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IMMACULÉE CONCEPTION
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Durand est plus large : Puto lamen quod si beata Virgo peccatum originale non contraxisset, potuisset tamen vere dici redempta a Deo pro eo quod in radiée sua ex nai.ura suæ conceptionis obligata erat ad ineurrendum peeeatum, nisi fuisset a Deo præservata, n. 14. Mais, avec Jean de Naples et Pierre de la Palu, il rejette la convenance d’une telle préservation : être conçu sans péché reste le privilège exclusif de celui qui fut conçu virginalement.
Modérée chez ces théologiens, l’opposition devint, chez beaucoup de leurs confrères dans la seconde moitié du siècle, intransigeante et agressive, comme on le verra bientôt. En tout cas, sous une forme ou sous une autre, elle se maintint. C’est bien l’opinion commune de son ordre que Capréolus († 1432) énonce, à la veille du concile de Bâle, dans sa troisième conclusion : Beaia Virgo fuit concepta in peccaio originali. Dejensionum iheologiæ D. Thomæ Aq., t. III, q. iii, a. 1, Tours, 1900, t. v, p. 26. Quelques exceptions apparaissent ; par exemple, à Strasbourg, Jean Tauler († 1361) : Ab omni peccato et macula tam originali quam actuali præservata, uti hoc decebat esse qux mater esset unigeniti Dei. Tractatus de decem cœcitatibus, cæc. iv, c. xi, dans D. Joannis Thauleri Opéra omnia, Cologne, 1613, p. 873. Vers 1380, Jean Bromiard, dominicain anglais, interprète l’enseignement de saint Thomas dans la Somme théologique, III », q. xxvii, a. 2, en ce sens que Marie aurait été sanctifiée non pas avant l’union de l’âme et du corps, mais au moment même de cette union : in sua animalione, i. c. in coniunctione animæ cum corpore matris, et non ante, quia sanctificatio et mundatio fit per gratiam, cuius subiectum est anima. Summa prædicationis, au mot Maria, n. 107. Cf. Pesch, De Deo créante, n. 333.
Saint Vincent Ferrier peut-il être compté parmi les champions de Marie immaculée ? Oui, répond le P. H. Pages, 0. P., Histoire de saint Vincent Ferrier, Paris, 1893, t. ii, Append. E. L’affirmation est appuyée sur plusieurs passages d’un sermon De conceptione Virginis Marie, en particulier celui où le grand orateur énumère divers degrés de sanctification : « Le sixième qui dépasse tous les autres est celui de la bienheureuse Vierge Marie, parce qu’au jour et à r instant même où son corps ayant été formé et son âme créée, Marie fut une créature raisonnable, capable de sanctification, elle fut sanctifiée. » Malheureusement, le texte latin est moins explicite ; il n’y est pas question de l’instant même, mais seulement du jour et de l’heure : Sextus gradus est super omnes alios sanctificatio Virginis Marie, quia non quando debuit nasci nec in ultimo die nec hebdomada nec mense, sed in eodem die et hora formata corpore et anima creata, quia tune fuit raiionalis et capax sanctificationis, fuit sanctificata. Sermones sancti Vincentii… de sanctis per totum annum, Cologne, 1487, fol. A". Les mêmes expressions se retrouvent dans le premier sermon pour la fête de la Nativité et ailleurs, mais l’indétermination qui s’attache aux termes : in eudem die et hora, ne disparaît point. Saint Vincent reste, au regard de la pieuse croyance, un « défenseur douteux. » A. Pérez, La conception inmaciilada de la Virgen, y la Universidad de Salamanca en et siglo xv, dans la revue espagnole Razôn ij fe, Madrid, 1904, numéro extraordinario, p. 81-86.
L’opposition comptait d’autres représentants que les dominicains. Jean de Pouilly, de Polliaco, docteur de l’université de Paris (f après 1321), déclarait qu’il ne suffisait pas d’affirmer le privilège, mais qu’il fallait le prouver ; il récusait, comme dénués d’efficacité, les arguments de Scot et soutenait que la bienheureuse Vierge n’avait pu être vraiment rachetée qu’à la condition d’être soumise temporairement au
péché originel : B. Virgo fuit sub originali in lempore seu per tempus. Quodl., IV, q. xiv, Paris, Bibl. nat., ms. tut. 14565, fol. 148 ; Pierre de Alva, Radii salis, col. 1103. A cet exemple ajoutons-en d’autres, plus importants : les trois personnages qui, de 1334 à 1352, occupèrent la chaire de saint Pierre comme papes d’Avignon, sous les noms de Jean XXII, Benoît XII et Clément VI, ou n’ont pas admis la pieuse croyance, ou ne l’ont pas admise franchement, à en juger par les sermons qui leur sont attribués.
Nul doute n’est possible pour le premier, s’il est vraiment l’auteur des discours contenus dans le recueil intitulé : Sermones Joannis papæ XXII, ut creditur, habili in festis B. Mariæ, et per fratrem Raymundum, procuratorem ordinis minoriim, suæ Sanctitatis servum, reportati, Paris, Bibl. nat., ms. lat. 3290 ; Pierre de Alva, Radii solis, col. 2122 ; P. Doncœur, art. cité, p. 33 (707). Dans le premier sermon sur la Nativité, Sicut lilium inter spinas, il est dit que l’âme de la Vierge fut créée et unie au corps sans posséder la grâce sanctifiante, et qu’ainsi elle contracta le péché originel, mais qu’elle en fut purifiée aussitôt après : Et sic originale eam dicimus contraxisse, sed statim post animæ infusionem gratia superveniens eam sanctificavil et ab originali purgavit. Dans plusieurs autres sermons pour la même fête ou pour l’Annonciation, la Purification et l’Assomption, l’assertion revient, plus accentuée encore, en sorte que Pierre de Alva, si enclin pourtant à interpréter les textes à sa guise, en est réduit à conclure, col. 2124 : Constat igitur ex supra relatis Joannem XXII, in minoribus constitutum, id est cum esset Jacobus Hiissa vel de Ossa vel Ossa, etc., expresse, clare ac distincte sustinuisse opinionem contrariam, si sermones præhabiti sint ipsius. Reste à contester l’authenticité, comme le fait Alva en invoquant des raisons peu critiques.
Benoît XII, n’étant encore, semble-t-il, qu’évêque ou cardinal, prêcha un sermon De conceptione béate Marie, conservé avec d’autres à la bibliothèque du Vatican, ms. lat. 4006, fol. 420. Cf. Doncœur, p. 34 (708). Il applique à la Vierge ce texte d’Ézéchiel, XVI, 9 : Emundavi sanguinem tuum ex te, et unxi te oleo, et vestivi te discoloribiis. Il entend par le sang le péché originel et la concupiscence qui s’y rattache ; par ï’huile et les vêtements de couleur variée, les dons de la grâce dont la mère de Dieu fut comblée ; mais il y eut tout d’abord purification de la tache originelle : Domino opérante in ipsa plenitudinem effectuum gratix per quam mandata fuit a peccato originali et præservata a peccato actuali. L’opposition mise ici entre le péché originel dont Marie fut purifiée et le péché actuel dont elle fut préservée, manifeste clairement la vraie pensée de l’orateur. Aussi revendique-t-il, un peu plus loin, l’exemption de la souillure héréditaire comme un privilège exclusif que Jésus-Christ dut à sa conception surnaturelle : Ideo cum solus Christus inter homines fuerit mundus ab originali peccato, quia non fuit conceptus de immundo semine sicut omnes alii nati ex viro et muliere….
Dans un sermon pour le second dimanche de l’Avent, où il traite de la fête de la Conception, Clément VI (ou celui qui porta ce titre plus tard) parle incidemment de la controverse. Il pose d’abord comme chose claire, que la bienheureuse Vierge a contracté le péché originel en sa cause, ayant été conçue comme les autres descendants d’Adam : contraxit peccatum originale in causa ; et ratio est, quia fuit ex concubitu viri et mulieris concepta. Mais qu’elle l’ait contracté réellement, in forma, ou qu’elle en ait été préservée par la puissance divine, c’est un point où les docteurs diffèrent de sentiment. L’orateur ne veut pas s’engager dans cette dispute ; il le veut d’autant moins que, dans la circonstance, il se propose uniquement d’éta-