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INFIDÈLES


liait pas cela, mais seulement de ne pas adorer les idoles, et de comiailre le vrai Dieu. » Et il cite le Deutéronome, vi, 4, l’exemple des trois enfants dans la fournaise, des Macchabées, etc. Ibid., n. 3, col. 416, 417. De là, on argumente contre nous comme si le saint docteur disait que les païens pouvaient se sauver avec la connaissance de Dieu par la raison naturelle et philosophique seulement. — Réponse. — (.hrysostome ne parle pas directement des païens comme on le suppose, en évitant de citer son contexte, mais des /ui/s, puisqu’il renvoie au Deutéronome, aux exemples des Macchabées, etc. Et pour les juifs, il ne faut pas considérer seulement euTs prophètes, auxquels Chrysostome a reconnu plus haut la connaissance explicite du Christ, dont ils ont prédit la passion avec maint détail, etc. A côté de quelques prophètes, il y avait nombre de juifs comprenant mal ces révélations mêlées d'énigmes ; aussi Dieu s' adaptant à l’ignorance excusable de la multitude ne faisait pas de la foi explicite au Christ une condition essentielle de salut. Dès lors il n’y avait point, pour cette multitude, « l’injustice » objectée par les partisans de l'évangélisation aux enfers, ni aucune nécessité que le Christ, pour remédier à cette prétendue « injustice » vînt réclamer de cette multitude une conversion, après la mort, à la foi explicite en lui, puisque dans leur vie elle ne leur avait pas été demandée pour être sauvés. Donc, dans tout son raisonnement si juste contre cette hypothèse de l'évangélisation aux enfers, le saint docteur ne nie pas la nécessité de connaître par la foi stricte Dieu rémunérateur, comme le connaissaient les juifs dont il s’occupe directement, mais seulement la nécessité de la foi explicite au Christ pour le salut des âmes avant sa venue, même chez les juifs, et, comme on peut le conclure a fortiori, chez les païens également. Et il parle de la nécessité de moyen, non pas simplement de précepte : car celle-ci serait excusée par l’ignorance invincible sans qu’il soit besoin de tant de raisonnements. Nous avons cité ailleurs le concept très net qu’a Jean Chrysostome de la foi stricte et de son motif, par contraste avec la vision, la science, la recherche curieuse du comment. Voir Foi, t. vi, col. 110, 113, 114. Rappelons la souveraine importance qu’il donne à cette foi, et qui en suppose la nécessite absolue. Ibid., col. 280.

c. Saint Augustin, parfois obscur en cette difficile question comme en plusieurs autres, est aussi allégué, et doit s’entendre à peu près comme saint Jean Chrysostome. Comme lui, il a un concept très net de la foi stricte, basée sur la simple autorité du témoignage divin, et continuellement il oppose « croire » et « savoir », la foi et la « raison » philosophique ; la foi perd son mérite, ne peut même garder son nom, si vous la réduisez à la vision, à l’expérience ; et ces affirmations péremploires prennent une forme si générale, qu’elles doivent s’appliquer aux païens, non pas seulement aux chrétiens, voir Foi, t. vi, col. 78, mais surtout col. 111, 112. Comme Jean Clirysostome, il reconnaît la souveraine importance de la foi. Ibid., col. 280, 342. Il proclame la foi absoIument nécessaire, comme premier principe de salut : « D’après la doctrine catholique, ce qui discerne les justes de ceux qui ne sont pas justifiés, ce ne sont pas les œuvres, mais la foi » ; et l’on voit par l’universalité de cette assertion, et plus encore par les exphcations ajoutées, qu’il étend aux infidèles eux-mêmes cette nécessité de la foi stricte. Contra duas epist. Pelurj., t. III, n. 14, P. L., t. xliv, col. 598. Comme Jean Chrysostome enfin, s’il a des passages où l’on a cru voir le contraire, il ne nie pas dans ces textes pour les infidèles la nécessité de toute foi stricte, mais seulement celle de la foi explicite au Christ. « Ainsi s’expliquent tous ses textes, sans contradiction et sans en omettre aucun. » Liese, Dcr heilsnotwen dige Glaubc, Fribourg-en-Brisgau, 1902, n. 169. Et quand au contraire Augustin exige absolument de tous « la foi du Christ » fides Christi, par là il entend alors non pas la foi explicite au Clirist, ayant le Christ pour o6/cf, mais la foi stricte et surnaturelle que le Christ a méritée et donnée ; lui-même l’explique : " Ces deux choses, la foi et la justice à laquelle elle conduit, sont nôtres (c’est-à-dire en nous), mais elles sont dites de Dieu et du Christ, parce qu’il nous les donne dans sa bonté. » De spiritu et littera, n. 15, ibid., col. 209. Et encore : « Par cette foi de Jé.'ius-Christ, c’est-à-dire celle que le Christ nous a conférée, etc. » Ibid., n. 18, col. 211. Cf. Liese, op. cit., n. 158. Ou bien, si Augustin afiîrme la nécessité de croire explicitement auChristpourceux qui vivaient avant lui, cette affirmation ne porte pas sur chaque individu, mais sur la communauté, où la foi au futur rédempteur a toujours été représentée dans la personne de quelques âmes d'élite, par les soins de la Providence ; et la nécessité dont alors il parle ne regarde que l’infaillible accomplissement de cette loi providentielle, ou encore une nécessité de précepte pour cette élite, et non une nécessité de moyen. Liese, ibid., n. 155, 156. Enfin, Augustin exige la foi stricte pour la justification des païens jusqu'à recourir pour eux à une révélation immédiate, au besoin.

2. Les documents ecclésiastiques. — Quelques partisans de Ripalda ou de Gutberlet ont invoqué ces paroles d’une encyclique de Pie IX aux évêques d’Italie : a Ceux qui ont le malheur d’ignorer invinciblement notre sainte religion, et qui, observateurs empressés de la loi naturelle et de ses préceptes divinement gravés dans tous les cœurs, et prêts à obéir à Dieu, mènent une vie honnête et bonne, ceux-là, Nous le savons et Vous le savez aussi. Fils aimés et Vénérables Frères, peuvent par l’opération de la lumière divine et de la grâce parvenir à la vie éternelle ; Dieu en effet, qui voit à découvert et connaît à fond les esprits, les intentions, les pensées et les dispositions habituelles de tous, ne souffre point, dans sa souveraine clémence et bonté, que personne soit puni des supplices éternels sans une culpabilité bien volontaire. » 10 août 1863. Denzinger-Bannwart, n. 1077. Et l’on veut tirer de ce texte que les infidèles négatifs, s’ils observent la loi naturelle avec la grâce surnaturelle élevant leurs facultés pour ces bonnes actions, et avec le ferme propos d’obéir à Dieu en tout grave commandement fldes in volo implicito, peuvent être sauvés sans aucune intervention de la révélation et de la foi stricte.

Réponse. — Il est vrai que dans ce passage Pie IX ne fait pas une mention expresse de la foi stricte comme condition essentielle du salut éternel. Mais a. taire une chose n’est pas la nier ; le silence, même complet, n'équivaut pas nécessairement et toujours aune négation ; et l’argument a silentio ne vaut rien, quand on peut y répliquer en assignant une bonne raison qu’avait l'écrivain pour s’abstenir de mentionner un détail bien qu’il l’admit. Or Pie IX avait ici un excellent motif de se taire sur la nécessité de la foi stricte ; c’est qu’il ne pouvait expliquer ici dans tous ses détails le processus compliqué du salut des adultes en dehors de l'Église. Et pourquoi ? parce que sa phrase citée plus haut n’est qu’une réserve faite en passant, une sorte de parenthèse ; les parenthèses doivent être courtes, et ne peuvent s’attarder sur tant de détails. Le but de Pie IX, le sujet qu’il traite directement, c’est de « blâmer la grave aberration de quelques catholiques, » lesquels espéraient le salut de tous ceux « qui vivent en diverses erreurs (ou religions fausses), étrangers à la vraie foi et à l’unité catholique. » Voir la même aberration relevée l’année suivante dans le Syllabus, n. 16 et 17. Denzinger-Bannwart, n. 1716, 1717. Mais ces laxistes auraient pu.