Saint-Esprit lui inspirait, au moment même de sa composition et de sa psalmodie. Quelques commentateurs ont généralisé cette inspiration inmiédiate et l’ont attribué à tous les prophètes, c’est-à-dire, à leur sentiment, à tous les écrivains sacrés. C’est dans ces cas seulement qu’on peut parler de révélation immédiate des mots et d’inspiration verbale.
Dans les temps postérieurs, nous n’avons à signaler que la discussion qui se produisit, au ixe siècle, entre Frédégise, abbé de Saint-Martin de Tours, et saint Agobard, évêque de Lyon. Frédégise accusait Agobard d’avoir calomnié les apôtres et les traducteurs de la Bible, quand il avait reconnu dans leurs o-uvrcs des solécismes. Ces solécismes ne provenaient pas de l’ignorance de la grammaire ; ils cachaient plutôt quelque mystère. Abogard repousse d’abord l’accusation portée contre lui ; il a dit seulement que les traducteurs et les commentateurs des Livres saints n’avaient pas toujours suivi invariablement les règles de la grammaire ; ils ne l’avaient pas fait par ignorance ni par malice, mais par condescendance. L'Écriture ellemême condescend à exprimer en paroles humaines les inefïables mystères pour les mettre à la portée des hommes. Les traducteurs et les commentateurs ont fait de même et, pour rendre intégralement le sens de l'Écriture ils n’ont pas craint de pécher contre la grammaire, et loin de les en reprendre, il faut plutôt les en louer. Quoi qu’il en soit, l’autorité des auteurs inspirés des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament reste ferme, car il n’a jamais été permis à aucun homme de penser qu’ils ont dû s’exprimer autrement qu’ils ne l’ont fait ; leur autorité est plus solide que le ciel et la terre, qui passeront, tandis que leurs paroles ne passeront pas. Agobard approuve les Septante, les premiers traducteurs latins de la Bible et saint Jérôme, mais il blâme les autres. Il a donc plutôt loué que blâmé les apôtres et les saintes Écritures ; il n’a repris que quelques traducteurs et conunentateurs de la Bible.
Frédégise lui reprochait d’avoir -accusé de rusticité le Saint-Esprit lui-même. Que Dieu soit juge de ce sacrilège ! Mais il ressort des paroles de l’abbé de SaintMartin que les prophètes et les apôtres ont reçu de l’inspiration du Saint-Esprit non seulement le sens, les modes et les arguments de leur prédication, mais encore les mots matériels eux-mêmes, que l’Esprit Saint aurait formés extérieurement dans leurs bouches. Agobard le réfute d’abord par l’exemple de Moïse à qui Dieu avait donné Aaron comme prophète. Si donc le Saint-Esprit avait mis les mots matériels dans la bouche de Moïse qui était bègue et qui transmettait à son frère ce qu’il devait dire, faudrait-il attribuer au Saint-Esprit le bégaiement du prophète de Dieu ? L’absurdité de ce sentiment apparaît mieux encore par l’exemple de l'ânesse de Balaam, qu’un ange a fait parler. Si les prophètes ont reçu de la même manière les mots qu’ils articulaient, il faut en conclure que, comme l'ânesse, ils en ignoraient le sens. Sed absit talia deliramenta cogilare.
Après avoir ainsi répondu à Frédégise, Agobard expose son sentiment personnel. S’il a loué l'éloquence de saint Paul, c’est en citant les paroles de saint Jérôme lui-même, et il est ainsi bien éloigné d’avoir blâmé l’apôtre. Saint Jérôme a aussi noté la différence du langage des prophètes, et il a mis la noblesse de la parole divine, non pas dans l’enflure et la pompe des mots, mais dans la force des pensées. Saint Augustin, saint Ambroise et saint Grégoire n’ont pas eu un autre sentiment. En mettant dans les mots extérieurs la noblesse du don des langues que le Saint-Esprit a fait aux apôtres, et en louant en même temps et indifféremment tous les traducteurs et commentateurs de la Bible, Lrédégise affaiblit sa louange, car si tous les
écrivains sacrés ont reçu également du Saint-Esprit la noblesse extérieure de leurs livres, pourquoi Paul était-il, selon saint Jérôme, plus disert en hébreu qu’en grec ? De fait, saint Paul est plus disert dans l'Épître aux Hébreux que dans ses autres lettres, et cependant celles-ci, quoique moins soignées de style sont cependant remplies de sens cachés, de secrets mystères et de figures de mots, par quoi elles surpassent incomparablement la sagesse du monde, et n’ont pas une moindre vertu que l'Épître aux Hébreux. Liber adversiis Fredegisum, n. 7-1, 3, P. L., t. civ, col. 162-168. Saint Agobard repoussait manifestement l’inspiration verbale de la sainte Écriture. Cf. H. Denzinger, Vier Bûcher von derreligiôsen Erkennlniss, 1856, t. II, p. 239 ; P. Dausch, Die Schriftinspiralion, p. 100102 ; K. Holzhey, Die Inspiration der hl. Schrift in der Anschauunij des Millelalters, p. 6-8.
Tout en attribuant au Saint-Esprit les mots de l'Écriture et en argumentant d’après les syllabes du texte, Baban Maur ne manquait pas d’attribuer ces mots eux-mêmes aux écrivains sacrés. Mais il déclare expressément que saint Paul, bien que possédant la grâce divine de la parole, ne pouvait pas expliquer en grec la majesté des pensées divines. Aussi se servait-il de Tite comme interprète, ainsi que saint Pierre de Marc, qui composa l'Évangile, que Pierre lui racontait tandis qu’il écrivait lui-même. Les deux Épîtres de Pierre diffèrent de style ; il faut en conclure que l’apôtre a eu des interprètes différents. Enarratio in Epist. Pauli, t. XII, c. ii, P. L., t. cxii, col. 168-169.
Haymon d’Halberstadt attribue à l’Esprit Saint les mots de l'Écriture, In Is., t. II, c. xxxi, P. L., t. cxvi, col. 874, qui toutefois parle à la façon des hommes. In Epist. ad Heb., c. x, t. cxvii, col. 899 ; Homil. de tempore, homil. cxii, cxiii, t. cxviii, col. 605, 608.
Alton de Verceil admet l’inspiration verbale de saint Paul. Ainsi l’apôtre voulant reprendre ce qu’il j avait dit, inséra cependant quelques paroles que le M Saint-Esprit lui dicta, et, cela fait, il reprit l’ordre interrompu. In Epist. II ad Cor., P. L., t. cxxxiv, col. 475. Paul toutefois, dans ses Épîtres, parlait à la façon des hommes. In Epist. ad Rom., col. 165, et il tempérait son discours. In Epist. I ad Cor., col. 378.
2. Chez les théologiens.
Si, dans ses commentaires, Bupert de Deutz admet expressément l’inspiration verbale de l'Écriture, ainsi que saint Bernard, qui attribue à l’inspiration dç saint Paul l’ordre de l’exposition des Épîtres, la plénitude du sens et la connexion du sens et de la lettre, Serm., xix, de diversis, n. 1, P. L., t. CLxxxiii, col. 589, les théologiens du xiie siècle ne semblent pas s'être occupés de cette question, ni la plupart de ceux du xiii'^. Cependant Albert le Grand et saint Thomas, qui distinguaient nettement l’inspiration de la révélation, col. 2120 sq, ne pouvaient pas admettre la dictée des mots. L’angde l'école a toutefois enseigné que Dieu a voulu, au moins d’une certaine manière, la forme extérieure de l'Écriture. En effet, comme Dieu pourvoit à toutes choses selon leur nature, et, connue il est naturel à l’homme de passer aux choses intellectuelles par les choses sensibles, les choses spirituelles nous sont convenablement enseignées par des métaphores, tirées des choses corporelles. Siim. theol., I », q. i, a. 9. Dieu, auteur des Écritures, a accommodé les mots à la signification des pensées, a. 10. Le Saint-Esprit se servait de la langue du psalmiste comme un scribe se sert de son calame ; il est donc l’auteur principal du ps. xliv, et il parle par le psalmiste comme par un instrument. Mais l’Esprit écrit rapidement dans le cœur des hommes. Ceux qui ont la science par révélation divine sont subitement remplis de sagesse. Le psalmiste a d’abord pensé dans son cœur, il a parlé ensuite et enfin il a écrit : In Ps. XLIV, 2. L’inspiration du psalmiste a donc consisté