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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/370

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IGNACE DE LOYOLA (SAINT)


la disposition liiiale, décisive, dans la méditation des deux étendards. Encore une image militaire, comme celle du règne, dont la conclusion est accentuée dans cette méditation des étendards. Ici en effet nous sommes placés devant l’opposition des deux esprits qui se combattent danb le monde : l’esprit d’orgueil, personnifié dans Lucifer ; l’esprit d’humilité, incarné dans Notre-Seigneur Jésus-Clirist. Il faut choisir, 11 n’y a pas de milieu. Et ainsi se trouve nettement marquée la voie à suivre, en même temps que les écueils à éviter, pour que l’élection soit bonne et salutaire.

Saint Ignace ajoute encore des « règles de l’élection ». admirables de sagesse. Notons qu’il interdit au directeur des Exercices d’influencer en quelque manière que ce soit le retraitant dans cette affaire : elle est à conclure entre Dieu et l’âme seuls.

Les décisions prises seront confirmées par la contemplation prolongée de la vie de Jésus-Christ, et par les deux semaines restantes. La troisième, consacrée à la Passion, est particulièrement propre à enflammer de plus en plus l’amour pour le Sauveur et les ardents désirs de l’imiter. La quatrième produit le même ellet, en faisant goûter la suavité de Jésus ressuscité dans son rôle de consolateur.

Les Exercices ont leur couronnement dans la Contemplation pour obtenir l’amour divin. Après nous avoir fait parcourir tous les bienfaits de Dieu en trois tableaux d’une synthèse sublime, qui s’illumine à la fin par un regard sur la bonté et la beauté infinie, entrevue en elle-même, elle nous amène à conclure par l’offrande entière de notre être au service de la Majesté divine.

A cette brève ébauche du livre, il faudrait ajouter tout ce que l’auteur fait pour soutenir et porter au maximum la bonne volonté du retraitant ; pour guider celui qui doit le diriger, afin qu’il sache à propos le stimuler ou le retenir, l’éclairer, l’encourager aux moments difficiles, le préserver des écarts, l’armer contre les « fraudes de l’ennemi », et tout cela sans jamais s’interposer indûment dans les rapports entre Dieu et l’àme. Tel est le but de ses notes et de ses règles : dans leur apparente minutie, elles n’offrent pourtant rien de superflu, rien qui ne réponde aux indications d’une saine psycliologie.

De fait, l’expérience de plus de trois siècles a mis en lumière l’efficacité des Exercices pour renouveler, transformer, élever les âmes. Après la grâce de Dieu et l’impression que fait toujours la considération des grandes vérités, les causes de cette efficacité sont la combinaison et l’ordonnance logique des divers exercices, la méthode naturelle indiquée pour la méditation et la contemplation, la sagesse des additions et annotations. D’ailleurs, les mêmes causes font que les Exercices gardent leur admirable efficacité pour toute sorte de personnes. Grands de la terre et peuple, prêtres et laïques, gens du monde et religieux, hommes et femmes, peuvent les faire, au moins en partie, et y trouveront le salut et le progrès de leurs âmes, suivant les dispositions qu’ils auront apportées.

Aussi les Exercices sont-ils une incomparablc école d’hommes, de chrétiens, d’ajjôtres. S’ils se résument finalement dans l’invitation de Notre-Sei^neur : « Renoncez à vous-même et suivez-moi », ils sont bien loin d’abattre les forces naturelles. Ils les intensifient, au contraire, en les purifiant de ce qui rappelle trop la matière et la bête, en leur imprimant la direction vers le plus haut idéal, et les amplifiant I l’infini avec les forces surnaturelles. Pour preuve, il suffit de dire que les Exercices de saint Ignace ont fait saint François-Xavier et saint Françojs Régis, saint Charles Horromée et saint François de Sales : ces noms dispensent de citer la foule d’autres qu’on pourrait y ajouter.

3 » Doctrinv spirituelle des Exercices. — Déjà notre aperçu rapide des E.xercices a dû faire entrevoir quelle solide et haute spiritualité ils renferment. Bleu qu’on n’y remarque nulle prétention proprement didactique, il ne serait pas difficile d’en extraire tout un cours de science spirituelle. Pour en marquer du moins quelques grandes lignes, deux principes dominent et dirigent la pensée de saint Ignace : le droit absolu de Dieu sur le service de l’homme et le devoir correspondant de celui-ci. Son idéal est l’immolation de tout l’être et de son activité à la plus grande gloire de Dieu.

Pour le réaliser, le premier moyen, c’est l’oraison. L’oraison des Exercices est essentiellement pratique : elle doit procurer à l’homme les grâces de lumière et de force nécessaires pour dompter ses passions et s’initier aux vertus. Comme c’est là une œuvre qui exige l’étroite coopération de Dieu et de l’homme, il y faut, avec l’humble prière, l’application des facultés naturelles de l’âme, mémoire, intelligence, volonté, sagement aidées par l’imagination.

On a reproché à cette oraison la grande place qu’y tient le raisonnement, et la minutie des avis pour la bien faire, donnés sous le nom d’ailditions et d’annotations. Mais s’il est vrai que la raison a le premier rôle dans les exercices des quatre semaines, c’est parce que des convictions fermes et bien motivées doivent présider à la rénovation dont seules elles assureront lu stabilité. Au reste la tâche de l’intelligence ne s’arrête pas à la théorie : elle doit provoquer les actes de la volonté, aflections et résolutions, qui constituent d’ordinaire le fruit des méditations. Aussi bien la grâce qu’on nous fait demander dans les préludes n’est-clle jamais pour la seule intelligence, mais encore et surtout pour la volonté et l’action. Enfin, la méthode de saint Ignace, avec les appai’cnces de la régularité presque mécanique, laisse tout son jeu à une sage liberté. Elle comprend tout ce qui peut « aider », suivant l’expression chère au saint, à bien faiie l’oraison, mais ne demande jamais la fidélité servile à ce que l’expérience montrerait plutôt gênant.

Saint Ignace n’a donné de méthode que pour l’oraison ordinaire ; il s’abstient totalement d’inciter à la haute contemplation. Il l’a pourtant bien connue par expérience dès Manrèse. C’est que, durant les Exercices, l’attention doit se porter avant tout sur la lutte contre les inclinations mauvaises et l’acquisition des vertus, et seule l’oraison enseignée dans les Exercices peut servir ce but. Quiconque avec un cœur immortifié prétendrait à une forme d’oraison plus haute ne pourrait qu’être le jouet de l’illusion. D’ailleurs, il n’appartient qu’à Dieu d’inviter qui il lui plaît, et quand il lui plaît, à ses connnunications plus intimes, et alor.s il se charge lui-même d’instruire les âmes auxquelles il réserve pareille faveur. Celles-ci, en attendant, trouveront la meilleure préparation dans l’amour ardent de Notre-Seigncur Jésus-Christ et l’esprit d’abnégation, qui sont le fruit principal des Exercices bien faits. Nous pouvons ajouter que d’éminents auteurs, comme Gagliardi et Suarez, ont remarqué, dans le livre même de saint Ignace, une sorte d’amorce de la contemjjlation proprement dite, non seulement dans la contemplation finale, ad obtinendum amorem, mais déjà dans les applications des sens smles mystères de la vie de Jésus-Christ, où nous sommes invités à goûter l’infinie suavité et douceur de la divinité, de l’âme et des vertus de Nolre-Seigneui, etc. .1. Maréchal, K’ote sur la méllwde d’application des sens dans les Exercices de S. Ignace. Mélanges Walrigant, iMighien, 1920, p. 5’2-55.

Mais pour saint Ignace la perfection de la vie spirituelle ne consiste pas dans l’union avec Dieu par l’oraison. Il ne craijînit pas de dire souvent qu’à sou