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JACQUES (EPITRE DE), ENSEIGNEMENTS


propre convoitise qui l’attire et l’entraîne. Puis, quand la convoitise a conçu, elle enfante le péché, et le péché une fois consommé engendre la mort. » i, 13-15. Ici, la tentation n’est plus la simple épreuve, c’est l’excitation directe au péché. Dieu permet et même envoie les épreuves. qui de leur nature sont salutaires. Cf. Der Midrasch Sclicmot Rabba, dans A. Wùnsche, Bibliollieca Rabbinica. Leipzig, 1882, p. 31 j Dan., xrj, 12 ; Job., vj 17. Mais comme l’on peut être porté à rendre Dieu responsable des défaillances morales résultant des épreuves, l’auteur réagit contre cette tendance : le mal moral est imputable à la seule volonté de l’homme. Cette doctrine découle de la conception de Dieu dans l’Ancien Testament et dans le judaïsme. Cf. Philon. De Fugo. et Inveniione, 79, édition Wendland, Berlin, 1808. t. m. p. 126 : èv ûu.ïv yàp aÛTOîç. ai ; eçry, ol tcôv xaxwv elai Gr, a7.upot. roxpà Œm Se oi u.6vwv àyaOwv, « en nous… il y a les trésors de malice, en Dieu il n’y a que les trésors de bonté. » Dieu, en effet, par sa nature est inaccessible au mal ; àiteipaaTôç xaxwv doit s’entendre plus probablement au sens passif, intentabilis malorum ; cf. Œcumenius, Théophylacte, ce qui évite une tautologie avec 7teip<4Çei… oùSéva, neminem tentai. Cf. Rom., vii, 7-10 ; Bède, P. /… t. xciii, col 14 ; < Duplex est enim genus tenlutionis. Unum quod decipit, aliud quod probat. Secundum hoc quod decipit, Deus neminen tentavit. Secundum hoc quod probat, Deus tentavit A braliam. De quo et propheta postulai : Proba me Domine, et tenta me (Ps., xxv). Cf. Œcumenuis. P. G., t. exix, col. 455456. Dans le Pater, Matth., vi. 11. les disciples doivent demander à Dieu d’être délivrés de la défaillance morale, des pièges du mal. ou du malin, à-o toû 7rov7 ; poï3, non de l’épreuve qui rend plus fort et plus parfait.

Aux versets 17-18, l’auteur donne la raison théologique de son enseignement. Tout bien vient de Dieu. et de lui il ne peut venir que du bien, car il n’est pas soumis aux vicissitudes et aux changements : il n’y a pas en lui des alternatives d’ombre et de lumière, comme dans les choses qui se meuvent et changent. Il est tout lumière, étant le père des lumières. » Cette expression peut s’entendre des astres, cf. Ps., cxxxv, 7 ;.1er., iv. 23 ;.lob., xxxviii, 20 ; des puissances célestes, ou des hommes éclairés par le Saint-Espril (Théophylacte). Cf. I Joa., i, "> ; Philon, De Somniis, i, 75, p. 632. Dieu est source de tout bien. c’est pourquoi il a voulu nous engendrer par la parole de vérité, et faire de nous les prémices de ses créatures, c’est-à-dire nous donner une vie nouvelle et nous faire participer les premiers au renouvellement de l’univers. Cet te transformation s’accomplit par la « parole de vérité —, c’est-à-dire par l’évangile source du salut ; elle a un caractère spirituel. Cf. i, 21 ; I Cor., iv, 15 ; II Cor., vi, 7 : Col., i. 5 ; Eph., i. 13 ; M Tim., il. 15 ; Luc, viii. Il : I l’etr.. i, 23. Œcumenius et Théophylacte entendent « la parole de vérité » de l’action du A6yoç dans la création. Cf. P, G.. I. r.xix. col. 465.

2° l.a loi parfaite, ou le salut par l’évangile, i, 2127. - Le chrétien doit recevoir avec douceur la parole qui est semée en lui ; et. Matth., mu, 1 sq., car c’est une parole qui sauve. Cet te parole c’est L’évangile, qui est une loi de libellé, une loi parfaite, par contraste avec la loi mosaïque, dure et Inobservable. cr Matth., vu. 12 : », 28 : « > : xii. 7 :.Marc., xii. 28 34 ; Gal., ii. 19 ; V. 1 ; II Cor., m. 17 : Rom., x. I Il ne suffit pas de connaître cette loi de liberté, il faut l’observer, l.a religion parfaite n’est l’as une contemplation Stérile, elle exige les (cuvres morales et les

œuvres de miséricorde.

3° l.a foi et les œuvres de miséricorde, u. 1 1-26. — La

religion comporte les œuvres : ’"est la pensée domi nante de l’épître. Nous retrouvons cette pensée rattachée a l’idée de justification dans n. 14-16. La foi qui sauve n’est pas une pure spéculation. Elle doit être active et se traduire en œuvres de miséricorde ; sans quoi elle est morte, et ne sert de rien pour la justification et le salut. Sans les œuvres, la foi n’a pas plus de valeur pour le salut qu’une bonne parole pour le soujagement des pauvres. Elle est aussi inutile que la connaissance des vérités religieuses chez les démons. L’apôtre ne dit pas que sans les œuvres la foi des chrétiens est de même nature que celle des démons ; il ne compare que les résultats, eu se plaçant au point de vue moral. La justification dont parle saint Jacques n’est point la justification première, le passage de l’infidélité à l’état de justice, mais le développement de la vie chrétienne sans lequel on ne saurait atteindre le salut.

L’apôtre appuie sa thèse sur deux exemples tirés de l’Ancien Testament, celui d’Abraham, Gen., xv, 6 ; xxii, il, 10, 12, et celui de Rahab, Jos., ii, 4, 15 ; vi, 17. Le premier était le thème commun aux dissertations juives sur la justification. l.a Genèse, xv. 6, dit que la foi d’Abraham lui fut comptée comme justice ; Jacques affirme que le père, des croyants fut justifié par ses œuvres, à savoir, en offrant son fils Isaac. L’auteur de l’épître. fidèle à sa pensée, cherche, dans le cas d’Abraham, l’acte principal qui nous montre une foi active, se traduisant en action. Il fait voir que la parole de l’Ecriture : « sa foi lui fut imputée à justice », est subordonnée à l’accomplissement des œuvres, c’est-a-dire n’est vraie cpie si les œuvres s’ajoutent à la foi. Saint Paul en taisant appel au même exemple veut établir la genèse de la justice sans les œuvres de la Loi, œuvres dont il ne pouvait être question au temps d’Abraham, Cal., iii, 6, 17. Luther, dans sa préface au Nouveau Testament, 1522, appelle l’épître de Jacques une « épître de paille » ; dans sa préface à l’épître, 1522, il dit pourquoi il la rejette : en recommandant les œuvres elle contenait la condamnation de sa théorie sur la justification, et elle lui paraissait en opposition avec la doctrine de saint Paul. L’école de Baur y voyait un manifeste du n c siècle contre les adeptes du paulinisme : les « riches » que l’épître condamne si durement auraient été les « pauliniens ». Cf. Baur, Paulus, p. 677 sq. A l’heure actuelle, les exégètes n’opposent plus Jacques et Paul comme représentant deux conceptions adverses de la justification. Tout au plus cst-il possible que Jacques ait voulu réagir contre une interprétation erronée de la doctrine de Paul. les deux apôtres n’entendent pas dans le même sens les mots foi, œuvres, justifier. (Voir Origine de l’Épitre.) Dans le cas d’Abraham, chaque apôtre met en relief ce qu’il juge le plus nécessaire de proposer comme exemple à ses lecteurs : « Sciebant namque ambo quia Abraham et fuie et operibus erat perfectus, et ideo quisque curum illam magis in co virtutem prsedicavit, qua suos auditores amplius indigerc persperit. » Bède. P. L., t. xciii, col. 23. Cf. Prat, La Théologie de saint Paul, t. I, Paris, 1908, p. 243 sq. ; B. Bartmann..S’. Paulus undS.JacobusO.ber die Rechtfertigung, dans Biblischt studien. Fribourg, 1897 ; Belser, Die Epistel des Heiligen Jakobus, Fribourg, 1909, p. 118-136 ; E. Ménégoz, Étude comparative de l’enseignement de s. Paul et de S. Jacques sur la justification par la foi ; Études de théologie et d’histoire, Paris. 1901, p. 121-150 ; Kiihl, Stellung des Jacobus zum alttestamentlichen Geselz and : nr pauiiniselien Rechtfertigungslehre, Kônigsbcrg, 1905.

Le second exemple apporté par saint Jacques est celui ù Rahab, Jos., ii, 4, 15 ; vi, 17 : cf. Matth., i, 5. Cel le courtisane païenne eut la vie sauve parce qu’elle avait donne l’hospitalité aux envoyés de Josué.