Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/24

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E LIVRE - A.UTHENTIC II I.

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rompre la liaison étroite des pensées ; xxvi. L-19 est écrit sur un ton de triomphe mole de découragement qui ne convient pas à la situation supposée, cf. Condamiu, op. cit., p. 177-178. Sellin admet aussi que les chants sont intercalés dans l’apocalypse et peuvent être plus récents ou plus anciens que celle-ci. Nous croyons cependant devoir maintenir l’unité littéraire du poéme et l’unité d’auteur.

On ne peut argumenter île la différence de structure et de rythme cidre les chants et le reste de l’apocalypse qu’a condition tic prouver que l’auteur a dû suivre partout le même rythme : or, au jugement de certains critiques, il ne serait même pas prouvé que l’auteur se soit interdit de passer du vers à la prose. Est-il vrai que ces cantiques rompent la suite des Idées ? On pourrait peut-être le soutenir pour xxv, 15 ; aussi Condamin transporte ces versets après xxvi, 0. On s’explique cependant leur présence après le chapitre xxi v : les exclamations du prophète seraient amenées par l’apparition de Jahvé ; elles célèbrent la chute d’une ville mystérieuse dont il a été question dans le chapitre précédent, xxiv, 10-12.

Le prétendu chant contre Moab, xxv, 9-12, n’est . pas un cantique ; il est écrit dans le même style que les versets précédents, 6-8 et y fait suite naturellement. Le châtiment de Moab fait contrepoids à la félicité des élus décrite dans ces versets. L’expression « sur cette montagne » qui revient au y 6 et au f 10 montre manifestement que les versets 9-12 ne sont pas une intircalation.

Le cantique des rachetés, xxvi, 1-19, nous paraît tout à fait en situation après la description de la gloire des élus, xxv, 6-8, et du châtiment des impies, xxv, 912. Mais comment expliquer alors le ton de triomphe mêlé de découragement qui est celui de ce cantique ? Condamin résout la difficulté par la transposition, justifiée d’ailleurs par d’autres raisons, de xxv, 1-5 après xxvi, 1-6. Il obtient ainsi deux morceaux distincts, xxvi, 1-6+ xxv, 1-5 d’une part, et xxvi, 7-1 9 de l’autre, et alors, dit-il, on ne peut plus objecter la différence de tons. Le premier morceau exprime la confiance des Juifs en Jahvé qui humilie les orgueilleux, ruine la forteresse des impies, protège les faibles contre les puissants. Le second morceau révèle les espérances du juste au milieu des épreuves, son désir de voir le peuple multiplié et agrandi, et formule la prom sse de Jahvé touchant la résurrection des morts. Dillmann admettait aussi qu’avec xxvi, 8 commençait la troisième partie de l’apocalpyse. Dans xxvi, 1-7, le cantique de reconnaissance de ceux qui seront en Juda ; après xxvi, 8, la prière de la communauté opprimée, mais fermem nt unie à Dieu, pour l’amélioration de sa pénible situation. Ces prières et ces plaintes seraient actuelles, présentes. Lagrange, L’apocalypse d’Isaïe, à propos des derniers commentaires, dans Revue biblique, 1894, p. 200-231 n’admet pas cette division du cantique ; d’après lui, il n’y a pas de changement de ton ; d’un bout à l’autre, c’est un cantique d’action de grâces. Les plaintes et les gémissements ne sont pas arrachés par les souffrances présentes : ce n’est que le souvenir que les élus possèdent du passé ; ils ne demandeni plus qu’une chose, c’est la résurrection des morts.

Reste le chant de la vigne, xxvii, 2-6, introduit assez brusquement entre le jugement des grandes puissances ennemies, xxvi, 20-xxvii, 1 et celui d’Israël, xxvii, 7 sq. Toutefois, si l’on admet que les épines et les ronces dont parle xxvii, 4, ne représentent pas les ennemis du peuple de Dieu, mais les impies d’Israël et leur châtiment, le cantique de la vigne établit la transition entre les deux jugements.

La discussion qui précède montre qu’on aurait tort d’abandonner trop site l’unité lit éraire de l’apocalypse d’Isaïe. Si ces (maire chapitres forment uni ;

DICT. DE TKÉOL. CATHOL.

unité, dit Duhm, on est presque obligé de prendre la

ville anonyme plusieurs fois mentionnée pour un seul et même fantôme. Pour notre part, nous n’y voyons pas d’inconvénient : ce fantôme d’une ville mystérieuse détruite convient très bien à une apocalypse, et la quadruple mention qui en est faite dans les différents morceaux, xxiv, 10 ; xxv, 2 ; xxvi, 5 ; xxvii 10, prouve plutôt en faveur de l’unité littéraire de l’ensemble.

b. — Isaïe est-il l’auteur de cette apocalypse ? Peut-on en déterminer le cadre historique, les événements auxquels elle fait allusion, les faits qui ont influencé la manière de voir et d’écrire de l’auteur ? Le genre même du poème, qui le transporte pour ainsi dire en dehors du temps, rend singulièrement difficile la solution de ces problèmes. Aussi, plus que tout autre, ce morceau a-t-il été promené à travers toutes les époques de l’histoire d’Israël, depuis le viiie siècle jusqu’au premier.Les critiques catholiques en défendent encore l’authenticité ; les autres l’abandonnent généralement. La ville ennemie détruite serait Ninive, et l’apocalypse serait à placer au viie siècle ; ou Babylone, et le morceau aurait été composé pendant l’exil, ou peu après l’exil, sous la domination perse ; ou encore Tyr, assiégée par Alexandre le Grand, et nous serions ranimés à l’époque grecque. Duhm, n’admettant pas l’unité du poème, lui assigne différentes dates. L’auteur de l’oracle principal a connu le pillage de Jérusalem par Antiochus Sidétès en 135 av. J.-C. et le commencement de la guerre contre les Parthes vers 129 av. J -C. Les cantiques aussi portent l’empreinte d’une époque déterminée. L’action de grâces de xxv, 1-5 et le cantique des sauvés se rapporteraient à la destruction de Samarie par Jean Hircan, entre 113 et 105 av. J.-C. Le passage contre Moab rappelle la campagne d’Alexandre Jannée vers 79 av. J. C. Le chant de la vigne est trop vague pour fournir un indice historique. L’opinion la plus répandue parmi les adversaires de l’authenticité est celle qui place l’apocalypse des chapitres xxivxxvii a l’époque perse, pendant les premières décades de la nouvelle Jérusalem, alors que le peuple, malgré sa situation précaire, est cependant plein d’espérance. C’est cette dernière hypothèse que nous examinerons. La langue et le style du morceau, dit-on, ne sont pas d’Isaïe. Les idées religieuses d’Isaïe et ses espérances messianiques sont tout autres. Certaines représentations apocalyptiques, comme le châtiment des puissances d’en-haut, xxiv, 21, le repas sur le mont Sion, xxv, 6, la résurrection des morts, xxvi, 19, la grandetrompette, xxvii, 13, les animaux symboliques, xxvii, 1, témoignent contre le temps d’Isaïe et en faveur d’une époque assez basse. Si Isaïe a écrit ce morceau, dit Duhm, il aurait pu tout aussi bien écrire le livre de Daniel. Isaïe n’avait pas de raison particulière d’en vouloir à Moab et de le représenter comme le type idéal des ennemis du peuple de Dieu, xxv, 10-12 ; il ne s’exprime pas en ces termes au sujet de Moab dans les chapitres xv-xvi. A l’époque d’Isaïe. le peuple n’avait pas encore été dominé par des maîtres étrangers, xxvi, 13, il n’avait pas passé par l’épreuve de l’exil, il n’y avait pas lieu d’espérer son retour, xxvi, 1 sq., xxvii, 12-13. La ville forte humiliée paraît être Babylone, conquise par les Perses mais non encore détruite. Le jugement de Dieu a commencé, mais il n’esl pas encore complet. Le peuple est revenu à Sion, il est rentré en grâce auprès de Dieu, tout danger d’apostasie est passe, Jérusalem est rebâtie, xxvi, l, l(i ; xxvii, i" mais la situation est encore précaire, il y a manqu d’hommes, on attend encore un retour de l’exil. 14-18 ; xxvii, 13. Cette situation est bien celle du temps des prophètes Aggée et Zacharie, celle des soixante premières années de lu restauration.

A l’encontre de ces arguments le P. i : igra ge, loc. ni., s’efforce d’établir : -/)< lue la pri mil re ps de la

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