Vincent Contenson, Theologia mentis et cordis, 1687, t. V, diss. proœni., c. i, sect. ii, n’admettait la révélation immédiate que pour les prophètes. Cette révélation n'était pas nécessaire pour écarter l’erreur des écrits inspirés. Marc avait appris de saint Pierre une partie de ce qu’il rapporte dans son Évangile et Luc tenait aussi des autres apôtres et de la sainte Vierge une partie de son récit. Mais tout ce qui est écrit dans l'Écriture a été écrit par un instinct particulier de Dieu, par une inspiration, assistance, direction et manulenentia. En toutes choses, les écrivains sacrés ont eu, non une révélation, mais une assistance et un secours pour ne pas se tromper.
Suarez avait laissé, dans la définition même de l'Écriture, la dictée des mots : Est Scriptura sacra, instinctu Spiritus Sancti scripfa, dictaniis non tantum sensum, sed etiam verba. Quelques-utis doutent que l'Écriture doive être du Saint-Esprit, etiam quoad verba. Il paraît nécessaire à Suarez que les mots de l'Écriture viennent du Saint-Esprit, pour distinguer les livres canoniques des non canoniques et des définitions des conciles. Mais on peut entendre en deux sens différents que les mots de l'Écriture sont du Saint-Esprit, ou bien par une motion antécédente ou bien seulement par une assistance et, pour ainsi dire, par une garde ou préservation de l’erreur. Prior modus erit, quando Spiritus Sanctus vel imprimit conceplum verbi per species infusas, saltem per accidens, vel peculiariter movendo et excitando species præexistentes. C’est la manière la plus propre et la plus parfaite, et il est vraisemblable qu’elle a été employée chaque fois qu’il a fallu écrire des mystères surnaturels, qui surpassent la capacité de la raison humaine. Toutefois, il ne paraît pas nécessaire, comme quelquesuns le prétendent (et Suarez vise Basile Ponce), que les mots aient toujours été dictés de cette manière particuhère. Quand l’auteur sacré écrit des choses, humaines de leur nature et sensibles, il paraît suffisant qu^ le Saint-Esprit l’assiste spécialement et le garde de toute erreur et fausseté et de toutes les paroles qui ne conviendraient pas à l'Écriture, en écartant par une providence spéciale tous les objets qui pourraient exciter le concept de paroles non convenables, et en permettant, pour le reste, que l'écrivam se serve de sa mémoire, de ses images et de sa diligence, comme saint Luc l’indique dans son prologue. Les mots de l'Écriture peuvent donc provenir du Saint-Esprit de l’une ou de l’autre de ces manières, et il n’y a aucun livre de l'Écriture, dont les mots n’aient été le plus souvent inspirés de la première manière. De fide, disp. V, sect. iii, n 1-8.
Le bénédictin, dom.Jean Martianay, avait établi la même distinction dans des thèses que ses élèves devaient soutenir publiquement. Les saints prophètes, même sous l’action du Saint-Esprit, restaient maîtres d’eux-mêmes et avaient coutume de rédiger, l'âme calme et tranquille, les oracles divins, intérim singulis verbis a Spiritu Sancto diciatis -p6ç Às^tv, alias sermone ipsis proprio industria naturali composito, sic tamen ut afjlatus ac inspiralx ipsæ rcs Spiritus Sancti essent, verba prophetarum, sed movenle et instigante Spiritu Sancto prolatæ. Opéra S. Hieronymi, Paris, 1706, appendix, t. v, col. 1113, 1115.
Le sorbonniste André Duval se tient très étroitement dans la ligne de Suarez, tout en ayant sa manière personnelle de traiter le sujet. L’essence de l'Écriture n’exige pas que tous les mots, formaliter sumpta, c’est-à-dire hébreux et grecs, aient été révélés et dictés par Dieu ; autrement, la Bible latine ne serait pas l'Écriture sainte. Il est probable que tous les mots matériels de l'Écriture n’ont pas été dictés, de fait et en réalité, et que toutes les pensées même n’ont pas été immédiatement révélées par le Saint-Esprit. Par mots
matériels, Duval entend les concepts formés dans l’intelligence de l'écrivain et correspondant aux mots formels. Il n’exclut pas l’assistance divine ou l’excitation de l’Esprit Saint ; il veut que cette assistance ait été perpétuelle pour empêcher l’erreur ou le mensonge et aussi pour que les vérités exprimées soient exactement manifestées. Il exclut seulement la révélation faite d’une manière nouvelle par la dictée des mots, quand il s’agit des vérités que l'écrivain sacré connaissait déjà, quoique cet écrivain ne soit pas laissé à son caprice dans le choix des mots comme s’il dictait une lettre à un autre, puisqu’il doit se servir des mots que le Saint-Esprit forme dans son intelligence en lui communiquant les concepts particuliers à exprimer. En fait, beaucoup de choses de l'Écriture ont été dictées verbalement par l’Esprit Saint, surtout dans les livres prophétiques dont c’est le propre, et dans les autres livres où des choses tout à fait surnaturelles sont contenues. Il est certain que le Saint-Esprit a révélé expressément et dicté toutes ces choses. C’est pourquoi les prophètes disent qu’ils ont vu en vision ce qu’ils rapportent, le Saint-Esprit ayant produit dans leur intelligence certains concepts par manière de paroles ou de dictions. Duval répond aux objections, qu’on oppose à sa thèse et qui sont celles des lovanistes dans leur censure de Lessius. Il reprend comme un cas possible, la troisième proposition de Lessius, par exemple, pour V Imitation de Jéius-Christ, mais il réprouve l’explication de Sixte de Sienne au sujet des livres des Macchabées. Comment, in IlB^m 11^ S. Thomæ, Tract, de fide, q. ii, a. 1-5.
Corneille de la Pierre notait que le Saint-Esprit n’avait pas dicté toutes les lettres sacrées de la même façon : il avait révélé et dicté mot à mot la loi à Moïse et les prophéties aux prophètes ; mais les histoires et les exhortations morales, que les hagiographes connaissaient de vue ou d’audition ou de lecture ou de méditation, n’ont pas dû être révélées et dictées par lui, puisqu’elles étaient bien connues de ces écrivains. Le Saint-Esprit a seulement assisté ces derniers pour qu’ils n’errent en aucun point, et il les a excités, en leur suggérant d'écrire telles choses plutôt que telles autres. Il ne leur a donc pas donné les concepts et le souvenir qu’ils avaient, mais il leur a inspiré d’exprimer tel concept plutôt que tel autre, enfin, il a ordonné, arrangé, dirigé tous leurs concepts, par exemple, en fixant l’ordre des idées, car cette ordonnance est le propre de la composition d’un livre ; en l'établissant, le Saint-Esprit a été l’auteur propre des Écritures. Comment, in 11^^ ad Timothieum, ni, 16.
Antoine Perez recherche s’il est de l’essence de l'Écriture que tous ses mots soient dictés par Dieu. Après avoir discuté les raisons pour et contre, il conclut ainsi : Non est de ratione aut etiam intrinsera conditione Scripturæ sacræ, ut habeat scriptor ex immediata revelalione et inspiratione divina scribendorum omnium notitiam et cognitionem, neque etiam ut in scribendo libertate careat, sed sufficit ut nihil scribat nisi afflatus, motus et directus a Spiritu Sancto. Pentateuchum fidei. Cf. R. Simon, Lettres choisies, Paris, 1703, t. iii, p. 102-103.
Sherloque dit que Salomon, inspiré par le Saint-Esprit pour chanter ses noces, n’a pas eu besoin d’une révélation immédiate ; il affirme même qu’en certains cas, un écrivain sacré n’a pas besoin d’une révélation ni médiate ni immédiate. Le Saint-Esprit l’assiskpour qu’il ne se trompe pas en quelque chose et pour qu’il ne lui échappe aucune erreur de plume, l'écrivain écrit par un instinct particulier de Dieu. Toutefois, avec Pereira, Sherloque pense qu’une révélation immédiate de Dieu a été nécessaire à Moïse pour rédiger la Genèse. Salomon a donc appris par révélation médiate ce qu’il a écrit. In Salomonis Canticum, antilog. i, sect. vi.