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IMMACULÉE CONCEPTION

favorab !.’ii ce privilej^c, loinin’, ' nous le inonlreroiis tout : i l’heure.

Par ailleurs, il ne fautpas.-Utribuor trop d’iniportance à ce que (lisent les lliéoiogiens de l’Église gréco-russe, voire même à ce que peut écrire un patriarche de Constantiiiople dans une encyclique ; car ni celui-ci ni ceux-là ne sont considérés comme infaillibles. Pou l’Église gréco-russe, l’unique sujet de l’infuillibilil’est le concile œcuménique. Tant qu’une assemblée d ce genre n’aura pas dirimé la question de rimmaculéc conception, celle-ci restera à l’état de question librement débatUie, et les partisans du privilège mariai auront autant de droit à l’aire entendre leur voix au sein de’l’orthodoxie » que ceux qui le rejettent.

L’opposition à la doctrine de la conception immaculée dans l’Église gréco-russe ne s’explique pas uniquement, comme on le dit communément, pai l’influence de la théologie protestante. Sans aucun doute, cette influence a été considérable. Elle fut prépondérante en Russie, au xin’e siècle. Mais elle est loin de rendre xaisoH de tous les cas particuliers, et, par exemple, du cas de Cyrille Lucar, qui fut, comme on sait. tout déoué aux doclrines de la Réforme et qui enseigna, cependant, très clairement l’immaculée conception, eu se référant à Bellirmin. D’autres causes se sont combinées avec cette influence pour détourner les grecs modernes de la voie tracée par leurs ancêtres. Mettons en première ligne l’ignorance de la tradition byzantine, cjue l’on remarque chez ceux-là mêmes qui devaient en êtvv ; les déposit.iires et les défenseurs. On remarcsuera que la plupart des témoignages exprimant la perpétuelle sainteté de Marie que nous avons rapportés pour la période postérieure au schisme sont tirés de pièces inédites ou publiées seulement au Xixe siècle. Ces témoignages, les théologiens grecs modernes ne les ont pas connus. A pnrtii du xvie siècle ils allèrent puiser leur instruction théologique dans les universités d’Allemagne, d’Angleterre et d’Italie. En Italie, ils prirent contact avec la scolastique latine. En Allemagne et en Angleteire, ils se familiarisèrent avec les doctrines de la Réforme. Si les leçons des professeurs protestants n’augmentèrent pas leur dévotion pour la « Panaghia », il faut reconnaître que la controverse qui divisait les théologiens catholiques au sujet de l’immaculée conception pouvait avoir un résultat tout autre que celui de leur inculquer cette doctrine. N’oublions pas qu’au xviie siècle, époque où beaucoup de grecs étudient à Venise et à Padoue, l’école dominicaine nie encore ouvertement le privilège de Marie. Si un décret de saint Pic V, en 1570, interdit aux prédicateurs, sous peine de suspense, d’attaquer la pieuse croyance que tous les fidèles admettent, les théologiens gardent la liberté de la discuter dans les académies, jusqu’au début du xviie siècle. Parmi les jeunes griîcs qui sont mis au courant de ces discussions, les uns se prononcent pour le privilège de la Toute-Sainte ; les autres se laissent impressionner parles objections, et le rejettent.

Au nombre des objections que les adversaires de l’immaculée conception ont, de tout temps, mis en av^mt, figurent les passages bien connus de saint Grégoire de Nazianze et de saint Jean Damascène, où ces Pères parlent d’une purification préalable de la Vierge par le Saint-Esprit avant l’accomplissement du mystère de l’incarnation. Plus que toutes les autres considérations d’ordre théologique, ces textes de deux de leurs Pères les plus vénérés portèrent les grecs à nier le privilège mariai. Les théologiens byzantins avaient cent fois expliqué que cette purification devait s’entendre d’une augmentation de sainteté et non de l’effacement d’une souillure’quelconque. Les étudiants grecs d’Occident, qui n’avaient pas lu les homélies de Grégoire Palamas, de Nicolas Cabasilas

et de Georges Schohirios, prirent au pied de la lettre le terme de purification, et adoptèrent l’opinion d’après laquelle.Marie a contracté la souillure originelle et qu’elle n’en a été pur, liée qu’au jour de l’annonciation. Cette thèse leur jiermettait de faire bande à part et de se différencier à la fois des partisans de l’immaculée conception et de ceux qui admettent une sanctification de la Vicr, ge dans le sein maternel.

On peut aussi assigner une cause d’ordre psychologique aux négations de certains polémistes anticatholiques d’Orient et de Russie. Tant que la doctrine de l’immaculée conception eut des adversaires parmi les théologiens catholiques, ils n’élevèrent pas la voix pour crier à l’innovation. Mais à mesure que le saintsiège patronna davantage cette doctrine et multiplia les défenses de l’attaquer, ces polémistes, obéissant plus ou moins inconsciemment à l’esprit de contradiction qui caractérisa toujours les sectes séparées de la véritable Église, commencèrent à mener campagne contre elle. On la repoussa moins parce qu’on la trouvait fausse et contraire à la tradition, que parce qu’elle avait les faveurs du pape. Si la définition de 1854 a été si vivement critiquée, c’est parce qu’elle a donné occasion au successeur de Pierre d’exercer avec éclat son infaillibilité doctrinale ; car c’est avant tout le pape que visent les attaques du schisme.

Ajoutons que l’hostilité de quelques théologiens orientaux à l’égard du dogme catholique a été motivé soit par une conception inexacte du péché origine ! soit jjar une fausse notion de l’enseignement catholique. Certains de ces théologiens se sont fait du péché originel une idée analogue à celle de Pierre Lombard, et ont établi une connexion comme phj’sique et matérielle entre la conception se produisant suivant h. voie ordinaire et la souillure du péché. La nature -de cette souillure n’est pas pi-écisée, mais il semble que. pour les théologiens auxquels nous faisons allusion, ce soit une sorte de qualité peccamineuse d’ordriphysique transmise par la génération charnelle et affectant directement le corps. C’est ainsi qu’on rencontre des auteurs qui, d’un côté, affirment que Marie a contracté la souillure originelle, dont elle n’a été délivrée qu’au jour de l’annonciation, et qui, d’un autre côté, enseignent que la Vierge fut, dès sa plus tendre enfance, et même dès le sein maternel, remplie du Saint-Esprit et de ses dons. D’après ces auteurs, la sainteté personnelle la plus éminente peut coexister dans le même individu avec le péché originel. Il va sans dire que l’opposition de cette étrange théologie avec le dogme catholique de l’immaculée conception est plus verbale que réelle. D’autres défigurent ce dogme par ignorance — nous n’osons dire par mauvaise foi — bien qu’il y ait parfois lieu de douter de l’existence de la bonne. Il n’est pas rare de rencontrer, de nos jours encore, des Grecs et des Russes, je ne dis pas parmi les simples fidèles, mais parmi les théologiens de profession et jusque dans le rang des évêques, des gens qui disent et qui écrivent que conception immaculée est sj’nonyme de conception virginale, que, d’après la croyance des catholiques, la mère de Dieu n’est pas née de l’homme et de la femme, mais par l’opération miraculeuse du Saint-Esprit, comme Jésus lui-même. Ceux-là se battent contre un fantôme qu’ils se sont eux-mêmes forgé. C’est ainsi que l’évêque russe Augustin, dans sa Théologie fondamentale, A’^édit. Moscou, 1898, p. 257, traduit « conception immaculée » par « conception sine semine », et que tout réccmnii-ut Mgr Antoine, archevêque de Volhj^nie, reprochait aux Starovières ou vieux-croyants de Russie, d’avoir puisé en Autriche « l’hérésie impie de la conception virginale (bezciemennom = sine semine) immaculée de la Très-Sainte mère de Dieu par Joachim et Anne. » Lettre de l’cminentissime Antoine, archevêque de Volhy-