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563 JEAN SAINT), THÉOLOGIE TRINITAIRE ET G II 1 ! ISTOLOGIE 564

sance et de la gloire du Verbe incarné, et, d’autre part, ayant dans le prologue attribué au Logos les deux grandes fonctions de Lumière et de Vie, I, 4, il a présenté les enseignements de Jésus de façon à développer principalement le double thème du Christ-Lumière et du ChristVie, tout en se gardant naturellement de mettre dans la bouche du Sauveur le nom de Logos par lequel celui-ci ne s’était jamais désigné.

2. L’idée doctrinale essentielle de l’évangile johannique est fdonc la manifestation en la personne de Jésus du Verbe, lumière et vie du monde, du Verbe qui était dès le commencement en Dieu, qui était Dieu, et qui, s’étant fait chair, a apporté aux hommes la grâce et la vérité qu’il possède en plénitude. C’est parce qu’il est le Verbe incarné que Jésus est l’unique Sauveur des hommes, et que la foi en lui est le moyen nécessaire pour posséder la véritable vie, la vie éternelle. Cette union de la divinité et de l’humanité en Jésus s’allirme dans tout le cours de l’évangile. Saint .ban en montre le signe dans les œuvres merveilleuses accomplies par le Sauveur, tandis que les discours du Christ qu’il rapporte ont pour principal objet de préciser la relation de Jésus avec Dieu et son rôle à l’égard des hommes. La christologie est donc le centre de la doctrine johannique, et l’évangile lui-même, en ses parties narratives, n’est que l’illustration par l’histoire de cette christologie.

Plan du quatrième évangile.

Il ne faut pas

chercher dans l’évangile de saint Jean un plan rigoureux. Le cadre chronologique était fixé, en ses grandes lignes tout au moins, par l’histoire. Dans ce cadre, récits et discours se suivent dans un ordre qui n’est ni proprement logique, ni précisément historique. L’unité puissante du livre résulte de ce que tous les développements sont subordonnés à l’idée centrale indiquée plus haut, la manifestation de la divinité en Jésus, et rattachés à quelques thèmes caractéristiques, tels que celui du Christ-Lumière et celui du Christ-Vie, qui s’enchaînent et se combinent, un peu à la manière des thèmes musicaux dans une symphonie. L’évangile tout entier peut être considéré comme le développement de cette phrase du prologue, i, 5 : « La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. » L’évangéliste nous fait assister à la manifestation progressive du Verbe incarné, lumière du monde, et nous montre les âmes prenant parti pour ou contre la lumière : d’un côté les ennemis de Jésus, s’enfonçant dans leur incrédulité et s’clTorçant en vain d’étouffer la lumière, de l’autre les disciples de Jésus, devenus enfants de Dieu par l’adhésion au Christ, dont la foi, s’éclairant, se fortifiant peu à peu, est finalement confirmée par le triomphe du divin Ressuscité, et trouve son expression définitive dans la parole de l’apôtre Thomas, qui est la véritable conclusion de l’évangile : < Mon Seigneur et mon Dieu ! » xx, 2. La suite des développements est bien indiquée par le P. J. Huby, Saint Jean, dans Études, 20 octobre et 5 novembre 1921, et édition à part dans la série religieuse des brochures de Y Action populaire, qui résume

nnsi l’évangile : « Dans les quatre premiers chapitres,

avec le commencement de la mission publique de ii’sus. la lumière se lève sur le monde comme une aube mystérieuse, el les hommes touchés de la douceur de ses premiers rayons, semblent disposés à lui faire bon accueil, L’enseignement de Jésus se précise, la lumière monte dans le ciel, et, à mesure qu’elle brille avec plus de clarté les âmes commencent à se discerner, les sympathies et les antipathies se dessinent : période de tendances, d’inclinations ou méfiances plutôt que de partis arrêtés, c. v et vi. Puis les antagonismes usent : les disciples se serrent autour du Maître Une fol plus tenue et plus lucide ; les ennemis

forment bloc. c. vii-xii. A la fin Jésus reste avec un

petit groupe de fidèles auxquels, dans l’intimité d’une salle close et d’un repas d’adieu, il révèle les ultimes secrets de son cœur, c. xm-xvii. Au dehors la haine atteint son paroxysme et pour un temps les puissances des ténèbres triomphent, c. xviii-xix. Mais la lumière sort du tombeau et l’évangile s’achève dans la sérénité, comme s’achève un beau jour d’été, quand, après l’orage, le soleil a reparu dans un ciel dégagé, c. xxxxi. »

4° La doctrine des discours du quatrième évangile et la théologie johannique. — On peut se demander si, dans l’exposé de la théologie johannique, il ne conviendrait pas de distinguer la doctrine contenue dans les discours de Jésus et celle qui appartient en propre à l’évangéliste. Ainsi ont fait plusieurs de ceux qui ont étudié la théologie du quatrième évangile : Bovon, Théologie du Nouveau Testament, Lausanne. 1893, 1. 1 et n ; Stevens, The Theology of the New Testament, Edimbourg, 1899 ; Tixeront, Histoire des dogmes, l re édit., Paris, 1905, 1. 1. On se propose par ce moyen de distinguer dans la doctrine de saint Jean ce qui vient directement et explicitement de Jésus lui-même et ce que l’apôtre, sous l’inspiration de l’Esprit Saint, a pu ajouter à la révélation faite par le Sauveur au cours de sa vie terrestre. D’autres, tels que le P. Lebreton, estiment au contraire qu’il est superflu, et peut-être impossible, de distinguer dans l’analyse théologique de l’évangile, les discours de Jésus et les réflexions de l’évangéliste, car saint Jean n’a pas rapporté littéralement les discours du Sauveur, et il les présente sous une forme où son empreinte personnelle est nettement marquée : i la révélation vient authentiquement de Jésus, mais ce n’est qu’à travers l’âme de saint Jean qu’on la peut aujourd’hui percevoir : c’est l’apôtre qui, en vue du but qu’il s’était fixé, a choisi les paroles de son Maître : c’est lui qui les développe, les interprète, et qui, dès le seuil de son évangile, nous donne, dans son prologue, la clef du mystère. » Lebreton, op. cit., p. 444. Il semble donc préférable, surtout quand on se place au point de vue théologique plutôt qu’au point de vue historique, d’exposer la doctrine johannique en prenant l’évangile dans son ensemble, sans distinguer entre ses diverses parties.

II. Théologie TRINITAIRE ET Ciiwstologie. — 1° L’idée de Dieu.

On ne peut séparer l’enseignement

du quatrième évangile sur Dieu de sa doctrine christologique, car ce que cet enseignement présente de caractéristique est inclus dans cette relation unique du P*re avec le Fils, son Verbe, qui domine toute la théologie johannique. Le « seul vrai Dieu » ne peut être connu, de cette connaissance de foi qui est déjà la vie éternelle, xvi’, , ’î, que par l’intermédiaire de. son envoyé, son Fils, Jésus-Christ. Car il est absolument invisible, i, 18 : nul homme, pas même Moïse et les voyants de l’Ancien Testament favorisés de théophanics, ne l’a vu en son essence ; seul, son Fils unique le connaît et peut le faire connaître. Cf. Mal th.. xi, 27 et Luc, x, 22, sentence isolée dans les synoptiques et toute Johannique par l’idée et l’expression. Dieu n’est pas limité dans le temps ni dans l’espace, sa nature est toute spirituelle, comme le déclare Jésus à la Samaritaine : « Dieu est Esprit ». iv, 24, pour lui faire comprendre que le culte qui convient à Dieu est un culte spirituel. D’ailleurs la spiritualité de Dieu ne l’isole pas du monde, car il agit dans le monde, et son action, universelle et incessante, ne connaît pas de repos, v, 17. Il agit par son Verbe, mais il agit aussi par lui-même (à la différence du Dieu des gnostiques qui ne communique avec la création que par des êtres intermédiaires ) : il envoie son Fils. et. quand les hommes viennent a Jésus pour le suivre, c’est le l’ère qui les

attire, m. 1 1. Sou action est une action vivifiante : la vie qu’il possède en lui même, il la communique à son