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IMMACULEE CONCEPTION


l’union des Églises, tenu à Bonn en septembre 1874 et qu’il présida, il proposa et soutint, de concert avec les vieux-catholiques et la majorité des délégués d’Églises anglicanes et gréco-russes, la résolution suivante : Nous rejetons la nouvelle doctrine romaine de l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie, comme étant contraire à la tradition des treize premiers siècles, d’après laquelle le Christ seul a été conçu sans péché. Le caractère absolu de l’opposition est relevé par cette circonstance, que cette formule fut acceptée à l’exclusion d’une autre, plus modérée, qu’un certain nombre, notamment H. Liddon, doyen anglican de Saint-Paul de Londres auraient préférée : Nous rejetons comme dogme de foi la nouvelle doctrine romaine, etc. » ou bien : « Nous maintenons que le nouveau dogme romain de l’immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie n’esl pas un article de la foi catholique, ce qui laissait la porte ouverte à l’acceptation du privilège à titre de pieuse croyance. Rien de plus instructif que la raison apportée par Dœllinger lui-même contre cet amendement : « Nous autres théologiens allemands, nous avons un double motif de nous prononcer résolument contre la nouvelle doctrine. D’abord, l’histoire montre qu’elle doit son introduction dans l’Église à une chaîne d’intrigues et de falsifications. Ensuite, la définition dogmatique de cette doctrine par le pape eut indubitablement pour but de préparer la définition de l’infaillibilité pontificale elle-même. Cette doctrine est devenue pour nous une source et une cause de maux, /uns et origo malorum. 1 H. Rcusch, Berichl ûber die Unions-Konferenzen, p. 38 sq. Cette déclaration de principes montre clairement sous l’empire de quelles préoccupations Dœllinger devint l’adversaire, non seulement de la définition, mais encore de la croyance. Voir t. iv, col. 1516, 1, 518 sq.

L’opposition en dehors de l’Église catholique.

Les

diverses communions chrétiennes ne pouvaient pas rester indifférentes à l’acte pontifical du 8 décembre 1854. Comme il fallait s’y attendre, toutes crièrent au scandale d’ « un dogme nouveau. » Exemple, en Grèce, un article paru dans y^ùayyzliy.bç KîjpuÇ, Athènes, 1857, sous ce titre : Histoire du NOUVEAU DOGME LATIN de l’immaculée conception de sainte Anne ; titre qui, d’ailleurs, fausse la doctrine de l’Église romaine, en laissant entendre de la conception active de sainte Anne ce que cette Église entend seulement de la conception passive de Marie. Malheureusement, cette méprise n’est pas un fait isolé. Voir col. 964, C’est encore le reproche d’innovation doctrinale, que le patriarche Anthime de Constantinopic a lancé contre l’Église romaine dans sa Lettre encyclique de 1895, n. 13 : « L’Église des sept conciles œcuméniques, une, sainte, catholique et apostolique, a pour dogme que l’incarnation surnaturelle de l’unique Fils et Verbe de Dieu par le Saint-Esprit et la vierge Marie est la seule qui soit pure et immaculée. Mais l’Église papale a encore innové, il y a quarante ans à peine, en établissant, au sujet de la conception immaculée de la vierge Marie, la mère de Dieu, un dogme nouveau qui était inconnu dans l’ancienne Église. » Comment la même opposition se retrouve chez les théologiens russes, mêlée à de fausses idées sur la réelle doctrine de l’Église romaine et sur l’exacte notion du péché originel ou du développement des vérités révélées, on l’a vu ci-dessus, col. 972 sq.

Si de l’Église gréco-russe nous passons aux communions protestantes, ce sont des protestations plus bruyantes et plus étendues, mais dont le thème principal ne varie point. Avant comme après la définition, le pasteur calviniste A. Coquerel prêche contre le « dogme nouveau. » A. Stap fait des « études sur le nouveau dogme. » E. de Pressensé donne à un article

de la Revue chrétienne sur l’immaculée conception, en 1855, ce sous-titre : Histoire d’un dogme catholique romain, et comment l’hérésie devient un dogme. Ce qui permet à un autre pasteur calviniste, L. Durand, de proclamer la faillite avérée de l’infaillibilité pontificale. Mêmes attaques chez les protestants d’Allemagne, qu’ils soient libéraux, comme Hase dans son Manuel de polémique protestante, ou conservateurs, comme Graul dans son ouvrage sur les divergences de doctrine.

En Angleterre, l’évêque anglican d’Oxford, Samuel Wilberforce, attaqua bruyamment le nouveau dogme » dans un sermon prêché devant l’université à l’église de Sainte-Marie. Il dénonçait dans la doctrine de l’immaculée conception « des tendances hérétiques, pour dire le moins possible. » Ce qu’il justifiait par ce principe, emprunté à la Réforme : « Depuis que le canon de la sainte Écriture a été complété, nul point de doctrine ne saurait jamais être inséré dans les symboles de foi sans qu’on en puisse montrer l’accord avec cette parole de Dieu écrite. » Il concluait que le premier devoir d’un bon anglican était « de protester de nouveau contre ce monstrueux effort tendant à corrompre par des additions humaines la parole divine révélée. Rome, her new Dogme, p. 17, 24 sq. Ce fut apparemment pour remplir ce devoir qu’après l’apparition à Berlin, en 1865, de l’ouvrage d’Edouard Preuss, alors protestant, contre la doctrine romaine de l’immaculée conception, George Gladstone en publia une traduction anglaise : The Romish Doctrine of ihe Immaculate Conception, Londres, 1867.

Pusey fut aussi, mais à sa façon, un adversaire du dogme proclamé par Pie IX. Ce qu’il critiqua pardessus tout, ce fut la définition ; il y voyait « un obstacle de plus mis sur la voie de la réunion de la chrétienté, un nouveau sujet de discorde entre l’Église romaine et l’Église grecque, un point de divergence irréductible entre l’ancienne Église et l’Église romaine moderne. » The Church of England, p. 121. Cette attaque et d’autres qui l’accompagnaient suscitèrent de vigoureuses réponses de la part des catholiques anglais, en particulier de Newman et du P. Th. Harper, S. J. Les explications données purent faire comprendre à Pusey qu’il s’était engagé dans une controverse délicate sans avoir une idée nette ni de la doctrine catholique ni de la réelle portée de la définition émise par Pie IX. Il fit même cet aveu dans une lettre adressée à Newman, le 10 juin 1869 : t Je n’ai pas de prévention contre l’hypothèse d’une infusion de la grâce, faite par le Dieu tout-puissant dans l’âme de la bienheureuse Vierge au premier instant de son existence. Au contraire, considérant ce qu’il a fait pour Jérémie et pour saint Jean-Baptiste, la chose me semble ce qu’il y a de plus vraisemblable. Ma seule difficulté vient de la tradition contraire. » H. P. Liddon, Life of Edward Bouverie Pusey, Londres, 1897, t. iv, p. 164. Si conciliante de ton qu’elles fussent, ces paroles ne contenaient pas d’adhésion positive à la pieuse croyance. Dans la seconde partie de l’Eirenicon publiée en 1869, sous le titre de : First letter to the vert) Rev. J. H. Newman, Pusey reprit, p. 10, son grief principal contre la définition. Pour l’appuyer, il ramena les objections des anciens adversaires et fit, en outre, réimprimer la même année, le Tractatus de oeritate conceotionis, du cardinal Jean de Torquémada, en dédiant le volume aux membres du prochain concile : Concilio Romano mox habendo. Espérait-il faire revenir les pères sur l’acte pontifical de 1854 ? S’il eut cette illusion, la définition de l’infaillibilité personnelle du souverain pontife dut lui ouvrir les yeux, en même temps qu’elle détruisit ses rêves sur la réunion des Églises.

Cette dernière controverse eut l’avantage de fournir