manifestation, la désapprobation des orthodoxes, des moines surtout. Après l’exil de Nicéphore, Théodore Studite ne craignit point d’organiser, le dimanche des Rameaux, une procession où ses mille moines parurent avec des icônes. Convoqué au concile de Sainte-Sophie, il refusa de s’y rendre tant que le patriarche légitime serait déporté. Il fut exilé. Ainsi commençait la seconde persécution iconoclaste qui atteignit plus de victimes encore que celle de Constantin V.
L’été de 815 se passa tout entier à incarcérer des évêques et des higoumènes, auprès desquels étaient introduits d’habiles tentateurs. Parmi ces derniers, il faut mentionner ce Jean Morokharzanios, que nous avons vu seconder si fidèlement les projets de l’empereur, et aux côtés de qui se distinguait le prêtre mœcbien, Joseph. C’était de nouveau la destruction systématique des images, des œuvres d’art, des vases sacrés, des vêtements liturgiques. Les fidèles étaient contraints par la violence de recevoir la communion des prêtres iconoclastes. Surtout, c’était le retour aux scènes douloureuses de jadis : moines expulsés, monastères saccagés, iconophiles jetés à la mer en des sacs ou soumis à toute sorte de mauvais traitements, martyrs succombant sous les fouets ou dans les cachots. Vita Nicephori patriarchæ, p. 206 ; Théodore Studite, Opera, P. G., t. xcix, col. 1157 ; Vita Leonis Armeni, P. G., t. cviii, col. 1035 ; Mansi, t. xiv, col. 139. Parmi ces héros, il faut saluer le chronographe Théophane, si souvent nommé ici. Acta sanct., martii t. ii p. 218 sq.
Dans la nuit de Noël 820, Léon l’Arménien était assassiné par des conjurés à la tête desquels se trouvait un de ses compagnons d’armes, Michel le Bègue. Celui-ci, proclamé empereur, rapporta les sentences d’exil et ouvrit la porte des prisons. En vain cependant Théodore Studite, rentre à Constantinople, essaya-t-il d’obtenir de lui une restauration des images ; en vain l’ancien patriarche Nicéphore employa-t-il son zèle à cette même fin. Le basileus pensa aboutir à d’heureux résultats en réunissant un concile où amis et ennemis des images siégeraient et discuteraient ensemble. Mais les orthodoxes, Théodore en tête, refusèrent ce traitement d’égalité ; que si quelque point restait encore qui n’eût pas été élucide d’une manière pertinente par les patriarches, on devait, déclarait l’higoumène, le soumettre au jugement de l’ancienne Rome, « cette Église étant la tête des Églises de Dieu, puisqu’elle a eu Pierre pour premier évêque, celui-là même à qui le Seigneur a dit : Tu es Pierre, etc. » Mansi, t. xiv, col. 400, 401.
Michel II s’était efforcé de gagner à sa cause le pape Pascal Ier et Louis le Débonnaire. Il importe de noter que, dans sa lettre à l’empereur d’Occident, le basileus distingue l’usage des saintes images de leur culte. Leur usage est licite, il est ordonné à l’instruction, ut ipsa pictura pro scriptura habeatur ; mais de leur culte, Michel ne veut point entendre parler, parce que, déjà défendu, il a dégénéré en pratiques puériles et superstitieuses. Mansi, t. xiv, col. 417-422.
Au mois d’octobre 829, l’empereur Théophile succédait à Michel le Bègue. Tout d’abord modérée, mais systématique et continue, la persécution iconoclaste éclata furieuse, dès l’intronisation patriarcale du fameux courtisan Jean Morokharzanios, en avril 832. Un semblant de synode s’ensuivit : il se tint aux Blakhernes et jeta de nouveaux anathèmes aux iconophiles. Partout, ce fut le régime de la terreur ; une nouvelle fois les prisons se remplirent de moines et d’évêques ; l’île d’Aphousia, au sud de la Propontide, fut un des lieux d’internement les plus peuplés : elle donna asile en particulier à ces deux glorieux frères et confesseurs, Théodore et Théophane, dits Grapti, parce que sur leur front le bourreau grava, le 14 juillet 836, jusqu’à douze vers iambiques, douze vers remplis d’injures et d’outrages ! Vita Theodori Grapti, P. G., t. cxvi, col. 653-684, n. 25.
La mort de l’empereur (20 janvier 842) mit un terme à la persécution. Le bourreau couronné s’éteignait dans le sang : il mourait en tenant, non pas un crucifix, mais la tête d’un général, exécuté sur son ordre.
VIII. Le triomphe de l’orthodoxie (843).
Il semble que l’iconoclasme ait donné son dernier effort avec Théophile. Celui-ci, en mourant, laissait le pouvoir aux mains de sa veuve Théodora et de son fils Michel, un enfant. Théodora était iconophile. La situation se présentait donc comme à l’avènement d’Irène. Mais, comme en 780, l’abrogation de l’iconoclasme se heurtait à un grand nombre de difficultés venant de l’armée et du clergé, sans compter que l’impératrice aimait passionnément son mari et n’entendait pas laisser tomber l’anathème sur la mémoire de Théophile.
Écarter le patriarche Jean, tel était le premier devoir à remplir. Un homme qui avait toute la confiance de Théodora allait le remplacer. En mars 843, le siège patriarcal recevait pour titulaire l’ancien higoumène de Khénolaccos, saint Méthode, qui avait souffert pour la foi sous Michel II. « Les lèvres mutilées par le fer des iconoclastes, obligé, dans les fonctions publiques, de soutenir ses mâchoires brisées par de blanches bandelettes qui devinrent pour ses successeurs les insignes et la parure de leur pontificat, il conservait assez de verve et de voix pour dicter ses hymnes et ses discours, toujours redoutables aux ennemis des images. » Marin, Les moines de Constantinople, p. 360.
Une réparation s’imposait ensuite pour toutes les erreurs et toutes les fausses victoires de l’iconoclasme. Après le synode réuni pour déposer le patriarche Jean (19 février 843), on songea à célébrer, avec la plus grande solennité, le rétablissement de l’orthodoxie. Un imposant concours de moines et d’homologètes, la plupart portant sur leurs corps les preuves de leur héroïque constance, ajouta à la grandeur de la manifestation projetée. Ce fut le 11 mars de cette même année 843, au premier dimanche de carême, que la grande fête qui porte encore aujourd’hui le beau nom de fête de l’Orthodoxie, consacra le triomphe définitif de la vérité. On chanta ce jour-là, comme on les chante encore de nos jours, les odes triomphales du martyr Théophane Graptos, et celles d’un disciple du Studite. « Nous gardons les lois de l’Église observées par nos pères, nous peignons les images, nous les vénérons de notre bouche, de notre cœur, de notre volonté, celles du Christ et celles de tous les saints. L’honneur et la vénération adressés à l’image remontent au prototype : c’est la doctrine des Pères inspirés de Dieu, c’est celle que nous suivons, et nous crions avec foi au Christ : Bénissez le Seigneur, vous toutes, ses œuvres. » Baronius, an. 842, n. 28 ; Nilles, Kalendarium, 2e édit., 1897, t. ii, p. 101 ; Marin, De Studio, cœnobio Constantinopolitano, Paris, 1897, p. 52. 1 08, 109.
Quand le patriarche saint Méthode mourut, le 14 juin 847, « rien plus ne restait de l’iconoclasme, sauf un surcroît d’amour pour les images et une exagération de culte à leur endroit. Fallait-il causer tant de trouble et verser tant de sang pour aboutir à ce résultat ? » Pargoire, op. cit., p. 271, 272.
IX. La théologie des images ; la doctrine de saint Jean Damascène.
Les iconomaques rencontrèrent trois grands adversaires : à Byzance, le patriarche Germain ; en Occident, le pape Grégoire II, et en Orient, saint Jean Damascène.