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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/61

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107 IIONORIUS 1er

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suadcr que la seconde Icltrc se mouvait cxacleinent sur le même terrain que la première. Et celle-ci rentrait tro]) bien dans les vues de la politique impériale pour que l’on se décidât à n’en pas faire usage. D’ailleurs, Sojjlironius venait d'être réduit au silence : Jérusalem était prise par les Arabes, en 637, et Sophronius, d’abord isolé de l’Orient chrétien, ne tarderait pas à mourir. A Alexandrie, il devenait de plus en plus urgent de pratiquer la politique d’union religieuse. Bref, en 638 le basileus faisait paraître rïzOsai ; ou profession de foi, qui prétendait mettre un terme aux luttes confessionnelles. L’Ecthèse, composée sans doute par Sergius, reproduisait en somme les expressions de la première lettre d’Honorius ; elle interdisait les termes d’une ou deux énergies, puisque l’un et l’autre étaient employés dans un sens hérétique : elle n’admettait dans le Christ qu’une seule volonté. C'était la canonisation gouvernementale des termes employés par le pape, mais à qui l’on donnait une signification qui très certainement n'était point dans la pensée du pontife. Dans deux conciles tenus à Constantinople en G38 et en 631), l’Orient adopta l’Ecthèse. Honorius était mort sans avoir eu connaissance des suites funestes qu’avaient eues son intervention de 634. Il ne semble pas qu'à ce moment même on se fût douté à Rome des responsabilités qu’il avait encourues.

Nous n’avons plus à raconter en détail la suite de l’affaire de monothélisme. A Rome, on s’est très vite i’essaisi en voyant la tournure qu’ont prise les choses. Les papes Jean IV, Théodore, Martin ont pris nettement position contre les deux formulaires impériaux : Eclhèse d’Héraclius, Type de Constant II. Le concile de Latran, en 643, a prononcé lanathème contre le monothélisme et ses chefs, Cyrus d’Alexandrie, Sergius de Constantinople et ses deux successeurs Pyrrhus et Paul. A Byzance, on s’est entêté à vouloir maintenir pcr jas et ne/as des formulaires destinés à favoriser l’union des chrétiens, et qui ne réussissaient qu'à créer un schisme et une division de plus. Il va sans dire que le nom d’Honorius devait être jeté dans les discussions théologiques qui alternaient avec les édits Impératifs et les mesures de violence. Sur ce point nous ne sommes pas réduits exclusivement à des conjectures ; quelques documents, qu’il nous faut dépouiller, nous prouvent que les monothéliles commencèrent bientôt à se réclamer de la haute autorité du pape de Rome. Commençons par les rares documents monothélites qui ont survécu.

Le plus explicite est la synodique du patriarche Paul (deuxième successeur de Sergius) au pape Théodore. Elle contient une affirmation expresse de la volonté unique du Sauveur. (On remarquera que le mot (J.îa èvEpyera a disparu.) Et, pour défendre son point de vue, Paul en appelle au témoignage des Pères de l'Église, a auxquels on peut adjoindre, car ils pensent tout à fait comme eux, les deux hommes de bonne mémoire, Sergius et Honorius, qui ont illustré les deux sièges de l’ancienne et de la nouvelle Rome ». Mansi, t. x, col. 1020-1025.

Aux débuts du concile de Constantinople de 680, qui rétablira la foi orthodoxe et l’union avec Rome. Macaire, patriarche d’Antioche, le plus ferme soutien du monothélisme, en appelle à plusieurs reprises à l’autorité d’Honorius. « Nous n’avons point inventé, dira-t-il, cette nouvelle expression (une seiile volonté), nous nous sommes contentés d’enseigner ce que les saints conciles œcuméniques, les saints Pères, Sergius. de même que le pape Honorius et Cjrus d’Alexandrie, nous ont appris au sujet de la volonté et de l'énergie. « Mansi, t. xi, col. 213, 357, 516.

Les orthodoxes ne restaient point sans réponse : la défense du pape Honorius, si chaudement reprise au

xix'e siècle, a commencé dès le vii*. Le pape Jean IV (640-642), successeur d’Honorius (le pape Sévère, qui l’en sépare, n’a régné que quelques mois), présente la première défejise olliciclle tle son prédécesseur sur le siège romain. Il a appris que Pyrrhus de Constantinople répand en divers endroits des écrits d’Honorius, qu’il prétend favorables a son hérésie. Dans une lettre adressée à l’empereur Constantin III, Jean s’efforce, péniblement d’ailleurs, d’arracher au monothélisme cette autorité dont il se couxre. On prétend, dit-il, qu’Honorius enseigne dans le Christ une seule volonté. Oui bien, mais une seule volonté dans la nature humaine. Il a voulu dire, en d’autres termes, qu’il n’j' avait point dans l’humanité du Sauveur cette contrariété de tendances qu’amène en nous la faute originelle : unam voluntatem secundum primant jormalionem Adæ ncduralem humanitatis suæ D. K. J. C. ttabere dignatus est, non duas contrarias, qucmadmodum nunc nos habere dignoscimi : r, qui de peccalo Adæ sumus geniti. Mansi, t. X ; col. 682 ; cf. P. L., t, cxxix, col. 561, 560.

Jean IV se donne la partie trop belle en voulant excuser par cette explication les bévues d’Honorius. Nous avons vu que le document pontifical ne se laisse point si facilement ramener ;  ; l’orthodoxie. Si Honorius avait parlé en 634 comme son successeur le fait s’exprimer en 640, il n’y aurait point de question d’Honorius. Quoi qu’il en soit de la pensée intime du pape (pensée qui nous semble très voisine de ce qui sera plus tard l’orthodoxie ollicielle), ses expressions, ses développements, la marche même de son discours sont beaucoup trop embarrassés pour supporter l’explication simpliste imaginée par Jean IV.

L’abbé Maxime, à qui les souffrances courageusement endurées pour la cause de l’orthedoxie ont valu le glorieux surnom de Confesseur, lut également préoccupé d’enlever au monothélisme l’appui qu’il prétendait trouver dans le texte du pape Honorius. Nous avons de lui, outre la célèbre discussion avec Pyrrhus, une lettre à un prêtre nommé Marin (qui nous est par ailleurs inconnu), où Maxime prend nettement la défense du pape (texte latin seulement dans Mansi, t. x, col. 687-689 ; le latin et le grec d’après Combéfis, dans P. L., t. cxxix, col. 567 sq.) :

« Je crois, dit- il, qu’Honorius, pape de Rome, dans

sa lettre à Sergius, ne repousse pas la dualité des volontés naturelles (È[j.çuTa)v) dans le Christ, par le fait même qu’il parle d’une seule volonté, mais bien plutôt qu’il confesse cette dualité, et qu’il la démontre. Car il ne prononce pas ce mot pour nier la volonté humaine et naturelle du Sauveur, mais bien pour déclarer que jamais en aucune manière sa nature humaine virginalement conçue n’a été entraînée par la volonté de la chair ou une pensée passionnée. » Et un peu plus loin : < ; Par l’expression, une seule volonté, je crois qu’Honorius voulait mettre en évidence le lait que, dans le Christ, le seul vouloir divin conduisait la nature humaine. » Que ce soit vraiment la pensée d’Honorius, Maxime en est certain par le fait suivant. Il a rencontré récemment un abbé de grand mérite, nommé Anastase, qui revenait de Rome. Ce moine, dans la capitale, avait eu de longues conversations avec les autorités de cette grande Église à propos de la fameuse lettre à Sergius. Il avait demandé pourquoi, dans cette lettre, il n'était parlé que d’une volonté. Les ecclésiastiques romains avaient défendu avec chaleur les expressions du document pontificaI, et même celui qui, sur l’ordre d’Honorius, avait rédigé cette lettre en latin, le seigneur abbé Jean, le très saint collaborateur du pape, affirmait de toutes ses lorces qu’il n’y étail nullement question d’une seule volonté au sens numérique (jiar opposition sans doute à l’unité au sens moral).