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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/128

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HUGUES DE SAINT-VICTOR


pelait en réalité Hermann ou Hayinon, mais que les Français lui donnèrent le nom de Hugues par ignorance, etc. Une deuxième opinion place la patrie de Hugues dans le territoire d’Ypres. Elle se réclame d’un texte d’un manuscrit du monastère d’Anchin, du XII'e siècle, antérieur par conséquent à Albéric des Trois-Fontaines, publié par Mabillon, Vetcra analecta, Paris, 1723, t. i, p. 133, et d’un manuscrit de Marchienne, du même âge, publié par Martène et Durandi Voyage littéraire de deux bénédictins, Paris, 1724, t. ii, p. 93 : Anno ab incarnatione Domini MCXLI obiit dominus Hugo, canonicus S. Vidoris, tertio idus februarii, qui, Yprensi tcrritorio ortus, apuero exulauit. Patronnée par Mabillon, cette opinion e. été admise par divers savants, surtout français, par exemple, par dom Clément, Histoire littéraire de la France, t. XII, p. 2, et, de notre temps, par U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge. Bio-bibliographie, Paris, 1903-1904, t. i, col. 2217. Elle n’a cependant pas entraîné l’unanimité française ; l’origine saxonne de Hugues a continué d’avoir des défenseurs parmi nous, par exemple, Hugonin, Essai sur la fondation de l'école de Saint-Victor de Paris, dans P.i.., t. CLXxv, col. xL-XLiv ; A. Mignon, Les origines de la scolastique et Hugues de Saint-Victor, Paris [1895], t. I, p. 7-9 ; Fourier Bonnard, Histoire de l’abbaye royale et de l’ordre des chanoines réguliers de SaintVictor de Paris, t. i, p. 85-86. Une troisième opinion désigne la Lorraine comme pays natal de Hugues. Elle se prévaut d’un texte de Robert du Mont, f 1186, moins d’un demi-siècle après Hugues : Magister Hugo lotharicnsis, dit-il, Chronica, dans les Monumenta Germanise historica. Scriptores, Hanovre, 1844, t. VI, p. 495. Moins répandue que les précédentes, cette opinion a des tenants décidés, tel dom Hugues Mathoud, qui, dans ses Observationes sur les Sentences de Robert Pulleyn, P. L., t. clxxxvi, col. 104 1, 1064, etc., écrit couramment : Hugo lotharicnsis. Rtmarquons que les partisans des deux premières opinions ont cru pouvoir tirer à eux le texte de Robert du Mont. Mabillon a dit que, la Flandre étant limitrophe de l’ancienne Lorraine, un homme né sur les confins de ces deux provinces pouvait être indifféremment appelé du nom de l’une ou de l’autre. De leur côté, les tenants de la première opinion ont dit que la Saxe touchait autrefois, par une extrémité, à la Lorraine et ont allégué ce mot de l’anonyme de Jumièges : Hugo lotharicnsis sic dictus a confmio Saxoniæ ; mais L. G. Bethmann, Monumenta Germanias historica. Scriptores, t. vi, p. 484, estime que Y Hugo lotharicnsis de l’anonyme est dénué de valeur, parce qu’il est emprunté à Robert du.Mont, et que la finale : sic dictus a confmio.Saxoniæ n’a pas de sens.

Tout cela est bien confus. Sans dissiper pleinement les nuages, deux textes de Hugues lui-même fournissent quelr|uc lumière. Le premier est de VErudilio diduscalica, I. HL c. xx, /'. L., t. ci.xxvi, col. 778 : Ego a puero exsulavi, et scio quo mœrore animus arctum aliquando paupcris tugurii fundum deserat, qua libertate postea marmoreos lares et tecta laqueata despicial. Il est clair que le texte du manuscrit de.Marchienne : Hugo… qui, Yprensi tcrritorio ortus, a puero cxulavit, est calqué sur ce passage. V. Preger, Geschichle der dcutschen.Myslik im Miltilaltcr, Leipzig, 1874, t. i, p. 229, rappelant que 1-2. I ôliiner a signal, dans le marmoreos lares et dans le paupcris turgutii, deux réminiscences, lune de Cicéron, I autre de 'ir(iile (qui écrit tugurt), a supnosé que l’auteur de la notice du manuscrit rie.Marchienne a pti prendre le mol tugurt pour un nom de lieu et lire, a la place de tugurt, Ypreti ; une faute de lecture expliquerait donc son affirination sur l’origine yproise de Huanes. L’hypothèse est ingénieuse, trop ingénieuse. Quoi

qu’il en soit, du texte de Hugues il résulte que Hugues alla à l'étranger dès son enfance, a puero ; impossible, par conséquent, de voir dans ce départ pour l’exil l’abandon de « l’humble cellule de religieux où il habitait lorsqu’il dut quitter la Saxe, pour venir en France ». A. Mignon, op. cit., t. i, p. 9. Il en résulte encore que Hugues appartenait à une famille modeste et non à l’illustre lignée des comtes de Blankenbourg. Le second texte de Hugues est le prologue du traité De arrha animæ, P. L., t. clxxvi, col. 951-952. Hugues envoie ce traité à frère G. et aux autres religieux d’HammersIeben, en Saxe ; il les salue tous, et nommément frères B. et A., et leur demande d’accepter ce soliloque de la dilection » en souvenir de lui, in memoriam mei, en témoignage de sa tendresse, cetare non potui mem erga vos a//cctum dilcctionis. Évidemment il a vécu dans le monastère ; il., été de la maison.

Ainsi Hugues, d’humble extraction, a quitté enfant son pays natal, Flandre ou Lorraine, est allé en Allemagne et a séjourné au monastère saxor ; de Hammersleben. Un dernier renseignement incontestable sur cette période, c’est qu’il eut de bonne heure la passion du savoir : il faut lire, dans VEruditiu diduscalica, 1. 'VI, c. III, P. L., t. CLXxvi, col. 799-801, le passage dont le commencement est : Ego affirmare audeo nihil me unquam quod ad cruditionem pertineret conlempsisse, et la fin : Coarctata scientia jucunda non est.

A quel moment Hugues laissa-t-il l’Allemagne ? Parcourut-il la Flandre, la Lorraine, tout l’est de la France, pour se rendre à Saint-'Victor de Marseille d’abord, ensuite à Seint-Victor de Paris ? Fut-il accomp.igné par son grand-oncle Hugues, archidiacre d’HalberstaJt, qui aurait embrasse avec lui la vie reli^fiense à Saint-Victor, lui aurait survécu et serait devenu cardinal-évêque de Frascati ? A ces questions des réponses aflirmatives ont été faites, mais sans bonnes preuves. Le cardinalat de Hugues est certainement imaginaire. Certainement encore notre victorin n’a jamais été chanoine de Saint-Jean de Latran, quoi qu’en aient prétendu Thomas Garzoni. chanoine de Saint-Jean de Latran, qui publia, en 1588, les œuvres de Hugues sous ce titre : Hugonis de Sancto Victore canonici regularis lateriinen ; is opéra omnia, et, après lui, M. Hittorp, De dirinis ratholiræ F.celesiw (i/fliiis et mjstaiis vaiii vetustorum aliquot Ecclesiæ Palrum ac r.criptorum ecclesiasticorum libri, Paris, 1609, col. 1333.

Hugues arriva à Paris peut-ôtre aux alentours de 1118. L’abbaye de Saint-Victor 6tait dans tout l'éclat de sa jeune renommée. L’abté Gilduin la gouvernait ; les études avaient pour directeur le prieur Thomas, lequel aidait en même temps l'évêque dans l’administration de son diocèse. En 1133, Thonuis fut assassiné, pour avoir défendu les droits de l'évêqueHugues lui succéda dans I ;  ; direction des études et dans la charge(ieprieur. Ce dernier litre, qu’on lui a contesté, lui est donné dans une lettre que lui adressa Gajtier (et non (luilhnime, comme imprime faussement l'éditeur) de Mortagne, P. L., t. clxxxvi, col. 1052, et dans un manuscrit du xiie siècle, Bibl. nat. de Paris, hil. 2531. Cf. J. de Ghellinck, l.e mounement theologique du XIIe siècle, Paris, 1914. ]). 113, n. t. C, )ue son enseignement ait plu à ses disciples, c’est ce que démontrent les préfaces de ses œuvres où il raconte qu’il cède, en les écrivant, à leurs instances. Cf. De sacramentis christii næ fidei, præfaliur.cula, P. /, ., t. ci.xxvi. col. 173-174, et le joli début du /)c arra Noe nrondi, col. (>17618. Guillaume de Champeaux, quand il se fut retiré à Saint-Victor, avait continué d’y tenir une école publicpie. A ce qu’il semble, après que quillaume fut promu à l'évêclié de Cbâlons, l'école cessa d'être publitpie et, en conséquence, Hugues n’eut pour élèves que les viclorins. Cf. (i. Robert. Les écoles et