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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/538

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IMMACULEE CONCEPTION


-pas qu’elle en ait été purifiée immédiatenient ;

-d’autres enfin nient qu’elle ait contracté le péché originel. Ware s’attache résolument à cette troisième

opinion, quam volo lenere ; car, « étant donné que je ne suis pas certain du contraire, si je dois me tromper, je préfère me tromper par excès, en attribuant cette prérogative à Marie, que de me tromper par défaut, en diminuant ou en rejetant une prérogative qu’elle aurait possédée. »

Les efforts du théologien franciscain tendent surtout à prouver la possibilité, la convenance et la réalité du privilège, pour en conclure, qu’il faut célébrer la fête de la Conception. Pour établir la possibilité, il recourt à la théorie de la purification préventive ; conçue par saint Joachim et sainte Anne

comme les autres, la chair de la bienheureuse Vierge fut, de ce chef, infectée de la qualité morbide d’où vient en nous, au moment de l’union de l’àme et du

-corps, le péché originel, mais la purification se fit au même instant que la conception séminale :

Alla massa carnis, ex qua corpus Virginis fiiil formatuni, simiil fuil scininala et mandata. La chair fut purifiée, non pas sanctifiée : mandata, non dico

.sanctificata ; la sanctification proprement dite ne

xjonvient qu’à l’ànie, seule sujet immédiat de la grâce et du péché. L’hjpothèse n’enlève pas au Sauveur son privilège personnel, de sortir pur d’une source pure, mandas de manda : celui de Marie fut de sortir pure d’une source impure, manda de immandis, tandis que les autres sortent impurs d’une source impure, immundi de immandis.

Possible, une concejjtion pure fut également convenable : Jésus-Christ, la pureté même, a dû vouloir sa mère aussi pure que possible, (7a mundam sicat potuil ; par conséquent, il a dû vouloir, non pas seulement la purifier, mais bien plutôt la préserver de toute souillure. Possibilité et convenance reconnues par saint Anselme, De conceplu virginali, c. xiii, xv, XVIII, P. L., t. CLViu, col. 447 sq., 451. Ces deux premiers points acquis, le troisième va de soi : ce que le fils de Marie pouvait faire, ce qu’il était convenable de faire, il l’a fait par piété filiale : El quod potuit, congruum fuil quod fecerit ; et ex hoc sequitur quod ita feceril, cuni filius debeal malrem honorare. Quelques autorités sont invoquées à titre confirmatif : Robert Grossetêle, cité de confiance, Lincolniensis, ut dicitur ; Alexandre Neckam ; saint Anselme, in quodam libella quem condidil de ista malcria, c’est-à-dire le Traclalus

de conceplione, qui, par conséquent, lui était attribué dès celle époque, et non pas le De conceplu virginali, comme disent les éditeurs de Quaracchi, car les deux écrits S !)nt distingués dans la réponse ad 21’m et 31"n ; Richard de Saint-Victor, in sermone : De conceplione bcatie Virginis, celui qu’on lui attribue en effet, voir

col. 1()28, et non pas VExplicatio in Canl. canl., c. xxvi, suivant la fausse supposition des mêmes éditeurs, justement relevée par le P. Cavallera, art. Guillaume Ware c/ l’immaculée conception, p. 151 ; enfin saint Augustin, De natura et gralia, c. xxxvi, n. 42. Après quelques considérations sur nos diverses capacités surnaturelles par rapport à la grâce, Guillaume affirme que, dans sa première sanctification, la mère de Dieu reçut autant de grâces qu’en peut recevoir une pure créature, slans in proprio subjecto iibnolulr, c’esl-a-dirc non unie hypostaliqucment à la iliinité.

(Conclusion finale : puisque tout est pur, du côté de la Vierge, dans son origine, il faut célébrer la fête de la C<)nception ; aussi Anselme dit-il, dans sa lettre aux évêques d’Angleterre : Son credo esse vcrum amalorem bealæ Virginis, qui rcspuil cclebrare jeslum (^onceptionis. L’Epistola ad episcopos Anglix n’est Tien autre chose, que le Srrmo de conceplione bealæ

Mariæ Virginis, attribué fau.ssement à ce saint docteur, voir col. 1002 ; la citation faite ici montre que cette attribution est antérieure à la fin du xiu=.siècle. ! Mais si la bienheureuse Vierge n’a pas contracté le péché originel, comment a-t-elle eu besoin de la mort de Jésus-Christ, comment a-t-elle été rachetée par son fils ? Pour répondre à cette objection capitale, le théologien anglais fait appel à la doctrine de saint Anselme, Car Deus homo, t. II, c. xvi, P. L., t. CLviii, col. 419 : Quoniam malris nmndilia, pcr quam mundus est, non fuil nisi ab illo. La Vierge a eu besoin de la passion et de la mort de Jésus-Christ pour obtenir la pureté cpii lui fut propre. Cette pureté l’ayant préservée de toute tache, elle a dû à son divin fils de ne pas encourir le péché qu’elle aurait encouru de fait, s’il n’était pas intervenu d’une façon spéciale en sa faveur : unde indiguil passione Christi, non proplcr peccalum quod in/uil, sed quod infuissct, nisi ipscmel fdius eam pcr fidvm prscservassel. Saint Augustin ne dit-il pas, dans un sermon sur Madeleine [Serm. xcix, c. vi. P. L. t. xxxviii, col. 598] que Dieu nous remet par sa grâce deux sortes de dettes : celle qui est contractée déjà et celle qui le serait, s’il ne venait pas à notre aide’.' Par cette réponse, comme par la distinction entre la sanctification et la purification, la doctrine de Guillaume de Ware est en progrès sensible sur celle d’Eadmer, malgré les points d’attache manifestes qui existent entre les deux, particulièrement en ce qui concerne l’objet de la foie et la jiureté de la conception, considérée dès son début.

L’Espagne nous fournit, vers la même époque, un autre champion de Marie immaculée. Il se rattache aux franciscains comme membre du tiers-ordre ; c’est leB. Raymond Lull, né dans l’ile deJSIajorque († 1315). Il séjourna plusieurs fois et donna des leçons en France, à Paris vers 1287-1289, à Montpellier vers 1289-1291, de nouveau à Paris vers 1298-1299 et 1309-1311. Sa croyance se révèle dans plusieurs de ses nombreux écrits. Composé en 1272, le Liber principiorum Iheologiæ se termine ainsi : Complétai sanl regulic principiorum Iheologise palrocinio bcalse Virginis Mariæ sine labe conceplæ et gralia sut gloriosissimi filii, in quo natura divina et Immana mirificc sunt unitse. Bcali Raymandi Lulli docloris illuminati et marlyris opéra, Mayence, 1721-1742, t. i, p 60. Parlant, en 128.’i, de celui qui supposerait une tache dans la mère de Dieu. Lull le compare à un insensé qui rêverait d’un soleil ténébreux en lui-même : In qua quicogilat maculam, in sole cogitai tencbram, Bluqucrnsc anachorctæ inlcrrogationes et rcsponsiones CCCLXV, de amico et anialo, n. 270, Paris, 1032, p. 159 sq. (Cette réponse ne se lit pas dans la traduction française, faite sur le lexle catalan, par Marins. dré : L’Ami

et l’Aime, Paris, 1921). Sept ans phis lard, traitant de la bonté ou perfection de la bienheureuse Vierge, il écarte d’elle tout mal et la ]>roclainc toute bonne : S unquam in ea malum aliquod cxlitit, ncquc ex ea inalum aliquod scculum est, neque potest scqui, adeo bona est et omni bono plena…, quia Iota cxistil bona. Liber de laudibus hcatissime virginis Marie : qui et ars inlenlionum appcllari potest, c. il, Paris, 1499, fol. 5 sq. Plus directe et formelle est l’affirmation, formulée en 1295, en réponse à cette question : Quand Noire-Dame fut conçue, fut-elle conçue dans le péché originel ? Le péché et la vertu s’opposent, et parce qu’au moment où Noire-Dame fui conçue, la vertu commença à s’opposer au péché avec plus de force qu’auparavant, Noire-Dame a dû être conçue sans péché, oporlil quod Domina noslra concepla Jueril absque peccalo. Arbor scienlia’, Lyon, 1635, j). 587.

Le docleur « illuminé » développe sa pensée dans un écrit composé à Paris en 1298 : Dispatalio Eremilœ