Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
675
676
JEAN CHRYSOSTOME (SAINT), VIE

dont la précision inexacte pouvait trop facilement être mal Interprétée. Mais, dans ses homélies sur saint Matthieu et sur saint Jean, il est loin de reconnaître l’éminente dignité de Marie. Sans doute celle-ci est la mère du Christ, et son Fils ne la renie jamais : « Lorsque la femme crie : bienheureux le sein qui t’a porté, Jésus ne dit pas : elle n’est pas ma mère, mais : si elle veut être heureuse, qu’elle fasse la volonté de mon Hom. xuv, in Matth., 2, t. lvii, col. 466. Lorsqu’aux noces de Cana, il transforme l’eau en viii, Jésus fait ce que lui demande sa mère, par honneur pour elle, pour ne pas paraître la contredire, pour ne pas rougir d’elle devant une telle assistance. Hom. xxii, in Joan., 1, t. lix, col. 131. Enfin, sur la croix, la dernière pensée de Jésus est pour sa mère qu’il confie au disciple, afin de nous apprendre que jusqu’à notre dernier souffle nous devons avoir soin de nos parents ; et Jean ajoute : « Quel honneur fait au disciple 1 Combien celui-ci n’est-il pas honoré ! > Hom. lxxxv, in Joan., 2. t. lix, col. 461 sq.

Mais en même temps, Jean insiste sur les sentiments humains de la Vierge en des termes qui surprennent. Lorsque Marie demande à l’ange comment se réalise a sa promesse, c’est qu’elle a des sentiments humains, ἀνθρώπινόν τι πάσχει ; cf. la même expression, Hom., xxi, in Joan., 2, t. lix, col. 130 ; c’est qu’elle doute de l’accomplissement du message divin. L’ange pourtant vient l’avertir avant la conception : n’aurait-elle pas été troublée, si elle n’avait pas été prévenue et si elle s’était tout d’un coup aperçue du miracle : elle aurait pu recourir au couteau ou à la corde pour ne pas porter sa honte : ϰαὶ γὰρ εἶϰος ἧν, τὸ σαφὲς οὐϰ εἰδυῖαν ϰαὶ βουλεύσασθαι τι περὶ ἑαυτῆς ἄτοπον, ϰαὶ ἑπὶ βρόχον ἐλθεῖν ϰαὶ ἑπὶ ξίφος, οὐ φέρουσαν τὴν αἰσχύνην. Hom. iv, in Matth., 5, t. i.vu, col. 45. Jean va jusqu’à dire que la Vierge avait sur son Fils des sentiments bas, Hom. xxi, in Joan., 2, t. lix, col. 131 ; qu’elle s’enorgueillissait de son Fils, Hom. xxi, in Joan., 2, t. lix, col. 130 ; qu’en cherchant Jésus au milieu de la foule, elle faisait preuve de beaucoup d’orgueil, parce qu’elle voulait montrer au peuple que celui-ci lui obéissait. Hom. xi.iv, in Matth., t. lvii, col. 465. A propos de quoi, saint Thomas d’Aquin fait simplement cette remarque : in verbis illis, Chri/soslomiis excessit. Sum. theol., ur, q. xxvii, a. 4, ad 3um.

4° La Rédemption est le motif suprême de l’Incarnation. « Il a pris notre chair uniquement par amour, pour avoir pitié de nous. Il n’y a pas d’autre cause de l’Incarnation que celle-là. » Hom. v, in Ep. ad Hebr., 1. t. lxiii, col, 17. Deux aspects du salut : l’un positif : « Le Fils de Dieu s’est fait Fils de l’homme afin que les lils de l’homme devinssent Bis de Dieu. Hom. xi, in Joan., 1, t. lix, col. 7’.) : l’autre négatif, sur lequel insiste beaucoup plus Jean et qui consiste dans la délivrance du péché. « Nous étions tous sous le coup de la condamnation divine, nous méritions le dernier supplice. I.i loi nous accusait et Dieu nous avait condamnés. Nous devions périr comme aux jours du déluge ; nous étions déjà virtuellement mort-. J Christ nous a arrachés à la mort en se livrant lui-même à la mort. La présence du Christ a arrêté la colère divine. » Ilnm.u, inEp.ad Gui., 8, t. i.xi, col. 646. Les sacrifices de l’ancienne loi étaient incapables d’opérer cette délivrance ; par un seul sacrifice, le Christ nous a Hom. xv, inEp. ad Hebr., 2, t. i.xiii.col. 1 19 sq. ; Hom. xvii, in Ep. ad Hebr., 1-3. t. i.xiii. col. 129 sq.

Pour accomplir notre salut, le Christ s’est en quelque manière substitué à nous. « Pour les nombreux outrages dont nous l’avons abreuvé, malgré ses ! faits, non seulement il ne nous a pas punis, mais il non. a donné son Fils, il l’a fait péché pour nous. c’esi -i due il l’a laissé condamner comme pécheur, mourir comme inaudit. Il a fait pécheur et péché celui qui ne connaissait même pas le péché, loin de l’avoir commis… Un roi voyant un brigand près de subir sa peine, envoie à la mort son Fils unique et chéri. Il transporte sur lui non seulement la mort, mais la faute, μετὰ τοῦ θανάτου ϰαὶ τὴν αἰτίαν μετήνεγϰεν ; et cela pour sauver le coupable et l’élever ensuite à une grande dignité. » Hom. xi, in Ep. II ad Cor., 3-4. t. lxi, col. 478 sq. « Les hommes devaient être punis : Dieu ne l’a pas fait. Ils devaient périr : il a donné son Fils à leur place. " Hom. vii, in Ep. I ad Tim.. ;.. t. lxii, col. 537.

Cette substitution a sans doute été faite par le Père : mais elle a été librement et volontairement acceptée par le Christ, et l’on ne saurait dire que le Père ait fait à son Fils un précepte de mourir : les textes sacrés qui semblent mentionner l’existence d’un tel commandement indiquent en réalité l’accord parfait des volontés chez le Père et chez le Fils. Hom. lx, in Joan., 2-3. t. lix, col. 330 sq. C’est par amour que Dieu nous a sauvés : « Si, en effet, personne peut-être ne voudrait mourir pour un homme vertueux, considérez l’amour de notre Sauveur qui est mort pour des pécheurs et pour des ennemis. Je vois là deux, trois, une foule de bienfaits. Il est mort pour des impies ! il nous a réconciliés, sauvés, justifiés, rendus immortels, fils et héritiers de. Dieu. S’il n’avait fait que mourir pour nous, ce serait déjà une grande preuve d’amour. Mais en mourant, il nous prodigue de tels dons, et à de tels misérables que ce bienfait délie toute hyperbole et doit conduire à la foi même le plus insensible. » Hom. xxvi, in Joan., 1-2, t. lix, col. 158 sq. ; cf. Hom. xv, in Ep. ad Rom., 2, t. lx, col. 543 ; Hom. xx, in Ep. ad Ephes., 2, t. lxii, col. 137.

Le sacrifice du Christ a une efficacité surabondante : « Un créancier met en prison un débiteur qui lui devait dix oboles — et non pas lui seulement, mais sa femme, ses fils et ses serviteurs. Un tiers survenant donne les dix oboles, et en plus dix mille talents d’or… Le créancier pourrait-il encore se souvenir îles dix oboles ? Ainsi pour nous. Le Christ a payé plus que nous ne devions, autant que l’Océan surpasse en grandeur une goutte d’eau." Hom. x, in Ep. ad Rom., 2, t. lx, col. 477 ; cf. Hom. xvii, in Ep. ad Hebr.. 2, t. i.xiii, col. 129.

Il n’y a rien en tout cela de très original. Jean exprime, au sujet de la Rédemption, les idées de son époque, insistant surtout sur le caractère expiatoire de la mort du Christ et sur le rachat du péché. Son admirable éloquence, son ardent amour pour le Christ, donnent seulement à ses idées une force et une puisque l’on ne rencontre pas ailleurs. Cf. J. Rivière, Le dogme de la Rédemption, Essai d’étude historique, Paris, 1905. p. 180 sq.

5° Plus importante à étudier est la théorie de Jean sur le péché originel et sur la grâce. Dès 415, Pi I dans le De natura. citait un passage de Jean en faveur de sa doctrine. Fn répondant à l’hérétique, saint Augustin, qui connaissait encore mal les œuvres de l’archevêque de Constantinople, se borna à dire que le passage invoqué ne prouvait rien contre la doctrine catholique. De natura et gratia, 64, P. L., t. xliv, col. 28.">. Les années suivantes, les pélagiens continuèrent à se servir de l’autorité de Jean. L’un des leurs, tisit en latin plusieurs de ses homélies entre ll"> et 419 ; les auteurs du Libellas fidei et Julien d’Éclane, en 1 18, employèrent surtout l’homélie ml neophytos, pour démontrer leur thèse. Le pas capital de cette homélie était le suivant : διὰ τοῦτο ϰαὶ τὰ παιδία βαπτίζομεν, ϰαίτοι ἁμαρτήματα οὐϰ ἔχοντα. Dans saint Augustin, Contra Julian., i, 6, 22, P. L., t. xliv, col, 656 ; ce que Julien traduisait : hac de causa etiam infantulos baptizamus cum non sint coinquinati peccato. Naturellement Augustin, en répondant à Julien, se hâta de rétablir le pluriel du texte