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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/170

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JANSÉNISME, BIOGRAPHIE DE JANSÉNIUS


l'étude des Pères, il donna sa démission et alla s’enfermer avec Duvergier à Champré. Le séjour à Lourdes dont parle le P. Moïse Dul ourg est peu vraisemblable. Le jansénisme foudroyé pur l<i bulle ati pape Innocent X et l’histoire du jansénisme contenant sa conception, su naissance, son accroissement et son agonie, in-1 2, 1658, p. 136. Dans cette laborieuse solitude, les deux amis travaillent avec acharnement, Rapin, op. cit., p. 16, Jusqu'à 15 heures par jour. Lancelot, Mémoires touchant lu vie de M. de Saint-Cyran, t. ii, p. 308. Les - de vaiut Augustin sont examines, analysés, ipés. Le fut, suivant une expression de SainteBeuve. Port-Royal, 1. 1. p. 294 « une indiscrétion et une indigestion de science, une prédilection de savant infatigable et opiniâtre. Les extraits se multipliaient, futurs matériaux de VAugustinus. Plus tard, Jansénius pourra se vanter d’avoir lu dix fois tous les ouvrages de saint Augustin et trente fois ses écrits sur la grâce et le pélagianisme. Cette collaboration intime dans la solitude de Champré dura trois ans seulement (1614-1617) et non point onze ans, comme le dit Rapin, op. cit., p. 51.

En 1617. révoque de B’ayonne, protecteur de Duvergier, fut nommé à l’archevêché de Tours. Sur sa recommandation, l'évêque de Poitiers, Louis de La Rocheposay, demanda Duvergier comme théologien particulier, t domestique de l'évêque », écrit Rapin, p. 55, et celui-ci reçut, peu après, l’abbaye de SaintCyran.

A cette date, Jansénius se dirigea vers Louvain, accompagné de deux neveux de Duvergier, Barcos et d’Arguibal. Dès son arrivée, il fut charge de diriger le collège de Sainte-Pulchérie, ainsi appelé à cause d’une belle image de la sainte Vierge. Jansénius poursuivit son travail, aidé des conseils de Duvergier avec qui il eut, dès lors, une correspondance très active. Les lettres de Jansénius, trouvées en 1638, dans les papiers de Saint-Cyran, lors de son arrestation, furent publiées en 1654 a Louvain par le sieur de Préville (le P. François Pinthcreau, S. J.) sous ce titre : La naissance du jansénisme découverte à Mgr le Chancelier, in-4°, Louvain, 1654, avec, à la fin de chaque lettre, un commentairepeuLienveillantpour Jansénius. Cette correspondance a été mise en doute par Arnauld, Morale pratique, t. viii, p. 413 sq. ; cependant les jansénistes et, en particulier, le P. Gerberon, sous le pseudonyme de François Du Vivier, ne contestent pas l’authenticité des lettres publiées par le jésuite ; Gerberon publia de nouveau ces lettres à Cologne, en 1703 : Lettres de Cornélius Jansénius, évéque d' Y près, avec des remarques historiques et Ihéologiquespur Fr.Du Vivier. Les lettres de Saint-Cyran ne sont pas connues ; elles sont toutes perdues, écrit Rapin, p. 61, parce que les papiers de Jansénius tombèrent à sa mort entre les mains de gens qui étaient « de ses intérêts et de ses affides », mais les lettres même de Jansénius nous donnent de précieux renseignements sur la mentalité des deux amis. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. i, p. 285-300. La correspondance de Jansénius laisse planer des doutes sérieux sur son orthodoxie ou, du moins, respire une très grande indépendance d’esprit.

Par cette correspondance, nous apprenons que Jansénius fut reçu docteur à Louvain le 21 octobre 1619 et qu’il accueillit avec joie le livre De republica christiana, que venait de publier le célèbre Marc Antoine de Dominis, archevêque de Spalatro, qui, après avoir apostasie, se relira en Angleterre. D’après certains biographes, il refusa de réfuter cet ouvrage ; en tout cas, il s’en procura quinze exemplaires et en envoya un à Saint-Cyran et il souligne ce fait que l’auteur y condamne nettement les empiétements du pape sur la puissance et la juridiction des evéques.

En 1620, il approuveplusieursconclusionsdusynode

DICT. DE TIIÉOI.. CATUOI.

de Dordrecht (1618-1619) que les protestants hollandais voulaient opposer au concile de Trente et qui condamnaient en cinq articles les erreurs d’Arminius. Celui-ci prétendait que la prédestination suiait la prévision des mérites, que le Sauveur était mort pour tous les hommes, que la grâce n'étail pas efficace au point que l’homme ne pût pas lui résister, que la grâce suffisante était accordée a tous, que, si le chrétien ne persévérait pas, c'était sa faute. Or contrairement â ces thèses, le synode déclare : 1° que la prédestination se fait pas un décret de Dieu, indépendamment des mérites du sujet ; 2° que le Sauveur n’est point mort pour tous ; 3° qu’on ne pouvait résister à la grâce efficace ; 4° que la grâce suffisante n’existai ! pas ; enfin 5° que, si le fidèle ne persévérait pas, c'était, à cause du péché originel qui entraînait la réprobation positive de Dieu. Jansénius suivit de prés et avec une grande attention les travaux du synode qui rétablissait, dans toute sa vigueur, la doctrine de Calvin. Même avant la publication des décisions du synode, Jansénius écrivait, à Saint-Cyran : « Ils suivent presque entièrement les doctrines des catholiques au fait de la prédestination et de la réprobation, retranchant tout ce qu’il y a d’aigre en l’opinion de Calvin, hormis qu’ils retiennent la certitude de la prédestination et Finamissibilitéde la justice. » C’est au synode de Dordrecht que Jansénius aurait puisé le fond de ses propres erreurs. Rapin, p. 83 sq, surtout p. 88-91. Le ministre calviniste Henri Ottius, dans un discours prononcé le 30 avril 1653, imprimé la même année sous le titre de : De causa janseniana et reproduit dans l’ouvrage : La naissance du jansénisme, p. 151-155, écrit : « Jansénius se range de notre côté… Les jansénistes et nous, en dépit des jésuites, nous chantons sur le même ton, .. » Ce qui est certain, c’est que Jansénius lisait assidûment les ouvrages de Calvin : Corneille Jansénius, évéque d' Y près, ses derniers moments, Sa soumission au Saint-Siège d’après des documents inédits, p. 168-169 : document signé par Vléminx, président du séminaire royal (28 août 1654).

Cependant Jansénius étudiait toujours saint Augustin, et, en 1621, il écrivait à Saint-Cyran une lettre curieuse qui accusait de nouvelles tendances dues sans doute à l’influence baianiste du milieu où il vivait et surtout à celle de Janson. A propos de saint Augustin, il dit : « Si les principes qu’on m’en a découverts sont véritables, comme je les juge être jusqu'à cette heure que j’ai relu une bonne partie de saint Augustin, ce sera pour étonner avec le temps tout le monde. » Cette lettre datée du 14 octobrel620 est précisée et complétée par celle du 5 mars 1621 : t Je ne saurais dire comme je suis changé d’opinion et le jugement que je faisais autrefois de lui (saint Augustin) et des autres ; et je m'étonne tous les jours davantage de la hauteur et profondeur de cet esprit et que sa doctrine est si peu connue des savants non de ce siècle seulement, mais de plusieurs siècles passés… » et, après avoir stigmatise « les clabaudeuis de l'École il ajoute : « Je n’ose dire à personne du monde ce que je pense (selon les principes de saint Augustin) d’une grande partie dis opinions de ce temps et particulièrement de celles de la grâce 1 1 de la prédestination, de peur qu’on me Fasse le tour à Rome qu’on a fait à d’autres, devant que toute chose soit mûre et à son temps… Je vous en dirai plus, si Dieu nous fait la faveur de nu', s oir m jour. »

Saint-Cyran répondit a cette invitation dans les derniers moi', de 1621 ; il se rendit à Louvain. Que se passa i il entre les deux amis ? On ne peut que le conjecturer d’après les lel lies qui suivirent : ils convinrent de certains tennis pour pouvoir, sans danger, s'écrire

a l’avenir et leur correspondance désormais ressemble

a un complot diplomatique. Jansénius s’appelle Sul~

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