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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/70

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HONORIUS 1er

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Les négociations entre les É<ilises latine et grecque au début du xve siècle avaient rappelé l’attention des Occidentaux sur le problème. En 1390, un grec tout dévoué à l'Église romaine. Manuel Calecas, avait composé son ouvrage de polémique : Librt 1 adversus errores græcorum. Apporté ; i Rome en 1421, il avait été traduit du grec en latin par les ordres de Martin V. C’est là que le cardinal Jean de Torquemada prendra connaissance, le premier des latins, du problème que crée la condamnation d’Honorius, Summa de Ecclesia, composée vers 1450 (j’ai consulté l'édition de Venise, sous Pie IV, sans date). Il en traite fort sommairement d’ailleurs, t. II, p. 93 : Quod R. pontijex, extra casum hseresis, non habeat judicem superiorem in terris. Torquemada ne connaissait d’ailleurs le cas d’Honorius que par la condamnation du VIII » concile, et il admet que les Orientaux ont agi sur de fausses informations : Oricntiiles fcccrunt c.r mata et jalsa et sinistru injormatione de prse/atu Uonorio, p. 22fi.

Cependant l'énorme progrès que marque pour les études ecclésiastiques la seconde moitié du xvie siècle, devait amener un renouvellement complet de la question. Les pièces les plus importantes du procès, les actes des conciles, sont maintenant publiées ; ce n’est plus sur de simples on-dit, mais sur les documents eux-mêmes qu’historiens et théologiens devront fonder leurs appréciations. Le premier contact aver le dossier fut pénible. Les protestants, les Cenluriateur.i de Magdebourg notamment, avaient fait grand éla'. de l’argument que l’on pouvait tirer du cas d’Honorius contre les prétentions romaines, vu sxculum, c. X, XI. Le premier mouvement des théologiens catholiques fut de rejeter en bloc la véracité des faits que l’on pouvait alléguer contre l’autorité pontificale. Signalons la très honorable exception du dominicain Melchior Cano, qui cherchera une solution plus conforme aux principes de la critique. Lnci theoloqici, v, 5. Mais l’on peut affirmer que les théologiens pontificaux de la fin du xvi « et du début du xviie siècle ont applaudi bruyamment à l’audacieux procédé de Baronius. Pour ne citer que quelques noms. Pighi, Hosius, Binius (dans les notes à son édition des conciles généraux) et surtout l’illustre Kellarmin, De loniuno pontifi.ce, t. IV, c. xi, admettent la falsification des ar-tesduN’P' concile ou tout au moins celle des lettres d’Honorius.

Mais Baronius et ses continuateurs avaient établi d’une manière trop précise les principes mêmes de la critique historique, pour qu’il fût possible de perse vércr longtemps dans la voie où s’engageait si ma lenconlreusement l’illustre auteur des Annales ccclrsiastiques. Quelques dizaines d’années après Baronius, Pagi rectifiait avec quelque sévérité l’erreur où était tombé son maître. La dissertation de Combéfls, intitulée : Historia monothclitariim, opère dans ce domaine un travail d’assainissement qui aurait dû être définitif. Dans une langue nide et heurtée, mais où l’on sent passer tout son amour de la vérité, l'érudit dominicain fait le procès de ceux qui veulent de gré ou de force plier l’histoire à leurs théories ; puis, modestement, il signale quels moyens restent à la disposition des défenseurs de l'Église et de la papauté. Lui-même se garde de conclure ; il est historien, il veut rester tel. Presque au même nu)ment, le moine auguslln Christian Wolf, dans sa Disirrlofio in VI synodum, renversait le laborieux échafaudage de Baronius.

r, es moyens de défense qu’indicfuail Combéfls, fort divers et d’inégale valeur, nous avons eu occasion de les indiquer. Le pins sérieux consistait à reconnaître le véritable caractère de l’enseignement d’Honorius. Ses lettres n'étaient point hérétiques sans doute, mais les graves imprudences qu’elles renfer ment étaient bien faites pour justifier la condamnation par le VP concile du pape qui les avait écrites. Ainsi raisonnait déjà, au temps de Louis XIII, Pierre de Marca, évêque de Conserans, dans ses Disserlaliones de concordia sacerdotii et imperii et plus tard Noël Alexandre, Dissertalio de Honorii damnalio’ie in VJ'^ sijnodo œcumenica, dans Zaccaria, Thésaurus théologiens, t. VII, p. 1378-1408 ; Garnier, qui, le premier, édita le Lj’frjr diurnus et consacra une partie de sa jjréface à discuter le cas d’Honorius, P. L., t. cv ; le théologien français Du Hamel, et Christian Wolf luimême dans la dissertation que nous avons déjà citée. D’autres théologiens préféraient se labattre sur le caractère privé des lettres d’Honorius ; tout alors s’expliquait fort simplement ; rien n’empêchait la qualification d’hérétique de s’appUquer à Honorius. comme docteur privé ; rien n’empêchait le VI"^ concile de le juger et de le condamner en tant que tel. C'était la position prise par Melchior Cano, par Carranza, Compendium cunciliorum, et, dit Combéfis, par le dominicain Gravina, Pro sacro deposito, c. iv ; par l’Anglais Stapleton, professeur à Louvain, Contioversia III, de primo subjecto potestatis ecclesiasiicse, q. IV. D’autres enfin, qui prétendaient soutenir la parfaite orthodoxie des lettres d’Honorius, expliquaient la condamnation du VP" concile par une erreur de ce dernier. Baronius et Bellarmin avaient indiqué cette échappatoire comme dernière ressource, au cas où l’on ne pourrait rejeter l’authenticité des actes conciliaires. Melchior Cano, sans l’admettre, l’avait au moins signalée comme possible. Le jésuite Archdeakon la donnait comme solution. Theologia tripartita, III', q. m. La manière dont les jansénistes épiloguèrent sur les erreurs de jacto dogmatica engagea les théologiens orthodoxes à s’abstenir de cet argument dangereux. C’est plus tard seulement, à l'époque du concile du Vatican, que cette échappatoire sera reprise ; toutefois, on ne parlera plus simplement d’erreur d.' laclo dogmatico. mais seulement d’error facti. Cf. Granderath, Histoire du concile du Vatican, trad. franc., t. ii. p. 199.

Il va sans dire que les tenants du gallicanisme n’entendaient pas lâcher aussi facilement l’objection grave que le cas d’Honorius leur fournissait contre l’infaillibilité personnelle du souverain pontife. Je signalerai seulement trois noms qui sont représentatifs : Richer, Historia conciliorum gencralium, t. i, p. 296 ; EUies Dupin et Hossuet. Le De antiqua Ecclesiæ disciplina d’Ellics Dupin contient une dissertation en règle sur le cas d’Honorius ; à son défaul, on peut se rendre compte des idées de ce docteur par ce qu’il dit d’Honorius et du VP concile dans sa Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, 1691, t. v, p. 190-227 : « Il demeure pour constant qu’Honorius a été condamné et justement condamné comme hérétique par le VI « concile. > Bossuet a été plus dur encore pour la mémoire du papc, dans sa Defensio declarationis clcri Gallirani, Œuvres, édit. Lâchât, t. XXI. Il établit successivement qu’Honorius a certainement erré, bien que ]iarlant ex catlicdra, et qu’il ne peut subsister aucun doute sur le sens de la condamnation portée contre lui par le VP concile. Avec une éloquence un peu emphatique, il fait le procès de ceux qui ne partagent pas son avis : Ad hiee nos adactos viiluntt In his sedis oposlnlieirac fidei catholicapriesidiuni reponemus ? Absit hoc ab Ecclesiæ mafestalet Et pour finir, il s en prend au cardinal d’Aguirre, un Espagnol qui avait cru devoir attaquer la fameuse Déclaration. Parlant à propos d’Honorius de la lettre du pape Léon II, le cardinal avait écrit, sans y voir malice : " Baronius, et d’autres après lui. se sont efforcés d’en démontrer la fausseté. » Voilà un conatus est, conclut Bossuet, qui en dit long, aussi