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IMMACULÉE CONCEPTION


Hijmni et sermones, t. ii, col. 526 : « La mort est venue par Eve, et la vie par Marie. » D’autres témoignages, plus importants ceux-là, n’expriment pas seulement l’antithèse entre les deux femmes, mais en déterminent la portée dans l’ordre providentiel, conformément à l’idée contenue dans le texte de Tertullien. S. Cyrille de Jérusalem, CaL, xii, 15, P. G., t. xxxra, col. 742 : « Comme la mort était venue par Eve encore vierge, il convenait que la vie revînt par une vierge ; » S. Éphrem, De diversis, serm. m. Opéra sijr. lat., t. III, p. 607 : ’< Ce qui a été un instrument de mort, a donc été un instrument de vie ; » S. Augustin, De agorie christiano, c. xxii, n. 24, P. L., t. xl, col. 203 : Il fallait que le diable souffrît de sa défaite par les deux sexes, comme il avait joui de son triomphe sur les deux ; ce n’aurait pas été assez pour son châtiment que les deux sexes fussent délivrés, si les deux n’avaient point contribué à la délivrance. » Cf. Maxime de Turin, Homil., XV, de natio. Dont., x, P. L., t. lvii, col. 254.

Il y a donc, de la part de Dieu, un plan de revanche sur le démon ; plan qui comprend, en face d’Adam et d’Eve formant le groupe des vaincus, Jésus-Christ et sa mère formant le groupe des vainqueurs. D’où vient cette doctrine ? Pour ce qui concerne le Sauveur, nul doute qu’il n’en faille chercher le fondement dans l’Évangile et les écrits apostoliques, Joa., xii, 31 ; Rom., v, 14 sq. ; Gal., ii, 15 ; Heb., ii, 14 ; I Joa., ni, 8 ; car les expressions patristiques rappellent à la mémoire ces divers passages. Mais pour ce qui concerne la mère du Sauveur, nul autre fondement ne paraît assignable, qu’un rapprochement entre le récit de la chute originelle, Gen., iii, 1-10, et celui de l’Annonciation, Luc, I, 26-39. Au colloque du démon avec Eve, les Pères opposent le colloque de l’archange Gabriel avec la Vierge de Nazareth ; à l’orgueil et à la désobéissance de la première femme, ils opposent l’humilité et l’obéissance de Marie ; à la ruine que la conduite de l’ancienne Eve attira sur le genre humain, ils opposent le relèvement dont la conduite de la seconde Eve fut la condition et le principe. Cette dernière considération, telle qu’elle apparaît dans ceux des Pères qui l’ont tant soit peu développée, nous reporte au Protévangile. La traduction de la Vulgate, attribuant à la femme la défaite du serpent : Ipsa conlerel ciipul luum, confirme à sa manière cette conclusion ; car elle suppose dans ceux qui l’introduisirent ou l’adoptèrent la conviction d’une union étroite entre la femme et son rejeton dans la lutte contre l’ennemi, en sorte que la victoire de l’un pût être aussi considérée comme victoire de l’autre. II n’est nullement prouvé que cette traduction ait introduit dans le texte un ajjport doctrinal objectivement distinct ; elle contient, en réalité, la détermination et l’expression de ce qui était enveloppé dans le sens intégral de la mystérieuse prophétie.

Prise dans toute son ampleur, la doctrine du nouvel Adam et de la nouvelle Eve forme donc comme une interprétation pratique du Protévangile ; les Pères y ont trouvé le Messie et sa mère, cpioiqu’il en soit de la question de terminologie, discutable mais secondaire, à savoir s’il faut dire que tels et tels les y ont vus directement et explicitement, ou bien indirectement et implicitement. Les considérations précédentes écartent seulement l’opinion arbitraire de ceux qui, ne reconnaissant là que des données exclusivement traditionnelles, enlèvent par le fait même toute valeur scripturaire à l’argument tiré du Protévangile. lilles nous font aussi dépasser l’hypothèse « l’un sens spirituel ou typique, qui serait fondé sur un rapport d’analogie entre Eve, redevenant après son repentir l’ennemie du démon, et Marie, réalisant pleinement avec son divin Fils l’inimitié prédite. L’hypothèse ne rentre ni dans le cadre historique de

la révélation écrite ni dans celui de la tradition primitive. Quand l’Écriture fait mention d’Eve en dehors des premiers chapitres de la Genèse, où elle raconte son état primitif et sa chute, c’est toujours en rattachant à sa personne l’idée de ruine, de séduction, de prévarication. Eccli., xxv, 33 ; II Cor., xi, 3 ; I Tim., II, 14. De même, quand les anciens Pères considèrent la première femme après sa déchéance, ce n’est pas pour la comparer à la mère du Sauveur victorieuse avec son divin Fils ; c’est, d’ordinaire, pour opposer l’une et l’autre, suivant l’antithèse connue. Un autre rapprochement leur est, il est vrai, suggéré par le titre et la qualité de mère des vivants, Gen., in, 20 : Eve, mère du genre humain dans l’ordre physique, devient pour saint Épiphane, loc. cit., et d’autres après lui, la figure de Marie, mcre des hommes dans l’ordre de la grâce ; mais si ce rapprochement confirme qu’aux yeux de ces Pères Marie est la nouvelle Eve, il n’entraîne aucun rapport typique entre les deux femmes envisagées comme adversaires victorieuses du serpent. Voir card. Billot, De Vcrbo incarnato, 4e édit., p. 374 sq., note.

C’est donc avec raison que, dans la bulle Inef}abilis, i] est dit des saints Pères et des écrivains ecclésiastiques : « Ils ont enseigné que par ce divin oracle. Je mettrai l’inimitié entre toi et la femme, entre la descendance et la sienne, Dieu avait clairement et ouvertement montré à l’avance le miséricordieux rédempteur du genre humain, Jésus-Christ, son Fils unique, et désigné sa bienheureuse mère, la Vierge Marie. » Idée reprise, mais sous une forme plus absolue, par Léon XIII dans cette phrase qui contient une allusion manifeste au Protévangile : « Au début des siècles, quand, par leur péché, nos premiers parents se furent souillés eux-mêmes et eurent souillé toute leur postérité d’une commune tache, l’auguste Vierge Marie fut constituée comme le gage du salut et du relèvement futur. » Encycl. Augustissim ! P, sur le rosaire, 12 septembre 1897.

c) Marie immaculée dans le Protévangile. — Le glorieux privilège de la mère de Dieu ne ressort pas immédiatement de ce qui précède. Des Pères ont vu dans la femme de la Genèse Marie, nouvelle Eve, sans y voir Marie conçue sans péché ; il en fut ainsi de saint Bernard, si catégorique en ce qui concerne le premier point. Pour lui, comme pour d’autres, l’inimitié de la bienheureuse Vierge et son triomphe se seraient réalisés, soit en général dans sa vie morale, par l’absence complète de toute faute personnelle, soit en particulier, au jour de l’Annonciation, alors que par sa foi, son humilité et son obéissance, elle fit contre-poids à l’incrédulité, à l’orgueil, à la désobéissance de l’ancienne Eve et nous donna le Sauveur En outre, n’ayant pas traité formellement de la conception de Marie, les Pères des premiers siècles n’ont pas relié le privilège qui s’y rattache au rôle de nouvelle Eve que le Protévangile leur a révélé. Mais c’est là une question de fait qui ne préjuge en rien la question de droit. Dans ce cas comme dans beaucoup d’autres, les anciens Pères ne sont pas parvenus à la connaissance explicite de ce qui n’était contenu que d’une façon implicile dans le texte génésiaque et ceux qui le complètent ou l’éclairent. Ils n’en ont pas moins posé, par la doctrine de la nouvelle Eve, intimement unie au nouvel Adam dans l’œuvre de la réparation, les prémisses d’où la conchision devait sortir un jour, l’Iilsprit-Saint aidant. Aussi, quand le problème de la conception de Marie entrera dans une phase de discussion formelle et publique, les défenseurs du privilège commenceront à invoquer expressément le Protévangile, parexemiile, au xue siècle, Osbcrt de Clare et Pierre Comestor dans leurs ser.nons De conrrplionr.