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543 JEAN SAINT), LE QUATRIÈME ÉVANGILE ET LA TRADITION 544

lettre à Florinus (dans Kusèbe. II. / : ’., t. V, c. xx. n. 1-7, P. (’, ., t. xx. col.) 485, >lit que, étant enfant, il le fréquenta, et recueillit ses enseignements : il pourrait dire, assure-t-il, i comment le bienheureux Polycarpe racontait la familiarité qu’il avait eue avec Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur ; comment il rapportait, comme le tenant des témoins oculaires de la vie du Verbe, ce qu’il leur avait entendu dire sur le Seigneur, sur ses miracles et sur sa doctrine, le tout conforme aux Écritures. » Cette chaîne de tradition, qui, par Polycarpe et les presbytres d’Asie, relie l’évêque de Lyon au disciple éphésien à qui il attribue la composition du quatrième évangile, tlonne une importance spéciale à son témoignage, auquel fait surtout allusion, on peut le croire, la Commission biblique, quand elle note que les témoignages des Pères sur l’auteur du quatrième évangile

remontent aux disciples et aux successeurs des apôtres, et se rattachent ainsi par un lien nécessaire a l’origine même du livre ». Sans insister pour le moment sur cette portée spéciale, contestée par les adversaires de l’authenticité johamiique, on peut voir tout au moins dans les textes de saint [renée la preuve que dans le double milieu, oriental et occidental, où il avait vécu, on admettait que le quatrième évangile avait été écrit à Éphèse par l’apôtre saint Jean. C’était là d’ailleurs une croyance unanimement revue dans L’Église dès les années 170-180, comme le montrent les témoignages de Théophile d’Antioche, Ad Aulolycum, t. II, c. xxiii, P. G., t. vi, col. 1088, de Tertullien, Adv. Marcionem, I. IV, c. v, P. L.. t. ii, col. 366, du Canon de Muratori, qui reflète la tradition de l’Église de Rome (le texte dans Preuschen, Analecta). de Polycrate, évêque d’Ephèse, Lettre au pape Victor , ’dans kusèbc, /LL’.. I.V.c. xxiv, P. G., t. xx, col. 193), qui mentionne la présence en cette ville du tombeau de Jean qui a reposé sur la poitrine du Seigneur, qui fut prêtre portant la lame d’or, martyr et docteur .

2. Première moitié du ll> siècle. — Quand on remonte pins haut dans le iie siècle, on ne rencontre [ilus de textes qui attribuent implicitement a saint Jean le quatrième évangile. Mais les documents ne manqueni pas, qui témoignent de l’existence du livre

dès l’année 125, et même sans doute dés le début du ir siècle. Entre les années 15(1 el 180, on a la preuve que les écoles gnostiques (en particulier, l’école de Valentin, qui enseignait à Rome à partir de 13, ")) d’une part, et le mouvement inontaniste de l’autre ont connu et utilisé le quatrième évangile, que ces hérétiques regardaient sans doute comme apostolique et sacré. Il faut remarquer d’ailleurs qu’il n’y a pas de polémique antlgnostique dans le quatrième évangile, ce qui serait assez étrange, étant donné le caractère de cet évangile, s’il n’avait été écrii avant l’épanouissement « le la gnose hérétique ! Remarque de.1. Réville, Lc Quatrième Évangile, >. 323), A peu près a la même époque, saint Justin qui cite l’Apocalypse, eu l’attribuant a saint Jean l’un des apôtres du Christ, présente. dans ses écrits tant d’idées communes avec le quatrième évangile, tant de formules voisines, que sa dépendance par rapport à celui-ci ne peut guère être

mise en doute. Voir les Index alphabétiques à la An de l’édit du Dialogue par G. Archambaull et des Apologies par h. Pautigny dans la collection Eiemmer Lejay. [1 est moins sûr, quoique beaucoup de critiques tiennent le lait pour très probable, Calmes, op. cit., p. 27. que saint Justin ail mis l’évangile au nombre des (’ciiis qu’il désigne sous le nom de Mémoires de » {.poires ; ce tait d’ailleurs ne prouverait pas absolu ment qu’il ait attribué au quatrième évangile une

origine, apostolique, mais seulement qu’il y retrou

valt, comme dans ceux de saint Marc et de saint Luc,

une tradition remontant aux apôtres, et lui reconnaissait une autorité égale à celle des synoptiques.

De ce que nous savons par Eusèbe de l’évêque d’Hiérapolis. l’apias. et des fragments qui nous ont été conservés de ses Exégèses des discours du Seigneur, il résulte : que celui-ci utilisait la première épître johannique et connaissait l’Apocalypse. II. E., t. III, c. xxxix. n. 12 et 17. La plupart des critiques admettent qu’il a eu aussi l’évangile entre les mains, bien qu’on s’étonne qu’il ne l’ait pas mentionné, non plus d’ailleurs que celui de saint Luc, dans le célèbre passage où il consigne les traditions recueillies par lui sur la composition des évangiles de saint Matthieu et de saint Mare. S’il était sûr que certains dires des presbytres d’Asie rapportés par saint [renée ont été empruntés par l’évêque de Lyon à l’ouvrage de Papias(on sait par un fragment conservé dans Eusèbe, ibid., n. 3-5, que l’évêque d’Hiérapolis s’attachait à recueillir soigneusement tout ce que disaient les presbytres), si d’autre part, ces dires des presbytres font allusion, comme il semble bien, à des passages du quatrième évangile (indication sur l’âge du Christ. Joa., viii, 57, et sur les degrés de la gloire céleste, Joa.. xiv, 12), on en pourrait conclure, avec llarnack et nombre d’autres critiques, que les presbytres asiates utilisaient l’évangile johannique, qui par conséquent, aurait existé et aurait été connu en Asie dès la fin du règne de Trajan.

A la même époque d’ailleurs, dans l’épître de saint Polycarpe aux Philippiens, on trouve plusieurs sentences qui sont à peu près sûrement empruntées, non pas sans doute au quatrième évangile, mais du moins à la première épître johannique. En voir le relevé dans Les Pères Apostoliques, de la collection 1 Ieinmer-I.ejay, t. iii, p. 170-177. Quant à saint Ignace, il y a une telle parenté entre la christologic exposée dans ses épîtres et la doctrine johannique, qu’il ne suffit pas sans doute de supposer, avec, 1. Héville et llarnack, que l’évêque d’Antioche vécut dans un milieu influencé par la pensée johannique, mais qu’on est porté à admettre qu’il connaissait le quatrième évangile lui-même et s’était pénétré de ses enseignements. Par contre, les adversaires de l’authenticité du quatrième évangile ont noté connue « un fait étrange et dont la Signification n’est pas négligeable i ( Loisy) le silence absolu gardé par saint Ignace dans son épilre aux Éphésiens sur l’apôtre saint Jean, alors qu’il loue ses correspondants d’avoir été les disciples de saint Paul, et que, s’il faut en croire la tradition, saint Jean ayant succédé à saint Paul à Éphèse et y ayant son tombeau, l’évêque d’Antioche aurait pu et dil mentionner, scmble-t-il. cet autre titre de gloire de la chrétienté éphés’eime.

Objections contre li valeur de ces témoignages.


De cette rapide enquête à travers la plus ancienne littérature chrétienne il résulte que le quatrième évangile a dû être mis en circulation au plus tard dans les premières années du ir siècle, mais que, en faveur de la tradition qui le fait composer à Kphè.se par l’apôtre saint Jean, tradition très largement répandue cl presque unanimement acceptée à la fin du il 1’siècle, on ne trouve pas avant cette époque de témoignages

indiscutables, i.es adversaires de l’authenticité johannique s’autorisent de l’apparition soudaine et relativement tardive de cette tradition pour en contester la valeur.

1. Critique du témoignage d’Jrénée. On s’en

prend spécialement au témoignage de saint [renée, plus Important en raison des attaches de l’évêque de Lyon avec l’Asie Mineure. On fail valoir que ce témoignage est en somme assez, pauvre d’indications sur les circonstances dans lesquelles aurait été écrit l’évangile, on note que saint [renée a rapporté,

comme venant des presbytres d’Asie, des traditions