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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/398

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IMAGES (CULTE DES’782

mina mutaverunt. L’empereur lui-même trouva son zèle excessif, mais il le laissa dans la tranquille possession de son siège, jusqu’à sa mort, qui arriva à quelque temps de là, vers 827. A VApologelicum répondirent le moine Dungal, de Saint-Denis, Liber adoersus Claudium Taurinensem, P. L., t. cv, col. 465-530.cn 827, et Jonas, évêque d’Orléans, De cultii imaginiim libri très, P. L., t. cvi, col. 305-388. Cet ouvrage ne parut qu’une quinzaine d’années après la mort de Claude. Jonas, à la suite de saint Augustin, établit que le mot culte a un sens applicable à la créature, col. 319. On ne doit donc pas traiter d’idolâtres ceux qui pratiquent le culte des images : tout au plus sont-ils des ignorants qu’il faut charitablement instruire, col. 315, 33C. Dungal va plus loin, et ne refuse pas aux saintes peintures un certain honneur in Deo et propter Deum.Tixeront, op. cit., t. iii, p. 481. Le texte est intéressant et marque le progrès que fait en Occident le culte des images. Evidentissimc palet picluras sanctas et Domini crucem et sacras electorum Dci reliquias dignis et congruis honoribus a catholicis et orthodoxis in Deo et propter Deum veneruri oportcre, col. 527. Voir t. iii, col. 13-16.

L’opposition au culte des images se manifestait encore à la même époque par le traité d’Agobard de Lyon, Liber de imaginibus sanctorum, P. L., t. civ, col. 199228, écrit vers 825, où l’usage est admis, mais où l’on met en garde contre le culte. Voir 1. 1, col. 614. La môme attitude est gardée par Walafrid Strabon, mort en 849, dans son De rébus ecclesiasticis, P. L., t. cxiv, col. 927-930, où, voulant garder le milieu entre

« l’irrévérence » et le « culte immodéré », il s’en tient

à un honneur tout négatif, que rendrait bien le mol de respect. Comme il reconnaît que l’irrévérence envers les images rejaillit sur ceux qu’elles représentent, il semble bien que seule la crainte des excès l’ait détourné d’un culte positif. Sic itaquc imagines et picturw habendæ siint et amandæ ut nec despectu ulilitas annuletur, et hwe irrevercnlia in ipsorum, quorum similitudincs sunt, rediindet injuriam ; nec cullu immoderuto fidei sanitas vulncretur, et corporalibus rébus honor nimie impensus arguai nos minus spiritualia contemplari. P.L., t. cxiv, col. 930. Hincmar de Reims, mort en 882, fit un ouvrage, Qualiler imagines Salvaloris nostri vel sanctorum ipsius vencrandæ sint, aujourd’hui perdu, mais dans un autre ouvrage, Opusculum I.V capitntorum advcrsus Hincmarum Laudunensrm, P. /, ., t. cxxvi, col. 360, on voit qu’il regarde le concile de 787 connne un pseudo-concile tenu sine uuctorilale apostolica, qui fut incapable de résoudre la question intellectu sano. C’est pourquoi le concile tenu en I-’rance sous Cliarlemagne l’avait détruit et rejeté. La méprise persistait donc qui avait donné lieu au 2 « canon du concile de Francfort.

1/opposition au culte des images ne cessa qu’à la fin du ix ou au commencement du xe siècle, quand fut reçu en France le V II I"^ concile général, W de Conslantinople (869), qui avait approuvé les décisions du 11’concile de Nicéc..Ainsi se termina cette longue controverse, dans laquelle le génie propre de chaque nation tint une si large place. Le culte des images cadrait avec le tempérament religieux des grecs, et rit ; glii>c grecque en est restée la terre classique. Kn Occident, Rome et l’Italie, la pairie des arts, furent les premières à le défendre, bien qu’on n’y ait jamais accepté certaines conceptions des b>zantins, qui faisaient des images de vrais sacramentaux, ct les identifiaient par trop, au point de vue de l’action et de la vertu, avec les originaux qu’elles rcprésentent. La l’rance et l’.MIcmagnc, longtemps rebelles, cédant à la logique et aussi, on peut le croire, à l’influence romaine, ont fini par y venir, mais en y gardant toujours plus de réserve et de sobriété., ’fixeront, op. cit., V. iii, p. 482483.

5. Le malentendu dans la querelle des images en Occident. — On a souvent expliqué l’opposition des F’rancs à la doctrine de Nicée parce qu’ils donnaient au mot adoratio, dont on avait fait l’équivalent de TtpooxûvY )aiç, le sens de latrie. C’est trop dire ou plutôt ce n’est pas assez expliquer, car les théologiens occidentaux n’ignoraient pas que ce mot eût aussi un autre sens, employé dans la Bible, et l’auteur des Livres Carolins le reconnaît à plusieurs reprises. Il est bien vrai toutefois que, mises à part les préventions politiques cl la défiance causée par les graves contresens de la traduction des actes de Nicée, c’est dans un malentendu verbal qu’il faut, pour une bonne part, rechercher le principe du désaccord qui survint entre l’Orient et l’Occident.

Tout d’abord se présente le mot adoratio, qui rend celui de TTpoCTxùvT^aiç. Ce mot avait été employé au concile de Rome (769) auquel assistaient douze évêques francs. Mansi, t. xii, col. 721. Pour l’auteur des Livres Carolins, qui déclenche l’offensive contre les décisions de Nicée, ce mot a un double sens : l’un, réservé au culte religieux, et qui s’identifie avec celui de latrie ; l’autre, en usage dans le commerce des hommes entre eux. Dans les deux cas, le sens est absolu. Parce qu’il s’agit d’actes religieux, l’orfora^/o imaginum prend pour l’auteur une signification de latrie. Et comme les iconophiles disent qu’on peut fort bien adorer sans latrie, ainsi que la Bible le dit de plusieurs personnages, il leur répond que, s’il est raisonnable d’exprimer sa déférence envers des personnes vivantes, il est insensé d’en faire autant pour une peinture qui ne voit ni ne sent, insensé d’accorder la même vénération à un être raisonnable et à une chose inanimée. Par où il apparaît bien que le terme d’adoration n’a point chez cet auteur le sens le plus large qu’a chez les grecs celui de TvpoaxûvrjCTiç. Il le restreint au sens absolu, et, dans ce sens, à deux déterminations précises. Le terme colère est restreint à une signification religieuse, et dans celle signification, il a la même portée que Vadoralio de latrie. Dieu seul est adorandus et colendus. Au-dessous est le mot venerari. Il s’applitjue à la croix, aux saints, à leurs reliques, à leurs basiliques, à tout ce qui est consacré pour le culte dû à Dieu. C’est celui qui eut Icyplus de chance d’être reçu des Occidentaux. Dans les réponses d’Hadrien aux reprehensiones du Capilulaire de Char-Icmagne, il est à remarquer quf le pape paraît abandonner, pour désigner le culte des images, le terme d’adoration qui efi’arouche son royal contradicteur, mais se sert à sa place de celui de vénération. Voir en particulier P.L., i. xcviii, coI. 1285-1280. F : t même, en reproduisant un passage de sa lettre aux empereurs grecs où un texte de saint Ambroisc contient le mot adoramus au sujet de la croix, il lui substitue celui de vencramur. Cf. Mansi, t. XII, col. 1068-1069 : y. L., t. xcvni, col. 1288. Ce rapprochement n’a toutefois de valeur que si le texte latin qui se trouve dans Mansi est vraiment, comme l’assure Hcfelc, la reproduction de l’original latin de la lettre d’Hadrien, Le mol adoratio est de même absent du décret du concile de Trente pour désigner le culte des images, pour ne pas permettre aux hérétiques de surprendre la bonne foi des simples. Mais comment expliquer que la vénération clle-memc soit refusée aux images, alors qu’elle est accordée aux reliques et aux temples ? Nous sommes ici au nœud de la question. Il faut quitter les considérations I)hilologiques, pour faire appel à l’histoire et à la psychologie. Les Occidentaux étaient peu portés par tempérament à cette forme de religion qui fleurissait en Orient. O’i-Tnd une méprise leur eut fait croire que cette piété tournait à l’idoliMric, ils reculèrent d’horreur et d’indignation, et le recul brusque cl violent les rejeta, comme il arrive presque toujours, plus loin qu’il ne fallait. Redoutant jusqu’à l’ombre