Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/431

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
847
848
IMMACULEE CONCEPTION


Mode.

L’inuminité attribuée à la mère de

Dieu est une immunité par voie de préservation, prœservalam immuncm ; de préservation faite en vue des mérites de Jésus-Clirist, Sauveur du genre humain. Il y a donc eu pour Marie application de ces mérites, non seulement anticipée, conmie pour ceux qui ont vécu avant Notre-Seigneur, mais exceptionnelle, unique en son genre. Aux autres descendants d’Adam Dieu applique le fruit des mérites du Sauveur, la grâce, pour les délivrer du mal héréditaire qu’ils ont réellement encouru ; à Marie la grâce est donnée au premier instant de son existence, en sorte qu’elle échappe réellement au mal. La Vierge est ainsi rachetée d’une façon plus noble que les autres, sublimiori modo redemptam, comme il est dit dans la bulle, § Omncs autem. Mais elle a été quand même rachetée, et elle devait l’être. Par ce côté, l’exemption du péché dont la mère de Dieu a joui par privilège personnel, diffère de celle qui convient soit aux bons anges, soit à nos premiers parents considérés au moment de leur création ou production. Elle diffère aussi de l’immunité propre au Sauveur, conçu virginalement par l’opération du Saint-Esprit et échappant, de ce chef, à la loi commune ; car l’affirmation que Marie dut à une grâce de préservation le privilège de ne pas tomber sous cette loi suppose, objectivement et dans la pensée de l’Église romaine, que la Vierge a été engendrée comme les autres descendants d’Adam, qu’elle eut un père selon la chair. Là intervient le problème du debiium peccati en Marie, c’est-à-dire de la nécessité où elle aurait été ou du moins aurait dû être, à ne considérer que sa descendance adamique, de contracter la tache héréditaire. Problème que nous rencontrerons au cours de cette étude, avec la controverse qu’il renferme relativement à la nature de cette nécessité ou à Ja façon dont elle s’applique à la mère de Dieu : de près ou de loin, immédiatement ou médiatement ; en termes techniques, théories du dehilum proximum ou du debitum remolum. Ce proljlènie, d’ordre relativement secondaire, est resté, après comme avant la définition, à l’état de libre discussion.

Certitude.

La conception immaculée de la

mère de Dieu a été définie, non pas simplement comme une vérité ou conclusion théologique certaine, mais comme une vérité divinement révélée, a Deo revelatam. Expression dont le relief s’accentue, quand on la compare avec cette autre, qui figurait dans le premier texte de la bulle : catholicee Ecclesiæ docirinam cum sacris litteris et divina et apostolica traditione cohærentem. Sardi, La solenne defmizione de ! dogma dell’immacolato conccpimenio di Maria sanlissima, Rome, 1904, t. ii, p. 38. Le dépôt de la révélation étant, d’après les principes de la foi catholique, contenu tout entier dans la sainte Écriture et la tradition apostolique, il faut que le privilège défini ait son fondement objectif dans ces sources, à tout le moins dans l’une ou dans l’autre. Toutefois trois remarques préalables s’imposent.

1. Autre chose est la contenance d’une vérité dans le dépôt de la révélation, autre chose est le mode de cette contenance. La révélation d’une vérité ayant pu se faire d’une façon explicite ou implicite, la contenance de la vérité dans le dépôt de la révélation peut être, également, explicite ou implicite. Quoi qu’il en soit de la question de savoir si, en réalité, l’immaculée conception de Marie a été révélée d’une façon explicite ou seulement implicite, il est manifeste que, dans la formule de définition, Pie IX a restreint son affirmation au fait de la révélation, esse a Deo revelatam, sans spécifier ni le mode de cette révélation ni, par conséquent, la façon dont le privilège mariai est contenu dans les sources primitives.

2. Autre chose est la contenance d’une vérité dans le dépôt de la révélation, autre chose est la profession ou croyance exiilicite de cette vérité dans l’Église. Les deux questions ne sont pas du même ordre : la première est d’ordre objectif et la seconde, d’ordre subjectif. Or il n’est nullement nécessaire qu’il y ait entre les deux ordres un tel parallélisme, qu’on trouve toujours formulé dans l’un ce qui est réellement contenu dans l’autre. Pareille concordance ne se vérifie même pas, en toute rigueur, pour les vérités explicitement révélées ; à plus forte raison serait-il abusif de l’exiger quand il s’agit des autres, car il peut se faire que la profession ou croyance explicite ne se manifeste pas ou même n’existe pas réellement dès le début, soit qu’on doute de la vraie contenance de la vérité dans le dépôt de la révélation, soit que, pour une raison quelconque, on n’en ait pas encore pris conscience.

Dès lors, qu’il y ait eu ou qu’il n’y ait pas eu, dès le début, croyance explicite au privilège de l’immaculée conception, n’est pas une question de principe qu’on puisse résoudre a priori ; c’est une question de fait oi ! i l’étude attentive des témoignages anciens a sa place marquée. Cette question de fait. Pie IX ne l’a pas plus définie que cette autre : de quelle manière, explicite ou seulement implicite, le dogme défini est-il contenu dans les sources primitives de la révélation ?

3. Autre chose enfin est le dogme lui-même, autre chose sont les preuves dont on peut l’appuyer. En dehors de la formule de définition il y a. dans la bulle Ineffabilis Deus, toute une partie qui précède à titre d’exposé historico-doctrinal : elle forme comme les considérants rationnels de la sentence pontificale. Trois chefs de preuves y apparaissent : l’Écriture sainte, la tradition et la convenance du glorieux privilège. Dans la formule même de définition. Pie IX n’a rien spécifié relativement à ces preuves, qu’il s’agisse de leur valeur absolue ou de leur influence respective dans la formation et le développement de la pieuse croyance, il n’en est pas moins vrai que, dans l’exposition et la défense d’un dogme défini, un théologien catholiqU’ne saurait faire abstraction des fondements où le magistère ecclésiastique a cherché la raison d’être de ses actes. Ne serait-ce pas construire en l’air, que de rêver, en dehors de ces fondements, soit une élaboration théorique, soit une défense apologétique du dogme défini ? Un tel procédé serait d’autant moins recevable, que les objections faites par les adversaires du privilège mariai n’atteignent pas seulement la doctrine elle-même, mais encore, et tout particulièrement, les fondements de la doctrine, tels qu’ils sont exposés dans la bulle.


II. L’immaculée conception dans la sainte ÉciuTURK. —

Des auteurs graves, d’illustres défenseurs de la foi catholique, ont pensé que la révélation écrite ne fournissait rien, ou du moins rien de solide en faveur du glorieux privilège. Petau, indiquant les raisons qui lui font admettre la pieuse croyance. De incarnat. Verbi, t. XIV, c. v, ne fait même pas mention de la preuve scripturaire. Bellaimin dit dans un Votum émis devant Paul V en 1617 : Jn Scripturis nihil habemus ; ce qui, d’après le contexte, doit s’entendre en ce sens relatif : Nous n’avons rien qui permette de définir la pieuse croyance comme vérité de foi, ou de condamner l’opinion contraire comme hérétique. X. Le Bachelet, Auctarium Bellarminianum, Paris, 1913, p. 627. En revanche, d’autres tenants du privilège ont cité les textes avec une abondance, une prodigalité qui expliquent et justifient ces paroles de Mgr Malou, L’immaculée conception, Bruxelles, 1857, t. I, p. 242 : « Disons-le sans détour, de tous les arguments que les défenseurs de ce privilège ont fait valoir, ceux qu’ils ont tirés de l’Écriture sainte