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IMMACULÉE CONCEPTION


ché. Car ce qu’il lui doit, il l’a sûrement purifié, soit avant de le prendre, soit en le prenant. Aussi cette Vierge mère, qui n’a pas conçu selon la loi inhérente à la chair de péché, c’est-à-dire par un mouvement de concupiscence charnelle, mais qui, par sa foi ardente, a mérité de recevoir en elle-même le germe sacré, il l’a créée pour la choisir un jour et il l’a choisie pour en être créé, quam cUgcrei crcavit, de qua crcaretur elegil. » Texte où toute la difflculté se concentre vraiment : si la parcelle de chair, dont le corps du Sauveur fut formé, a dû être purifiée pour n'être plus une chair de péché, c’est donc qu’en Marie elle était chair de péché, jusqu’au moment de la purification. Il résulte, en effet, de ce texte et de plusieurs autres que, suivant Augustin, Marie, avait reçu de ses parents une chair de péché, susceptible comme telle de purification. — Mais que signifie au juste l’expression : chair de péché ? D’après le texte présent et ceux qui ont précédé, cette expression signifie, pour le saint docteur, une chair engendrée selon la loi de la concupiscence et, par conséquent, soumise à la même loi. Gomme il écarte du Sauveur une conception qui serait soumise, ne fût-ce qu’en droit, à cette loi, il devait également écarter de sa personne sacrée une chair qui serait, même en simple droit, soumise à la concupiscence. Autre est le cas pour Marie : il peut y avoir en elle chair de péché, c’est-à-dire chair engendrée selon la loi de la concupiscence et soumise, en droit du moins, à cette loi. S’il s’agit non plus de la loi, mais de son application, la mère de Dieu fut-elle, en fail, préservée et comment ? L'évêque d’Hippone ne touche pas expressément ce problème, mais son enseignement sur l’absence de péché en Marie, De natura et gralia, 36, autorise à conclure d’une façon favorable, en ce sens du moins que, si le fomes peccati existait en la Vierge avant l’incarnation, c'était sans exercer son empire. D’ailleurs, toute cette doctrine d’Augustin s’applique à la chair, et non pas à l'âme de la mère de Dieu. La concupiscence, prise en soi, ne s’oppose pas à la sainteté de l'âme, car les deux coexistent dans les chrétiens baptises et justifiés. Voir Augustin (saint), t. I, col. 239.5. Il est donc illégitime de s’appuyer sur l’expression : chair de péché, pour conclure que la très sainte Vierge fut soumise à la loi commune du péché originel. Mais l’obscurité et l’ambiguïté qui s’attachent aux formules augustiniennes donneront lieu, plus tard, à de vives et longues controverses.

Schwane, Dogmengexchichle, 2e édit., t. ii, ^70, p. 5.36-540 ; Irad. franc., par A. Degert, t. iii, p. 179-186 ; Palmieri, De l>eo créante, th. Lxxxin ; De peccato oriqinali, th. xix ; L. Jansscns, op. cit., p. 77-79, 85-01 ; M..Jugie, La doctrine de l’immaculée conceplion et les Pères orientaux du IV'. siècle, dans lre-name, 1012, t. ii, p. 129 ; S. Protin, L « mario/ogie de saint Augustin, dans la Revue auguslinienne, Paris, 1002, t. I, p. : }75 ; Ph. Friedrich, Die Mariologie des Id. Augustms, Cologne. 1007 ; H. Kirfcl, Derhl. Augustinus und das Dogma der unbelleckten Emp/dngnis Mariens, dans.Jalirbucli fiir PIxiloxophie und spekulatiue Théologie, Paderborn. 1907, t. xxii. p. 211 ; E. Dorsch, Die Mariologie des hl.Augu.stins, imn Dr. Iheol. Phil. Friedrich, dans Zeitichrifl fixr l<alholischc Théologie, Inspruck, 1008, t. xxxii, p. 549 ; H. Morilla, San Augustin defensnr de laconcepciôn inmaculada de Maria, dan » l.a Ciudad de Dios, Valladolid, 1908, t. Lxxv, p. 385 ; L. Talmont, Saint Augustin et V immaculée conception, dans In Renne augustinienne, 1010, t. xvi, p. 745 ; W. Sclierer, /jir l-'rnge ùbcr die l^hre des heiligen Augustinus » on der untKflerkten Empjàngnis, dans Théologie und Glaube, Paderborn, 1912. p. 4.3-46.

X. Le Bachelet.


II. IMMACULÉE CONCEPTION DANS L'ÉQLISE GRECQUE APRÈS LE CONCILE D'ÉPHÈSE.


I. Considération préliminaires.
II. L’ininiaculée conception dans l'Égilse grecque, du concile d'Éphèse à Miche ! Cérulaire.
III. Doctrine des byzantins du xie au xve siècle.
IV. La fête de la Conception. Les textes liturgiques.
V. La croyance à l’immaculée conception dans l'Église gréco-russe à partir du xvi «  siècle.

I. CONSIDÉR.TIONS PRÉUMINAIRES.

L’eXamCU de la tradition grecque sur la conception immaculée de la mère de Dieu, spécialement après le concile d'Éphèse, est particulièrement difficile à faire. L’histoire critique et détaillée de cette tradition sur ce point spécial n’a pas encore été entreprise. Les théologiens catholiques se sont contentés jusqu’ici de citer quelques témoignages plus ou moins probants empruntés à un nombre d’auteurs très restreint. Ces témoignages sont produits, la plupart du temps, isolés de leur contexte, et perdent ainsi beaucoup de leur force. Phénomène curieux : les textes que l’on a fait valoir de tel ou tel écrivain byzantin dont les œuvres se trouvent dans la Palrotogie grecque de Aligne, ne sont pas toujours ceux qui méritaient de venir en première ligne. On a passé sous silence les passages où l’idée du dogme catholique est contenue le plus clairement, ou bien on a noyé ces passages dans une masse d’autres qui ne prouvent pas grand’chose. Visiblement, on s’est trop fié à l'œuvre confuse et dénuée de critique de Passaglia, Commentarius de inimncalalo Deiparx sempcr virginis conceplii. 3 in-é », Rome, 1854-1855. A sa suite, on a trop insisté sur la portée des épithètes mariales, des métaphores, comparaisons ou types plus ou moins accommodaticcs dont abondent la rhétorique et la liturgie byzantines et qui visent très souvent la maternité divine et la perpétuelle virginit ; de Marie et non sa sainteté originelle. On a aussi accordé une importance exagérée au fait de la célébration d’une fête de la conception de la sainte Vierge en Orient, et l’on a voulu en déduire des conséquences théologiques qui, dans le cas, n’ont pas de fondement solide.

Ces erreurs de méthode n’ont pas peu contribué à jeter le discrédit sur la preuve que les apologistes du dogme catholique ont tirée des monuments de la tradition grecque. Ce discrédit a été augmenté par un préjugé tenace qui a cours communément depuis Petau parmi les théologiens et les historiens du dogme. Au c. n du 1. XIV sur l’incarnation, le père de la théologie positive a écrit, prccisément en jiarlanl de l’immaculée conception :.'iiquidem Grxci, n( originalis fere criminis raram, ncc diserlam menlionem scriptis suis (dligerunl, sic ulruni bcala Virgo affinis illi conccpla fuerit, liquidi nihil adniodum trad.derani. Cette brève déclaration, par laquelle Petau se dispense d’examiner la doctrine des grecs, a passé pour un oracle, et on la répète encore. On l’exagère même, et il n’y a pas longtemps qu’un moderniste, qui se piquait d'être un historien informé, osait écrire cette énormilé : « . l'époque de saint Jean Damascône, l'Église grecque ignorait encore le dogme de la faute héréditaire. Klle ne pouvait donc ]ias songer à exempter la sainte Vierge d’une loi qui lui était inconnue. » G. Hcrzog, La sainte Vierge dans l’histoire. II. Débuis de la croi/ance à la sainteté de Marie, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1907, t. xii, p. 549. Si l’on part, de l’idée que les grecs ne songeaient jamais ou presque jamais au dogme fondamental du péché originel, sans lequel le dogme de la rédemption par.lésus-Christ croulerait par la base, il est évident que ce qu’ils disent de la sainteté de Marie perd beaucoup de sa force. Mais rien n’est moins exact que l’affirmalion de F^etau non seulement pour les Pères grecs antérieurs au concile d'Éphèse, mais aussi et surtout pour ceux qui ont vécu après ce concile. Tout ce qu’on peut dire à la décharge de l’illustre théologien, c’est que, depuis qu’il a écrit ses Dogmes théologiques, beaucoup de