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attribué au xriie siècle par J. Morel, contient une hymne sur la conception. G. Dreves, Analecla lnjmnicu, t. Liv, p. 286.
L’Italie apporte deux témoignages notables. Barthélémy de Trente, l’un des premiers disciples de saint Dominique, émet, vers 1240, celle affirmation dans son Epilogus vilie sanctorum, nis. : « La conception de la mère de Dieu est célébrée avec .solennité par le grand nombre, a plerisque solemniler celebnitur, comme moi-même je l’ai vu faire dans l’église cathédrale d’Anagni, en présence de la cour romaine qui ne l’empêchait pas. ^ Affirmation confirmée, en ce qui concerne la fête, par un registre du xive siècle, conservé dans cette ville, où figure une concession d’indulgences faite par l’évêque Albert (1224-1237) : In die Conceplionis beale Virr/inis Jjniis Alberlus fecit in Anagnina ccclesia remissionem XL (lierum, perpeluam indulgentiam ordinaiam. P. Doncœur, Les premières interventions du saintsiége relatives à l’immaculée conception, p. 13 (276). L’autre témoignage se rapporte à un événement considéré à bon droit comme important par Kellner, Heortologie. 3- édit., p. 194. D’après Wadding, Annales minorum, t. iv, p. 218, la fêle de la Conception aurait été adoptée par les frères mineurs au chapitre général tenu à Pise, en 1263, sous la présidence de saint Bonaventure : Jussain item ut novie hæ feslivitates admittercntur in ordine, vid. Conceplionis beats : Mariæ virginis, etc. Assertion dont il est difficile de récuser la valeur, malgré le silence de quelques documents contemporains, A tout le moins, indéniable est l’existence de la fête chez les franciscains de Paris en 1286 ; car on le lit dans un rapport rédigé au mois de décembre de cette année par le chancelier de l’université : sequenti die [9 décembre, le jour précédent étant un dimanche de l’Avent] agebatur festum Conceplionis beatæ Maria : apud fratres minores. Dcnifle, Chartularium universitalis, t. ii, n. 539, p. 9. Autre chose est de déterminer si cette fête était notre tête de Vimmaculéc conception.
2. Objet ou sens de la fêle de la Conception au xiii’^ siècle. — Cette question est en partie résolue par tout ce qui a été dit jusqu’ici. La diversité d’interprétation constatée au siècle précédent n’a pas cessé. Qu’il y ait eu, h l’époque des grands scolastiques, des partisans de la fête entendue dans le sens immaculiste, c’est chose incontestable. Tels, en général, ceux qui vénéraient la conception première comme pure et qui, en cela même, se proposaient de sauvegarder l’âme de Marie contre toute souillure au moment de son union avec le corps. Tel, en particulier, Guillaume de Ware concluant qu’il faut célébrer la conception, parce que tout y est pur du côté de Marie. Ceux-là marchaient dans la voie tracée par Eadmer, le pseudo-Anselme et les apologistes du même temps. Dans les livres liturgiques du xiii<e siècle, comme dans ceux du xu’^, renvoi est fait souvent, pour l’office de la Conception, à celui de la Nativité ; si donc, dans ces endroits-là, on vénérait la bienheureuse Vierge comme sainte dans sa naissance, il semble qu’on la vénérait aussi comme sainte dans sa conception. Plusieurs des bréviaires, par exemple, Rouen, n. 192, et Paris, Biblioth. nat.. n. 15181, contiennent cet invitatoirequi suggère la même conclusion : Vénérantes sacram beatc Marie virginis conceptionem setcrnum adoremus Dominum. Des expressions caractéristiques s’ajoutent parfois, comme celles-ci, dans les leçons m et vu du même bréviaire de Rouen : Hec est lux primo tempore quidem orta, scd occasus nescia… Hec sola imaginem celestis artificis illœsam custodicns ; ou, dans un bréviaire bayeusain, l’antienne Tota pulebra es, amica mea, etc. Si le manuscrit d’Engelbert, cité col. 1066, a été bien daté par Morel, il fournit un témoignage
d’une netteté parfaite dans les 3 « , 4o et 5* strophes :.
Sicut ortum ordinavit.
Sic conceptum prieparavit,
Creans Dei potentia
Mariam plenam gratia.
Si fuerunt genitores
In concc-ptu pcocatores,
Qui fœtantur pâtre primo
De corruptionis limo,
Idco Dei gratia
Non gravatur, nec Maria,
Nam ubi Dei gratia,
Non est culpx miseria.
G. Morel, Laleinische Hymnen des Mittelalters, Einsiedeln, 1868, p. 75.
Les monuments liturgiques du xiii’e siècle sont loir ? d’avoir tous cette précision ; beaucoup se présentent dans les mêmes conditions que ceux du xii : ils peuvent s’appliquer à une fête comprise d’une façon plus large, que d’autres documents nous font connaître. Dans le passage cité, col. 1064. de son Ralionale divinorum of/iciorum, Guillaume Durand, fermement attaché à la position radicale de Jean Beleth et autres liturgistes ou canonistes du siècle précédent, désapprouve ceux qui, de son temps, considéraient Marie comme conçue dans le péché et qui, néanmoins, fêtaient sa conception, en l’envisageant comme conception de la mère de Dieu ; ainsi, disaient-ils, fête-t-on la mort des saints, non pour elle-même, mais parce qu’alors les saints sont admis aux noces éternelles. Cette interprétation avait été proposée en termes formels par Guillaume d’Auxerre († 1230), Summa de officiis ecclesiasticis, c. de Navitate Virginis ; après avoir remarqué que beaucoup d’églises ne célébraient pas la conception de la bienheureuse "Vierge, parce qu’on la supposait jointe au péché, il avait ajouté : Sed nobis videtur quod, sicut celebratur de morte sanctorum, non propler mortem, sed quia reccpti sunt in nupliis seternis, simililer potest celebrari festum de Conceptione, non quia sit conceptio in peccato, sed quia concepla est mater Domini. Texte d’après Pierre de Alva, Sol veritatis, col. 736. Telle est aussi l’explication donnée, à titre subsidiaire, par Guillaume de Ware, Quseslio, n. 6 : « Supposé que la Vierge eût contracté le péché originel, on pourrait encore célébrer sa conception, en considérant cette parcelle de chair, non comme matière viciée, mais comme point de départ du futur corps de Jésus-Christ. Ainsi fête-t-on la naissance des princes ; ainsi fête-t-on la chaire de saint Pierre, en y vovant dans son germe la future dignité de l’Eglise. Il n’est pas absolument nécessaire que la sainteté convienne formellement à l’objet vénéré, comme le prouvent la fête de la dédicace des églises ou celle de la sainte croix ; il suffit que l’objet jouisse d’une sainteté relative, in rclalione ad atiud. " Ainsi comprise, la fête de la Conception n’enlrainait pas la croyance à l’exemption du péché oriiiinel.
Les deux interprétations précédentes avaient un point commun : elles affirmaient et maintenaient une fête de la Conception proprement dite. Dans la seconde moitié du xiiie siècle, une troisième interprétation, celle qu’Alexandre Neckam avait mise en avant, col. 1039, connnenreàfairedesproi, rès notables : l’idée de conception spirituelle, et par conséquent métaphorique, est substituée à celle de conceiHion proprement dite ; ce qui mène à une fête de la sanctification de Marie dans le sein de sa mère. Cette interprétation apparaît d’abord, moins sous forme a’affirmation que sous forme de défense ou d’objection : à l’argument que les défenseurs du privilège mariai prétendaient tirer de l’existence ue la fête, les adversaires réjiondaient que, pour être tolérable, le culte devait aller non à la conception, mais à la sancti-