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IMMACULEE CONCEPTION

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Baudrand, La conception deNotre-Dame, ms. de la bibliothèque du séminaire de Saint-Sulpice, cité par Mgr Péclienard, U immaculée conception et l’ancienne université’de Paris, dans la Revue du clergé français, Paris, 1905, t. xi, i, p. 401.

Bientôt ce fut une attaque moins directe, mais plus dangereuse. Sur la fin de 1673 parut à Gand un petit livre : Monita salutaria beatse virginis Mariée ad cultores suos indiscretos, ou, suivant le titre de la traduction française, faite par dom Gerberon et publiée à Lille l’année suivante : Avertissements salutaires de la bienheureuse vierge Marie à ses dévots indiscrets. L’auteur des Monita était un jurisconsulte de Cologne, Adam Widenfelt, qui avait eu des rapports avec les jansénistes des Pays-Bas. Voir Alexandre VIII (Propositions condamnées par lui), 1. 1, col. 760. Or, dans le Monitum xviii, la bienheureuse Vierge était censée dire : « Non est pulchra dilectio quæ est contentiosa, un amour contentieux n’est pas un bon amour. Abstenez-vous de disputer et de vous mordre les uns les autres au sujet de mes perfections et prérogatives, car il n’en résulte que ruine spirituelle pour les auditeurs. Et pourquoi prétendre décider ce qui n’a été ni révélé par Dieu ni défini par l’Église. Dispensez avec droiture la parole de la vérité, mais fuyez les discours profanes et vains. » L’immaculée conception n’était pas exprimée, mais personne ne se méprit sur la réelle portée de ces paroles, comme on le voit par les nombreuses réfutations du libelle, par exemple, celle du théologien François Louis Bona, Dejensio beatæ virginis Marise et piorum cultorum illius, c. xviii.

Il y eut une autre réponse, courte, mais particulièrement intéressante. Bourdaloue prêcha le 15 août 1674 son second sermon pour la fête de r.ssoniption, « sur la dévotion à la Vierge ; » il y inséra ce passage significatif : » On a traité de zèle indiscret, celui que fait paraître le peuple chrétien à défendre certains privilèges de Marie. Privilèges de grâce dans son immaculée conception, privilèges de gloire dans sa triomphante assomption ; bien d’autres dont je n’entreprends point de faire ici le dénombrement, et qu’on s’est aussi contenté de nous marquer sous des termes généraux, en les rejetant. Mais moi, voici encore, et sur le môme principe, comment je raisonne : car, puisque nous reconnaissons Marie pour mère de Dieu, de tous les privilèges propres à rehausser l’éclat de cette maternité divine, y en a-t-il un seul que nous ne devions être disposés à lui accorder, ou, pour mieux dire, y en a-t-il un seul que Dieu lui-même ne lui ait pas accordé ? Si Dieu ne nous les a pas tous également révélés ; si nous n’avons pas sur tous la même certitude, et si tous ne sont pas dans le christianisme des points de foi, n’est-ce pas assez pour les attribuer à cette’ierge que, sans préjudicier aux droits do Dieu, ce soient des privilèges convenables à la dignité de mère de Dieu ? n’est-ce pas assez que ce soient des privilèges reconnus par les plus savants hommes de l’Église, autorisés par la créance connnune des fidèles, appuyés, sinon sur des preuves évidentes et des démonstrations, au moins sur les plus fortes conjectures et les témoignages les plus solides et les plus irréprochables ? » Œuorcs complètes, Lyon, 1864, t. iv, ]). 514.

Kn 1676, Jean de Launoy entra personnellement en scène par la publication d’un livre intitulé : Prwscriptiones de conceptu beutx Marin : virginis, en latin et en français, reproduit d’après la seconde édition, aucta et emendala, Paris, 1677, dans les Opéra omnia, Cologne, 1731, t. I, p. 9-13. L’épigraphe, emprunté à la lettre de saint Bernard aux chanoines de Lyon : Virgn regia falso non eget honore, indicpiait dans quel esprit l’ouvrage avait été cornijosé. l’n avis au lecteur n’était pas moins expressif : « Pour entendre la matière de la conception de Xolrc-Damepar rapport à la

définition qu’on en pourrait faire dans l’Église, il faut peser et se mettre devant les yeux certaines prescriptions, pour parler aux termes de Tertullien, qui a donné ce nom à quelqu’un de ses livres. » La différence était que Tertullien prescrivait en faveur du christianisme, tandis que Jean de Launoy prétendait prescrire contre l’immaculée conception d’après la sainte Écriture, la tradition des treize premiers siècles et celle de l’Église romaine, le sentiment des théologiens et l’objet propre de la fête de la Conception. L’argument général revenait à ceci : L’Église catholique a cru pendant treize siècles que Marie a contracté le péché originel au moment de sa conception ; c’est dans ce sens qu’elle se serait prononcée, si elle avait alors défini la question ; il est donc impossible que, maintenant, elle donne une autre définition. Mais le fondement de cette argumentation était ruineux : L’ancienne Église, prise dans son ensemble, n’a pas réellement cru que Marie ait contracté le péché originel. Les textes invoqués ne prouvent pas la thèse, même ceux qui sont authentiques et rapportés fidèlement, ce qui n’est pas le cas pour tous, comme l’ont montré de nos jours Perrone, De immaculato B. V. Marise conceptu, Rome, 1847, part. I, Conchisio, et, du temps même de Launoy, l’abbé Trevet dans une réfutation louée parBenoît XIV, De festis, t. II, c. xv, n. 12. Ce dernier auteur signale le sans-gêne avec lequel le théologien janséniste traitait les documents qui l’embarrassaient ; sous prétexte que la partie du décret du concile de Trente sur le péché originel, où Marie est déclarée hors de cause, ne se trouve pas dans quelques éditions du concile de Trente, il n’a pas craint d’y voir un texte apocryphe, ajouté après coup.

Une nouvelle levée de boucliers eut lieu sur la fin du siècle. Bourdaloue ayant repris, le 8 décembre 1692, son ancien sermon sur la dévotion à la Vierge, .Adrien Baillet répliqua, l’année suivante, en publiant à Paris sous ce titre : De la dévotion à la sainte Vierge et du culte qui lui est dû, un écrit qui confirmait, en l’aggravant encore, la doctrine des Monita salutaria. Des mémoires furent adressés à la Sorbonne ; le livre fut censuré. A Rome, il fut mis à l’Index, le 17 septembre 1695. De son côté, Bourdaloue eut une fois encore l’occasion d’affirmer la pieuse croyance, dans son sermon sur la conception de la Vierge, prêché devant le roi et la cour le 9 décembre 1697. Avant de passer aux instructions morales qu’il voulait tirer du mystère, il rappela le fondement dernier du privilège, la maternité divine : de qua natus est Jésus ; l’exception à la loi du péché posée, à ce titre, en faveur de Marie par saint Augustin : Excepta virgine Maria ; la déclaration du concile de Trente ; puis il ajouta : "Or, le saint concile n’ayant pas voulu la coTifondre avec le reste des hommes dans la loi générale du péché, qui serait assez téméraire pour l’y envelopper ? Tel est aussi le motif pourquoi l’Église, conduite par l’Esprit de Dieu, a institué cette fête particulière sous le titre de la Conception de Marie. Elle prétend honorer la grâce privilégiée et miraculeuse qui sanctifia la mère de Dieu dès le moment qu’elle fut conçue. » Giuvres complètes, Lyon, 1864, t. iv, p. 371.

Les jansénistes n’eurent pas seulement pour adversaires des théologiens et des orateurs ; renseignement officiel leur était contraire. La pieuse croyance avait sa place dans les catéchismes, comme on l’a déjà vu ; elle la garda, notamment à Paris, où l’attaque se faisait plus vivement sentir. Le catéchisme ou abrégé de la foi, quc l-’rançois de Ilarlay avait fait drcsscreu 1685, fut approuvé en 1742 par Christophe de Heaumont.réédité en 1772 et conservé jusqu’en 1792. Il contenait, au supplément, un chapitre pour la conception ; le privilège y était affirmé et fondé principalement sur ces deux raisons : « qu’il était peu convenable que la