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IMMACULEE CONCEPTION


théorie d’origine rabbinique. D’ailleurs, Catharin a formellement réprouvé cette théorie, comme vaine et fabuleuse, imna hæc omnino et fabulosa, dans son premier traité, Dispulatio pro veritate immaculatw conceptionis beatæ virginis Alariee, etc. Sienne, 1532, t. I, loc. cit., p. 142.

Le fondement assigne par Catharin n’entraînait la nécessité d’une dette du péché originel que d’une façon générale et indéterminée. On ne tarda pas à en discuter la nature ou la portée : par comparaison au péché comme terme corrélatif, fallait-il l’appeler dette prochaine ou éloignée, dette absolue ou conditionnelle ? A l'époque où nous sommes, tous s’accordent à faire dépendre la réponse de cette autre question, soulevée I)ar le même Catharin : ^Nlarie fut-elle comprise dans la loi de solidarité qui unit Adam et ses descendants, sous le rapport de la communauté du péché originel et, par suite, de la conservation ou, au moins, de la perte de la justice primitive, reçue par Adam à titre non purement personnel, mais comme apanage de la nature humaine ? Suivant la réponse donnée à cette question préalable, les théologiens se prononcent dans un sens ou dans l’autre.

b) l"' opinion : dette prochaine ou absolue. — ÎNIaric, qui devait descendre d’Adam déchu par voie de propagation naturelle, fut comprise dans la loi générale de solidarité ; l’assertion opposée est arbitraire et semble peu conforme aux données de l’ancienne tradition et de la sainte Ecriture, surtout à cause de l’antithèse paulinienne entre l’ancien et le nouvel Adam, considérés comme chefs de l’humanité. Rom. v, 12-18. Dès lors, au premier instant de son existence comme personne humaine, Marie contracta d’une façon réelle et prochaine la dette du jiéché originel, mais comme au même instant sa prédestination à la maternité divine constituait un titre (extrinsèque) à l’amour divin et à une application spéciale des mérites de son I'"ils, elle reçut immédiatement la grâce sanctifiante, et la dette du péché originel fut, par le fait même, éteinte. I.a rédemption privilégiée de la bienheureuse Vierge consiste donc à être délivrée, non de la dette personnelle du péché, mais du péché lui-même ou de la mort spirituelle que cette dette entraînerait, si elle n'était pas immédiatement éteinte. Cette opinion eut pour principaux représentants, à la fin du xvie siècle et au début du xvii<^, Hellarmin, Vasquez, Suarez et (irégoire de Valence, dans la Compagnie de.Jésus ; chez les augustins, Gilles de la Présentation ; plus tard, chez les carmes déchaussés, I’hili])pe de la Très-SainteTrinité et surtout l’auteur du traité De vitiis et peccalis dans le Cursus théologiens des Salmanlicenses.

Ces théologiens ne maruiuent pas d’ajouter que, bien comprise, cette dette n’entraîne ni tache, ni déchéance, ni indignité quelconque : elle tombe sur Marie, considérée d’une façon abstraite et incomplète, c’est-à-dire dans ses rapports avec Adam, chef du genre humain, mais si nous considérons la Vierge « l’une façon concrète et complète, c’est-à-dire en tenant compte des titres qui découlent de sa destinalion à la maternité divine, elle nous apparaît tout aussi pure, tout aussi digne, au premier instant de son existence, que dans l’hypothèse opposée. Qu’elle ait péché en Adam, qu’elle soit morte en Adam, comme les autres hommes compris dans la grande loi de solidarité, ce sont là des conséquences qui n’atteignent directement que la nature, prise dans l'état où la chute originelle l’a mise et qui ne supposent pas de participation personnelle à la faute actuelle du premier ancêtre. Ainsi en est-il, du moins, dans l’explication du péché originel la plus commune et la mieux fondée, celle de saint Thomas marchant sur les traces de saint Anselme, De cnnreptu virginali, c. vii, /'. /, ., t. r.i.viii, col. 411 : In Adamo omnes percavimus quando ille

percavit, non quia tune 'peccavimus ipsi, qui nondum erramus, sed quia de illu fuluri eramus, et tune fada est necessitcts ut, cum essemus, peccaremus. Ce qui s’entend, dans la doctrine du même saint, non pas d’un acte de péché que nous commettrions nécessairement au premier instant de notre existence, mais d’un état de péché qui consiste principalement dans la privation de la grâce sanctiliante. principe de la justice et de la sainteté surnaturelle dans l’ordre présent.

c) 2' opinion : dette éloignée ou conditionnelle. — Marie ne fut pas incluse dans la loi de solidarité qui faisait dépendre d’Adam le sort de ses descendants, en ce qui concerne la transmission, ou du moins la nontransmission de la justice originelle ; et comme l’inclusion dans cette loi constitue le fondement prochain de la dette du péché originel, considérée comme réelle ou absolue, cette dette ne s’attacha jamais à la personne de la bienheureuse Vierge. Cependant, il aurait été dans le cours régulier des choses que, issue d’Adam par voie de génération naturelle, elle fût comprise comme les autres dans la loi générale ; de là naît une dette dont l’inclusion dans la loi de solidarité est l’objet direct, et le péché lui-même, l’objet indirect, éloigné, conditionnel. La rédemption propre à la mère de Dieu, rédemption d’ordre plus relevé, a consisté précisément en ce que, par une application spéciale et privilégiée des mérites de son divin F"ils, elle a été préservée directement de l’inclusion dans la loi de solidarité et indirectement du péché originel. Ambroise Catharin énonça cette théorie en plusieurs endroits de ses écrits, notamment dans son premier traité sur la conception. 1. H, loc. cit., p. 202. Elle fut acceptée par Salmeron, Disputationum in epist. ad Roman.. t. II, disp. XL, Cologne, 160-1, t. xiii, p. 441 : pactum ad beatam Mariam non se extendil. Sans la soutenir d’une façon expresse, le cardinal de Lugo la favorise pratiquement en montrant comment elle peut se concilier avec la doctrine de l’incarnation du Verbe conçue comme dépendante du péché d’Adam. De /nj/s/erio incarnationis, disp. VII, sect. m et iv. II la donne comme étant assez reçue de son temps, hoc iempore a pluribus recepla e.-it. Elle eut, en effet, à partir de 1615 et surtout en Espagne, d’ardents champions, tels, Jacques Cranado, Ferdinand de Salazar, Jean Eusèbe Niercmberg, { ; hristophe de Vega et, plus particulièrement, ceux qui ont composé des traités spéciaux sur le sujet, comme le carme.Jean-Baptiste Lezana et les jésuites Jean Perlin, Ambroise de l’cnalosa et Adam Burghaber.

Ces théologiens tirent leurs principaux arguments de la prédestination de Marie à la maternité divine et de l’excellence qui en résulte, excellence telle, que nous devons écarter de sa personne non seulement le péché proprement dit, mais tout ce qui pourrait le rappeler ou entraîner des conséquences peu dignes de la mère de Dieu, comme d'être subordonnée au premier homme en qualité de membre, d’avoir péché en.dam, d'être morte spirituellement en lui, etc. Chez la plupart de ceux qui la tiennent au xviie siècle, cette théorie suppose des opinions spéciales sur plusieurs points signalés déjà. Ils parlent d’un pacte conclu entre Dieu et le premier homme, pacte en vertu duquel la volonté d’Adam serait, dans un sens inoral, juridique ou interprétatif, la volonté de tous ses descendants, et son péché, leur propre péché : peccatum Adw qualenus mnraliter (cnsebatur peccatum ACTVALE poslcrorum, comme dit de Lugo, loc. cit.. sect. iii, n. 2(i. I^n conséquence, ils parlent du péché originel comme si c'était un péché actuel, le péché même d'.dam moralement nôtre et nous étant, au premier instant de notre existence, personnellement iiuputé. Les expressions : aroir péché dans Adam, être mort rn Adam, prennent dès lors une tout autre signification que dans la doctrine