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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/391

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IMAGES (CULTE DES)

fut prise à la lettre, et l’hostilité contre toute image d’être vivant fit en quelque sorte partie de la mentalité des Juifs. Josèphe nous les montre détruisant l’aigle d’or placé par Hérode au-dessus de l’entrée principale du temple, Ant. jud., t. XVII, c. vi, § 2, 3, Josephi opéra, édit. Didot, t. I, p. 669-670, réclamant de Pilate qu’il ôtât les statues de César qui étaient sur les étendards de l’armée à Jérusalem, ibid., l. XVIII, c. iii (iv), 1, p. 698 ; De bello judaico, l. II, c. ix (xiv), 2-3, t. ii, p. 100-101, demandant même à Vitellius de ne plus faire transporter de semblables statuts à travers leur pays. Ant. jud., t. XVIII, c. v (vi), 3, t. 1, p. 705. « II est contre la loi, dit Josèphe, d’avoir dans le temple des images ou tableaux ou toute autre représentation d’êtres vivants » De bello jud., l. I, c. xxxiii (xxi), § 2, t. ii, p. 79. Tacite apporte sur les Juifs un semblable témoignage : « Ils ne souffrent aucune effigie dans leurs villes, encore moins dans leurs temples. Point de statues ni pour flatter leurs rois, ni pour honorer les césars. » Hist, V, 5.

Cette hostilité fut surtout le fait des Juifs de Palestine, plus soucieux de garder la lettre de la loi que ceux de la Diaspora. Nous remarquons bientôt chez ceux-ci des idées plus larges au sujet qui nous occupe. On trouve dans leurs cimetières, aux premiers siècles du christianisme, des peintures représentant des plantes, des oiseaux, des poissons, des hommes et des femmes. Cf. dom Leclercq, Manuel d’archéologie, t. i, p. 495-528. La nécropole de Gamart, aux environs de Carthage, est intéressante à ce point de vue. Mais ces images, même si elles représentent des objets du culte, comme le chandelier à sept branches, ne sont jamais que des motifs de décoration, et ne sont pas l’objet d’un culte particulier. Ce n’est que dans le christianisme que nous voyons fleurir le culte des images.

2o Dans le christianisme avant l’iconoclasme.

1. Durant les trois premiers siècles.

La loi de grâce abolissait les prescriptions rituelles et purement légales de l’ancienne alliance. La contrainte, en son temps nécessaire, qu’imposait la lettre de la loi mosaïque, était brisée, et toutes les aspirations légitimes de l’âme humaine pouvaient prendre un nouvel essor ennobli dans la sainte liberté des enfants de Dieu. Parmi ces aspirations est le goût esthétique, l’amour de l’art, imitation ou mieux « embellissement de la nature ». Bossuet, Sermon sur la mort, IIe part. Chose bonne en soi, l’art s’était prostitué au vice et à l’idolâtrie. La religion chrétienne, au lieu de le proscrire, allait s’en emparer, le purifier et le grandir jusqu’à la représentation sensible de la beauté morale et surnaturelle.

Cette rénovation ne se fit pas tout d’un coup. L’Église, recrutée d’abord chez des Juifs, qui dans leur éducation première avaient puisé un grand éloignement des images, et chez les gentils, qu’il importait de prémunir contre la pratique de l’idolâtrie, ne pouvait donner, dès son commencement, à l’usage et au culte des images toute l’importance qu’ils eurent dans la suite. La pauvreté de ses moyens, du reste, ne le lui permettait guère. Cependant, dès l’origine, l’art chrétien s’essaie à orner les lieux du culte de peintures religieuses, à sculpter sur des sarcophages ou des pierres fines ou à graver sur des médailles des motifs religieux. Les documents archéologiques abondent. C’est Rome souterraine surtout qui les fournit. À la suite du célèbre De Rossi, on a divisé en six catégories principales les sujets représentés dans les catacombes : « a) les sujets symboliques, objets, animaux qui symbolisent des personnages ou des mystères chrétiens (l’ancre, l’agneau, la colombe, le poisson, etc.) ; b) les sujets allégoriques, représentant les paraboles de Notre-Seigneur et les figures sous lesquelles il s’est dépeint lui-même (la vigne, le bon pasteur, les vierges sages et les vierges folles) ; c) les sujets bibliques de l’Ancien Testament souvent figures eux mêmes des mystères du Nouveau (Noé dans l’arche, Daniel, Jonas, Moïse frappant le rocher). On a de ces trois premières catégories de sujets des exemples remontant au Ier ou au iie siècle ; d) les images directes de Notre-Seigneur, de la Vierge et des saint. Un peu plus récentes en général que les précédentes, plus importantes aussi pour notre objet, peintes sur le stuc des murailles ou sur des fonds de verres dorés, ou même frappées en médailles, ces images présentent quelques spécimens qui paraissent remonter tout à fait à l’âge apostolique, au ier ou au iie siècle, mais appartiennent surtout au iii et au ive siècle ; e) les scènes tirées des vies des saints et de l’histoire de l’Église, qui n’apparaissent guère avant le ive siècle, après la pacification de Constantin ; f) enfin les sujets liturgiques, dont les plus remarquables exemples se trouvent dans les chambres du cimetière de Calliste dites Chambres des sacrements. Moïse frappant le rocher, le pêcheur tirant de l’eau un poisson, le baptême, le sacrifice eucharistique, le repas des sept disciples devant le pain et le poisson, etc., ornementation exécutée à la fin du iie ou tout au commencement du iiie siècle.

« Que l’on joigne à ces représentations figurées des catacombes les sculptures des sarcophages (généralement du ive ou ve siècle, quelques statues du bon Pasteur, dont deux au moins paraissent antérieures à Constantin, et l’on aura une idée du témoignage que fournissent les plus anciens monuments pour établir l’usage que l’Église a fait, dès son origine, des images religieuses. » Tixeront, Histoire des dogmes, t. iii, p. 437-438. Cf. De Rossi, Roma sotterranea, Roma, 1864 ; Paul Allard, Rome souterraine, Paris, 1872 ; Marucchi, Éléments d’archéologie chrétienne, Rome-Paris, 1900-1902 ; Sixte Scaglia, Notiones archeol., 3 vol., Rome, 1908 ; dom Leclercq, Manuel d’archéologie chrétienne, 2 vol., Paris, 1907.

Précieux aussi sont divers textes d’auteurs. Certes, ne peuvent témoigner pour la tradition chrétienne ni la statue légendaire élevée à Jésus par l’hémorroïsse de l’Évangile, selon Eusèbe, H. E., vii, 18, P. G., t. xx, col. 679, ni les images honorées par les carpocratiens, selon saint Irénée, Cont. hær., i, 25, P. G., t. vii, col. 685, ni les statues d’Abraham et de Jésus placées dans le Lararium d’Alexandre-Sévère, selon Lampridius, Alex. Sev., 29, mais on doit mentionner et Tertullien parlant du bon Pasteur représenté sur les calices. De pudicilia, vii, 10, P. L., t. ii, col. 1OOO, et Eusèbe affirmant avoir vu des images peintes des saints Pierre et Paul et de Jésus-Christ. H. E., vii, 18, P. G., t. xx, col. 679.

L’usage des images s’établit donc et se répand dans l’Église, ni imposé par décret, ni introduit par surprise, mais fleurissant comme naturellement de l’âme chrétienne, restée humaine sous l’empire de la grâce. Mais leur rendait-on d’ores et déjà un culte ? Aucun texte n’autorise à l’affirmer, aucun non plus à le nier. Celui de Minucius Félix dans l’Octavius, 29, P. L., t. iii, col. 332, manque de précision. Cf. Tixeront, op. cit., t. iii, p. 439. Toutefois il est probable que les chrétiens devaient s’en abstenir pour ne point paraître imiter les païens, auxquels ils reprochaient de se prosterner devant les idoles. Origène, Contra Celsum, l., VII, 66, P.G., t. xi, col. 1514.

2. Aux ive et ve siècles.

À la paix constantinienne, églises et basiliques jaillissent du sol et permettent au culte chrétien de déployer une plus grande magnificence. Le signe du Labarum et surtout la découverte de la vraie croix sont une invitation aux artistes chrétiens à représenter cet instrument de notre salut, une invitation au peuple fidèle à l’entourer de vénération. Aussi la croix est-elle le premier objet de notre religion que l’histoire nous montre recevant un culte relatif. Pour tout ce qui concerne la croix, voir t. iii, col. 2339 sq.

Quant aux images proprement dites de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, l’usage s’en répand