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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/631

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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES

tion disparaissait quand un caprice impérial transformait tel munus sordidum en munus ordinarium. Cf. P. Fourneret, Ressources dont l’Église disposa pour reconstituer son patrimoine, Paris, 1902, p. 121-123, avec renvoi au Code Justinien, t. VII, tit. xii, et édit. Krueger, p. 13, constitution de 423. De même un munus extraordinarium pouvait être imposé en vertu de la même métamorphose. Quant aux impôts indirects, les clercs les acquittaient tous. Il va sans dire que des privilèges pouvaient être accordés. En somme, le clergé échappait à peu près complètement aux impôts strictement personnels.

h) Chez les Francs, le principe de l’immunité fiscale du clergé était acquis au moins au vine siècle. Un Epitome, composé à cette époque et dérivant de la Lex romana Wisigolhorum, s’exprime ainsi : Virgines, viduæ, pupilli non debent inter reliquam plebem censeri, sed immunes sunt, et hi, qui se sacrée legis obsequio dedicaverunt. Epitome, suppl. lat. 215. Code Théodosien, t. XIII, tit. ii, loi 2 ; Lœning, t. i, p. 167, texte et note 2. Auparavant il n’en était peut-être pas nécessairement ainsi puisqu’un concile de Reims au vn’siècle, pour assurer l’exemption des clercs et des moines en cette matière, dut décider que ceux qui sont soumis au census de l’État ne doivent pas, sans la permission du prince ou du juge, être admis dans l’état clérical ou religieux. Cf. Hefele, trad. Leclercq, t. iii, p. 262, texte et note 1 : Hi quos publicus census, spécial, c’est-à-dire ceux qui sont redevables vis-à-vis de l’État, non seulement de leurs biens, mais aussi de leur personne. Cf. Du Cange, Glossarium, aux mots Census regalis et Censiles homines, note 2 : conc. de Clichy, c. 7 et 8. Ce concile de Clichy fut fenu en 628. D’ailleurs, il s’agit peut-être ici de la corvée. En tout cas, il résulte de ces textes que certaines catégories de personnes étaient alors exemptes de l’impôt strictement personnel comme elles l’étaient sous l’empire romain de la capitatio plebeia.

En Espagne, le IV" concile de Tolède, tenu en 633, déclare, au canon 47, sur l’ordre du roi Sisenand, les clercs exempts de toute indiction publique comme de toute corvée. Bruns, t. i, p. 235.

c) La question principale qui se pose à l’époque féodale et royale relativement à l’immunité fiscale personnelle est celle des terres patrimoniales des clercs : cela va de soi en un temps où la fortune était surtout terrienne. D’ailleurs les ecclésiastiques pouvaient être taxés sur d’autres moyens d’existence.

Du ixe siècle à la fin du xi « , nous n’avons trouvé que fort peu de textes précis sur la question. En 844, le concile de Thionville décide que « tous les ecclésiastiques s’empresseront de soulager l’État, chacun selon ses moyens, promptement et courageusement conformément à la coutume de nos pères, » can. 4. Sirmond, Concilia Galliæ, t. iii, col. 11. En 861, Charles le Chauve, pour acheter la retraite des Normands, établit un impôt général dont les prêtres ne furent pas exempts : a presbyteris secundum quod unusquisque habuit vectigal exigitur. Chronicon de Nortmannorum gestis, dans dom Bouquet, Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. vii, p. 154. Cf. Jean Guiraud, Histoire partiale, histoire vraie, Paris, 1916, t. iii, p. 166. Ces deux dispositions prouvent tout au moins que le clergé ne jouissait pas d’une immunité fiscale complète. La diversité devait d’ailleurs être grande à cet égard. Un puissant seigneur comme l’archevêque de Reims devait assurer sans difficulté son exemption et celle des siens, sauf à imposer lui-même ses clercs. Par contre, il serait bien osé de dire que les ecclésiastiques, vivant sur les terres des suzerains laïques, aient toujours été à l’abri des contributions et des aides que ceux-ci devaient réclamer, soit en vertu des droits féodaux, soit au gré

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de leurs caprices. Quant au pouvoir central, si, au ixe siècle, il peut encore imposer des taxes générales, comme nous venons de le voir, au x « et au xie siècle, et même au x^l^ il sera en France bien empêché de le faire. Enfin, si les intéressés supportaient difficilement telle ou telle imposition, l’Église, souffrant elle-même alors du morcellement féodal et de l’anarchie de siècles de fer, n’avait plus les directions d’ensemble qui auraient permis des protestations et une résistance généralisées.

Après la réforme grégorienne la situation se modifie. Sous l’impulsion de la papauté une réaction se dessine contre les taxes imposée*’aux clercs, réaction parallèle aux efforts accomplis pour écarter le clergé des occupations séculières que nous avons signalés plus haut. Ce changement tient à la fois à la nouvelle vigueur des autorités ecclésiastiques et à la fiscalité envahissante des seigneurs, des communes et des souverains. En France, les exigences féodales et communales se firent sentir avant l’emprise royale, car au XII » siècle le pouvoir central est encore bien faible, au moins en dehors du domaine personnel des Capétiens. Disons de suite que l’immunité fiscale, pas plus que l’immunité des fonctions séculières, ne put être entièrement sauvegardée. Ici encore, des affirmations de principe parfois très absolues n’empêchèrent pas les compromis de l’ordre pratique qui, en définitive, devinrent la loi sous l’ancien régime.

Voici d’abord toute une série de textes qui réclament des laïcs, consuls, seigneurs temporels, etc., l’exemption des biens patrimoniaux des clercs. Le concile de Melfi de 1089 s’exprime ainsi : Neque liceat laicis exactionem aliquam pro Ecclesiæ beneficiis, aut paternis maternisve facultatibus (clericorum) quærere. Mansi, t. xx, col. 11. Premier exemple, à notre connaissance, d’un canon qui assimile, au point de vue de l’immunité, les biens patrimoniaux du clergé aux bénéfices, décision qui est exactement le contraire de ce qu’à Rimini, Constance avait décrété du consentement des Pères du concile. Cf. Code Théodosien, t. XVI, tit. ii, loi 15. Le concile d’Avignon de 1209 interdit sous peine d’anathème aux laïcs d’exiger des personnes même des ecclésiastiques : albergariæ (droit de gîte) ; procuraliones, exactiones seu talliæ, can. 7. Mansi, t. xxii, can. 784. Le concile de Narbonne de 1227 menace de censures les consuls et autres laïcs qui imposeraient des tailles aux patrimoines et aux personnes des clercs, can. 12. Mansi, t. xxiii, col. 20. Celui de Toulouse tenu en 1229 s’élève contre ces mêmes tailles perçues occasione hæreditatis sur les ecclésiastiques, mais en faisant cette exception notable qu’elles pourront être exigées des clercs marchands, mariés ou qui héritent d’une terre féodale, aliqua possessio (eudalis, seu etiam censualis. On n’osait donc pas exempter les clercs des droits féodaux lorsqu’ils étaient entrés dans les liens de la vassalité, car c’était alors un principe de droit public que celui qui avait reçu une terre en fief payait en retour certaines redevances à son suzerain, can. 20. Le canon 21 » du même concile décrète en outre que les clercs, les moines, les pèlerins et les soldats ne doivent pas acquitter les péages s’ils ne font pas de négoce. Mansi, t. xxiii, col. 192. Les conciles de Nantes en 1264, au canon 7, Mansi, ibid., col. 1116, et d’Angers en 1365, aux canons 23, 24, 28, protestent encore contre les péages, au moins ceux qui sont imposés aux récoltes faites par les ecclésiastiques sur leurs terres héréditaires. Mansi, ibid., col. 425-446. Boniface VIII, dans sa célèbre constitution Clericis laicos, du 25 février 1296, frappe d’une excommunication réservée au souverain pontife tous les clercs qui, sans l’assentiment du siège apostolique, paient ou promettent de payer à des laïques une portion quelconque de