu’ils n’ont aucun titre à garder ces compagnes. Les apôtre- ;, dit-il, n’avaient auprès d’eux que leurs épouses ou leurs parentes. Faites de nijin-. Si vous êtes libres, épousez les femmis qui vous suivent, et si vous êtes dans les ordres, ne gardez près de vous que des parentes dont la présence ne soit un scandale pour personne.

L’erreur des Bretons portait encore sur les fins dernières, notamment sur le dogme de la résurrection des corps. Il arrive souvent, disaient-ils, que des corps humains sont décliiré- ;, mis en pièces, mangés par les oiseaux, dévorés par les bêtes ou réduits en poudre et emportés par les vents. Or, il est impossible que ces parties, ainsi dispersées ou transformées en d’autres substances, puissent se réunir et reprendre leur ancienne forme. Donc les corps auxquels elles avaient originairement appartenu ne pourront ressusciter. Ibid., c. iii, col. 1288.

C’est l’objection classique ; c’est aussi la réponse classique que Hugues leur fournit. « Si la résurrection des corps était l’ouvrage de l’homme ou de quelque autre créature, nous serions, dit-il, embarrassés de répondre. Mais nous croyons et nous confessons que c’est la main du Tout-Puissant qui ramasse toutes ces choses, qu’elle les tient toutes et n’en perd aucune. Quelque dispersées que soient les parties du corps humain. Dieu les connaît et ne les perd pas de vue. Ainsi en un moment, en un clin d'œil, il peut les rétablir dans leur premier état. »

En somme, Hugues d’Amiens a passé en revue tout le domaine de la théologie et il peut être compté parmi les théologiens du xne siècle qui nous ont le plus fidèlement transmis la doctrine de l’antiquité. Si l’on excepte l’article un peu délicat qui regarde le pouvoir d’ordre des schismaliques et des excommuniés, tout ce qu’il enseigne est puisé aux sources les plus pures de la tradition. Il est visible qu’il s’inspire de saint.ugustin, surtout dans la question de la grâce et du libre arbitre. Cf. Histoire littéraire de la France, t. xii, p. 666-667.

Bien que Hugues développe ses idées avec quelque subtilité, il se garde bien de donner dans le- ; théories frivoles qui passionnaient alors certains esprits et faisaient plus de bruit rpie de bien, apporlaiont plus d’obscurité que de lumière. Il cherche vr.iinient i’i instruire. Son style est clair, siinple. facile, bien approprié aux sujets qu’il traite. On le lit avec agrément.

QiiinLp lettres et différcnls traités de I Indues, dans P. /, .. t. cxcii. col. 1 t.'U-l.'5.30 ; quelques autres lettres, ibid.. t. CI, XXIX, col. ()7<) ; t. ci.xxxvi, col. 1 : i<)9-l 4.î() ; dix-neuf lettres, dans Recueil des historiens des Gitiiles, t. xv, p. 093702 ; Orderic Vital, /I. F.., I. XIIT, e. vu et viii. I>. L.. t. ci.xxxviii, col. 941 stj. ; Rolicrl de Torigny. abbé du Mont-Saint-Miehcl, Chronique, édil. Delisle, 1872. t. t, p. i.xvii-i.xviii, I8 : î-18.-), 208, 2 : { « , 2."j(), 28.'), 299,. : >4 ; t. ii. p. 228, 2 : {9, 2r)l, 2().'>, 2r.O ; JalTé-L<Pvenfeld, liegesln pontiftciini ronKinnriiiu, T-elpzig, 188.'), n. 7472, 7481, 7 t.S3, 7487. 7.")11, 7.V2 : {, 7.)12, 7.")8.'), 7.')8r), imCi, 1~2<S. 7818, 7904, 8101, 8620, 9027, 9101, 91 « .î, 9160, 92 : VI, 9240, 9241, 9.X'19, 9308, 94.54, gL-JS. 95.") », 10063, 10309, 10442, 10464, 10027, 10787. 11103 ; dom l’onimernye, Histoire ilet orchei'êqiies rfr Hnnen.