de la nature humaine au Verbe ; 2° de l’absolue perfection de Dieu, laquelle ne peut admettre l’addition d’une nature nouvelle ; 8° de l’infinie dislance qui sépare Dieu de la créature, et empêche toute proportion entre la personne du Fils de Dieu et la nature humaine ; 4° de l’infinité de la puissance divine qui ne saurait s’accommoder de la puissance finie d’un être corporel. Toutes ces objections sont reprises sous de multiples aspects dans les questions suivantes, dans la Somme Contra génies, t. IV, c. xl-xlix ; dans le Compendium theologiæ, c. ccix, ccxii ; cf. Der.laratio quorumdam articulorum contra græcos, armenos et saracenos, ad cantorem Antiochenum, c. vi. C’est autour de ces mêmes difficultés que se tient, chez la plupart des commentateurs de saint Thomas, la question de la possibilité de l’incarnation.
II. CONVENANCE.
1° Position du problème.
1.
La question de convenance est intimement liée à la question de possibilité. Car ce qui ne convient pas est impossible eu égard à la sagesse divine, Salmanticenses. De inc.arnalione, q. i, a. 1, n. 2, quoique l’on puisse à la rigueur concevoir comme absolument possible, si Dieu le voulait ainsi, tout être n’impliquant pas en soi contradiction, bien que sa réalisation comportât quelque répugnance par rapport à la sagesse divine. S. Thomas, In IV Sent., t. III, dist. I, q. II, a. 3. Convenance indique donc, en plus de simple possibifité, conformité aux desseins que peut avoir, aux buts que peut poursuivre la providence divine, éclairée par la sagesse éternelle. — 2. En examinant ici la question de convenance de l’incarnation, on ne préjuge en rien de la solution à donner au problème suivant, touchant la nécessité de l’incarnation. On n’affirme pas que la convenance de l’incarnation implique l’inconvenance du contraire : ce serait, en effet, dire qu’au regard de la sagesse divine, l’incarnation est nécessaire. La création est un acte conforme à la bonté, à la puissance, à la sagesse de Dieu, et, partant, on le peut dire très convenable par rapport à Dieu ; cela ne signifie nullement, que, ne créant pas le monde. Dieu eût manqué en quoi que ce soit à ses perfections. De même, si l’incarnation du Verbe a été une manifestation excellente des perfections divines, si elle a correspondu excellemment aux aspirations et aux besoins de la nature humaine, il ne s’ensuit pas qu’il eût été inconvenant que le Verbe ne s’incarnât pas. Voir plus loin. — 3. De plus, il ne s’agit pas simplement d’affirmer la convenance de l’incarnation, relatii’ement à l’ordre actuel de la Providence, c’est-à-dire par rapport à l'œuvre du rachat de l’humanité qui en est, dans l’hypothèse de la chute, la suite pour ainsi dire naturelle et nécessaire. Certains théologiens, en effet, ne conçoivent la convenance de l’incarnation que dans cette hypothèse. « Parce que l’incarnation, dit Lessius, De prædestinatione Christi, n. 13, inclut l’humifiation et l’anéantissement de la divinité, ainsi que l’affirme l’apôtre, Phil., ii, 7, elle n’a pu en aucune manière être recherchée pour elle-même…, mais seulement en raison d’une nécessité extérieure à Dieu, de haute importance, et à laquelle il était impossible de satisfaire autrement. » L’incarnation implique, ajoute Lessius, une sorte de déchéance pour la majesté divine et cette sorte de déchéance n’est convenable que par la compensation que Dieu trouve ailleurs, c’est-à-dire dans la satisfaction rigoureuse que le Verbe incarné devait apporter à la justice divine, en réparation de nos péchés. Ce point de vue, disons-nous, est incomplet et faux, car on conçoit difficilement qu’une raison extrinsèque, si importante soit-elle, puisse constituer une compensation suffisante à une déchéance de la majesté divine. Cf. Billot, De Verbo incarnafo, Prato, 1912, p. 17,
note. — 4. Il s’agit donc d’une convenance absolue, étrangère à l’hypothèse du péché et de la réparation, conférant à l’incarnation une conformité réelle aux perfections divines et aux aspirations humaines, prises en elles-mêmes, indépendamment de la considération du rachat de l’humanité. Mais ici encore, une confusion est à éviter. Affirmer la convenance de l’incarnation de cette manière absolue, ce n’est pas pour autant préjuger de la cause finale de l’incarnation. Ce problème est tout différent, car il s’agit, en déterminant la cause finale de l’incarnation, de l’incarnation considérée selon le décret actuel de la Providence. La question de convenance n’est pas liée nécessairement à ce décret. — 5. Enfin, la convenance absolue de l’incarnation peut être considérée quant à la substance même de l’incarnation, ou quant à ses circonstances de temps, de lieu, de personnes, etc. On n’envisagera ici que les circonstances de temps et de lieu, les autres se rapportant plus directement à la vie même de Jésus-Christ et devant être examinées à ce mot. — 6. Le problème de la convenance de l’incarnation ainsi posé n’est pas un simple problème scolaslique. L’apologétique chrétienne y est singulièrement intéressée. Il s’est posé, dès les premiers siècles, en face des sarcasmes et des objections des philosophes incrédules. Cf. S. Irénée, Cont. hivr., t. III, c. xviii, n. 5, 6 ; t. V, c. i, n. 1, voir Schwane, Histoire des dogmes, trad. franc., Paris, 1886, t. i, p. 285 sq. ; S. Augustin, Epist. ad Volusianum, cxxxv, P. L., t. xxxiii, col..512 ; Tertullien. De carne Christi, n. 1 ; Contra Marcionem, t. II, c. xxvii, P. L., t. ii, col. 754, 316 ; S. Athanase, Ad Adelphium, n. 1, P. G., t. xxvi, col. 1072 ; Il se posait également dès l’aube du moyen âge ; cf. S. Anselme, Car Deiis homo, t. I, c. iii, P. L., t. clviii, col. 364 sq. Les grands théologiens du moyen âge et leurs commentateurs des époques subséquentes n’ont donc fait que coordonner les réflexions que les Pères de l'Église avaient déjà auparavant formulées en réponse aux attaques de l’incrédulité. Parmi ces réflexions, nous choisirons celles qui méritent le plus d'être retenues. Pour nombre d’autres, on se contentera de renvoyer aux thèses si documentées de Thomassin sur la matière. 2° Convenance de V incarnation considérée dans sa substance. — 1. Par rapport aux divines perfections. — a) Bonté. — Le bien cherche à se communiquer. Or, Dieu est le bien essentiel. Et la communication que Dieu fait de lui-même dans l’incarnation est la plus parfaite et la plus complète qu’on puisse concevoir. Cf. Eph., Il, 4. Voir S. Thomas, Sum. theoL, III, q. i, a. 1, et le commentaire de Cajétan, ainsi que le préambule de saint Thomas au III" livre des Sentences, sur Eccl., I, 7. Cajétan expose les trois modes de communication de la divinité : communication de l'être dans l’ordre naturel ; communication de la grâce dans l’ordre surnaturel ; communication de la subsistence dans l’ordre de l’union hypostatique. Quant à l’extension, la première communication l’emporte sur les autres ; mais quant à V intensité, la communication de la grâce est supérieure à la communication de l'être et de même, sous ce rapport, la communication de la subsistance divine dans l’union hypostatique l’emporte sur toute grâce créée. L’incarnation des trois personnes ne communiquerait pas à la créature plus de perfection que l’incarnation du Verbe seul. CL Gonet, Clypeus, De incarnationc, disp. III, a. 1, n. 4 ; Legrand, op. cit., diss. V. c. viii, dans Cursus theologi : r' de.Migne, t. ix, col. 529 ; Contenson, Theologia mentis et cordis, a. 9, diss. preambul., c. i, spec. 3. Les théologiens font observer que par l’incarnation, la communication du bien divin est la plus parfaite qu’on puisse imaginer, parce que c’est le souverain bien lui-même qui est communiqué substantielle-