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HUGUES DE SAINT-CHEFi


édités par différents critiques suivant divers manuscrits. Ainsi les Ada eruditoriun Lipsiensium, de 1690, j). 94-95 ; Carpzov, Crilica sacra, part. II, c. vi, § 5, in-40, Leipzig, 1719, p. 686-087 ; Dœderlein, Lilterarisches Muséum, Altorf, 1777, t. i, p. 13 sq., et Roseiimuller, Hisloria interprelationis librorum sacroruni, t. V, p. 239-246, ont donné quelques exti-aits du manuscrit de Nuremberg. Cf. F. Kaulen, Geschichle der Vulgala, Mayence, 1868, p. 249-250. Voir aussi S. Berger, Quam nolitiam linguæ hebraicæ habuerunt cbrisliani medii œvi temporc in Gallia, Paris, 1893. p. 28-29.

d) Appréciulion. — Les principes critiques indiqués par Hugues de Saint-Cher dans son introduction et appliqués dans le correctoire étaient justes, et le recours aux anciens manuscrits de la Vulgate et aux textes originaux était un excellent moyen de corriger le texte altéré des bibles du xme siècle. L’application toutefois n'était juste qu'à la condition de la borner au rétablissement aussi parfait que possible du texte de la Vulgate, dont la majeure partie était l'œuvre de saint Jérôme. Il ne fallait pas refaire, d’après les textes originaux de la Bible, la traduction du saint docteur ; il suffisait de débarrasser la Vulgate latine des altérations qu’avait subies son texte, soit par la négligence des copistes, soit par l’intrusion de leçons empruntées aux anciennes versions latines. Mais, comme beaucoup de ses contemporains, Hugues de Saint-Cher n'était pas exactement renseigné sur l’auteur de la version latine de la Bible, qui était devenue la Vulgate. Roger Bacon reprochait aux correcteurs du xiiie siècle d’ignorer de quelle version se servait l'Église ; ils croyaient, dit-il, qu’elle avait à son usage non plus la traduction de saint Jérôme, mais une version mixte formée de plusieurs autres, parce qu’ils voyaient la lettre varier suivant l’opinion de chaque copiste. Opus tertium, édit. Brewer, Londres, 1859, p. 334. Or, Hugues de Saint-Cher en était là. En expliquant le prologue de saint Jérôme sur le Pentateuque, il assure que la version du livre des Proverbes est l'œuvre du Vénérable Bède, puisqu’un passage de la Vulgate qu’on lit dans son commentaire diffère de la version de saint Jérôme. PosdUæ, Venise, 1703, t. i, fol. 6. Parce qu’il attribue au saint docteur les Quxstiones hebraicæ in libres Rcgum, qui étaient faussement mises sous son nom, il conclut, dans son correctoire, d’une leçon de cet écrit sur II Reg., ix, 11, qui est aussi dans la Vulgate, quod in muUis libris, maxime historialibus, non ulimur Iranslalionc Hieronymi, quamois ejus prologi nostris libris apponantur. Ignorant aussi que les Pères et saint.Jérôme lui-même ont cité et commenté la vieille version latine qui avait été faite sur les Septante, il maintient dans le texte des leçons et des additions qui proviennent de cette ancienne traduction. Par suite, il a mélangé dans son texte des leçons provenant de sources divergentes. « Ceux qui supposent que la Vulgate est une compilation, dit Roger Bacon, compilent à leur guise, sous prétexte que le texte de la Bible est coniposé d’un grand nombre d’autres. Ils y insèrent donc ce qu’ils veulent, mêlant et modifiant tout ce qu’ils ne comprennent pas. » Opus tertium, p. 347. Aussi avait-il déjà déclaré, p. 91 : Eorum correctio est pessima corruplin 'A destructio tcxtus Dci, et longe minus mrilum est sine

omparatione uti exemplori Parisiensi non eorrccto,

juam correctione eorum rcl iiliqua alia. lit pourtant, à » on jugement, l’exemplaire parisien était liorribiliter

orruptum. Ailleurs encore, il semble bien viser l’ouvre de Hugues de Saint-Cher, quand il écrit : Seunda correctio (des frères prêcheurs) propler horribiem sui qtuintitnlem (elle formait la moitié d’une bible)

fimul cum oarieiatihus mullis habet sine comparniinne

ptures /alsitates quam prima correctio (la bible de Sens). Opus majus, édit. Jebb, Londres, 1733, p. 50. Cf. p. 49. Ainsi Hugues de Saint-Cher a fait une mauvaise application des principes justes qu’il avait posés, a II cite l’hébreu comme un homme qui connaît cette langue par lui-même et toute son œuvre n’est qu’un retour aux originaux. » S. Berger, De l’histoire de la Vulgate en France, Paris, 1887, p. 12-13. Assurément, mais ce recours constant aux originaux, au lieu de rétablir la version de saint Jérôme dans sa pureté première, a donné une œuvre nouvelle. Aussi un dominicain, le P. Denifle, a reconnu franchement l’erreur pratique de son confrère du xiii^ siècle, et il a déclaré que le jugement de Roger Bacon sur le correctoire de Hugues de Saint-Cher n'était pas trop sévère. Archiv, t. iv, p. 294-295. Le cardinal n’a réussi qu'à débarrasser le texte parisien d’une partie de ses altérations : il y en a laissé beaucoup et il y en a inséré de nouvelles.

c) Date. — L’opinion générale des critiques est que Hugues de Saint-Cher a exécuté son correctoire tandis qu’il était provincial de France à partir de 1227. Elle s’appuie principalement sur le témoignage de Luc de Bruges, que nous avons cité plus haut. Mais nous l’avons dit aussi, il s’agit de la correctio Senonensis, qui était sur le métier en 1236 et qui fut réprouvée en 1256. Tous les manuscrits qui reproduisent le correctoire exécuté par Hugues de Saint-Cher et qui nomment l’auteur, l’attribuent très expressément à Hugues, cardinal de Sainte-Sabine. Sans doute, l’auteur du correctoire pourrait être qualifié cardinal par prolepse, parce qu’il avait revêtu la pourpre à l'époque où les copistes de ces manuscrits transcrivaient son correctoire. Mais le manuscrit 2740 de la Bibliothèque nationale, qui est contemporain, est très explicite, fol. 33 a, sur le lieu où la Bible du frère Hugues fut exécutée : ce fut à Rome. Sa correction fut postérieure à la bible de Sens, qu’elle cite ; elle fut une nouvelle correction et elle a été faite à Rome. La bible de Sens, condamnée en 1256, n’avait été terminée que peu d’années auparavant, peutêtre en 1254 seulement. Le correctoire de Hugues de Saint-Cher n’a vraisemblablement été entrepris qu’après l’abandon de la bible de Sens et il date du temps de son cardinalat (1244-1263).

En 1269, Roger Bacon en parlait, semble-t-il, comme de la seconde correction de la Bible faite par les dominicains. Plusieurs des critiques du franciscain visent directement le travail de Hugues de Saint-Cher : l’auteur pense que la Vulgate n’est pas de saint Jérôme ; il recourt au texte hébreu ; il fait des emprunts à Jôsèphe ; il multiplie les variantes ; il cite les Pères et les auteurs ecclésiastiques ; il est dit « grand » et « très grand ». Opus minus, édit. J. Brewer, p. 348-349. Cette épithète convient bien à un cardinal de la sainte Église. Enfin, le correctoire de Hugues de Saint-Cher est probablement celui qui fut écrit ad reprobalionem du premier, celui de Sens. R. Bacon, Opus tertium, p. 96. Cependant le P. Déni fie appelle le correctoire de Hugues de Saint-Cher : Correctio Parisiensis cardinalis Hugonis.

3. Concordance.

Hugues de Saint-Cher cul l’initiative d’une autre sorte d’ouvrage très utile ù l'étude et à rintcrprétation de la sainte Écriture. Ayant, comme bachelier biblique, à expliquer la Bible, il comprit que, pour préciser la signification de chaque mot, il fallait comparer tous les passages de l'Écriture où ce mot était employé. Cette comparaison exigeait une table complète, une sorte de dictionnaire de toutes les expressions bibliques. C’est pourquoi Hugues, redevenu provincial et aidé, dit-on, de 500 frères prêcheurs, fit opérer, entre 1238 et 1240, scmble-t-il, le dépouillement détaillé du texte latin de la Vulgate.