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JÊRÉMIE. LES DOCTRINES RKl.IlI IEUSES

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principal. Osée. vi. 6, exprime 1 même Idée sous la même forme : « Je prends plaisir à la piété el non aux sacrifices] à la connaissance de Dieu, plus qu’aux holocaustes. » Le second membre du vers montre bien dans quel sens il faut entendre 1 1 négation. Les préceptes fondamentaux sont contenus (’ans le Décal’igue qui ne dit rien des sacrifices. » Condamin, op. cit., p. 71

Ainsi donc, comme les autres prophètes, mais plus énergiquement encore, car le mal s’est aggravé, Jérémie insiste sur le côté moral et spirituel du culte à rendre à Iahvé. mettant le peuple en garde contre une fausse confiance et une vaine sécurité, appuyées sur la simple exécution de certains rites ou même sur la présence matérielle du temple : « Gardez-vous, dit-il, d’avoir confiance dans les discours trompeurs qui disent : c’est là le temple de Iahvé, le temple de Iahvé, le temple de Iahvé. i Jer., vu. 1.

De tels enseignements ne sont-ils pas en opposition avec les ordonnances du livre de la Loi, découvert dans le temple de Jérusalem, la dix-huitième année du règne de Josias ? Quelques critiques le pensent, K. Marti. Duhm, Cornill, Kent, A. F. Puukko, et voient dans les textes de Jérémie, qu’ils interprètent dans le sens d’une condamnation du culte extérieur, une des preuves de l’hostilité du prophète contre la loi deutéronomique. Sans entrer, à ce propos, dans la discussion du problème plus général de l’attitude de Jérémie vis-à-vis du Deutéronome, rappelons simplement, d’une part l’interprétation qui vient d’être donnée de ses paroles touchant les sacrifices, et d’autre part le caractère même du livre de la Loi ; celui-ci. en effet, même réduit aux modestes proportions que lui impose certaine critique, se distingue non pas précisément par son insistance sur les formalités et les rites de la religion (Kent), mais par « son monothéisme, son horreur pour l’idolâtrie, son humanitarisme ardent, sa haute moralité, sa détestation des abominations païennes, son exhortation à aimer Dieu de tout son cœur et à vivre en conséquence (Peake). » Cf. Condamin, op. cit., p. 102-106.

2. Le péché.

La sentence de condamnation prononcée par Iahvé contre son peuple amène le prophète à développer les raisons de ce redoutable jugement. Le Dieu juste et bon ne saurait infliger pareil châtiment que pour des fautes et des crimes dont le nombre et la gravité arrachent à l’âme pieuse de Jérémie des cris d’indignation. Abandonner Iahvé, lui la source des eaux vives, pour offrir de l’encens à d’autres dieux, quel crime et quelle folie ! i, 1(3 ; n. 13. D’un côté, le seul vrai Dieu, dont les bienfaits à l’égard de son peuple ne peuvent se compter, et de l’autre, des idoles qui ne sont rien et à qui pourtant les nations demeurent fidèles, n. 9-11. Rébellion, infidélité, ingratitude, orgueil ajoutent leur malice au péché d’idolâtrie, ii, 20, 29, 32, 6, 7, 27, 31. Le temple même voit ses parvis souillés par les abominations des cultes impies dont la célébration prétend honorer le vrai Dieu, vii, 16-19. Les discours du prophète, où abondent de tels reproches, remontent sans doute à une époque où la réforme de Josias n’avait pas encore fait sentir son influence, mais ils n’ont rien perdu fie leur actualité, lors de leur rédaction, la quatrième année de Joakim ; en d’autres circonstances encore dans la suite, Jérémie maudira, au nom de Iahvé, ceux qui violent l’alliance contractée avec leurs pères, xi, 1-1 1 ; xxii. ! >.

Un nouveau danger va surgir du prestige incomparable dont s’auréole désormais le sanctuaire unique ; y multiplier les sacrifices, n’était-ce pas se mettre en règle avec Iahvé et s’attirer ses faveurs’/ Qu’importait dès lors l’observation de la loi morale. Une telle conception du devoir religieux était encore une con séquence néfaste de l’influence païenne. L’exemple de Silo avait déjà prouvé cependant l’inanité d’une aussi aveugle confiance, en même temps qu’il rappe lait ce qu’il y a d’essentiel dans la pratique d’une

vraie religion, vii, 1-15.

La loi morale, en effet, plus encore que la loi rituelle est méconnue et violée. Le mensonge et la duperie, la mauvaise foi et l’infidélité enveniment toutes les relations même entre parents et amis, ix, 3-5. La fraude, le vol, le parjure, la prévarication, la violence sont tour à tour stigmatisés comme des moyens trop souvent employés pour s’enrichir, v, 26-27 ; vii, 9 ; v, 28 ; vi, 6 ; vii, 5 ; xxi, 12 ; ii, 34 ; vi, 7. Circonstance aggravante, les victimes de ces injustices ce sont les faibles, les veuves et les orphelins contre lesquels se liguent les grands et le roi lui-même, vii, 6 ; xxii, 17 L’immoralité proprement dite enfin, ne connaît plus ni honte, ni réserve, v, 7, 8 ; vii, 9. Le renouvellement de l’alliance sous Josias, qui dans l’ordre moral n’a pas réalisé non plus toutes les espérances fondées sur lui, ne fait que rendre plus indigne et plus coupable la conduite de ceux qui se livrent à tous ces désordres, xi, 1-11. De là de nouvelles et véhémentes protestations du prophète, dirigées surtout contre les scribes et leur interprétation mensongère de la Loi, viii, 8-9. Son contemporain Sophonie n’est pas moins sévère dans la condamnation des mêmes abus.

Comme lui encore, Jérémie signale l’universalité du péché. « Dès l’origine, sa vision d’horreurs englobe tout le pays, rois, princes, prêtres, peuple ; ils sont tous coupables, Jer., i, 18. Tous ont été infidèles, Jer., ii, 29, déclarera-t-il bientôt après ; du plus petit au plus grand, enfants, jeunes gens, mari et femme, vieillard et homme chargé d’années, tous excitent la divine colère, Jer., vi, 11, 13. » Touzard, L’u7 ?<e juive…, Revue biblique, 1917, p. 469. « Parcourez les rues de Jérusalem et regardez ; informez-vous et cherchez si vous y trouvez un homme, s’il en est un qui pratique la justice et qui recherche la fidélité, v, 1. » Entre tous, les plus coupables sont ceux-là mêmes qui, au lieu de veiller au maintien et au respect de la loi, la dénaturent et la violent : prêtres et prophètes préparent et précipitent le malheur de la nation, ii, 8 ; xxiii, 13, 14 ; xiv, 15 ; vi, 14 ; xxiii, 17-24…

Puisque le peuple tout entier est pécheur, tout entier il sera châtié, et ceux-là mêmes qui n’auraient pas encouru à la lettre les reproches du prophète ne sauraient se désolidariser de la nation, car c’est depuis longtemps que le péché de tout Israël appelle le châtiment. A tous les siècles de son histoire, l’infidélité et l’ingratitude ont été sa réponse aux bienfaits de Dieu ; de génération en génération le mal n’a fait qu’augmenter ; en vain les prophètes ont-ils multiplié avertissements et menaces, en vain la ruine du royaume de Samarie a-t-elle manifesté la rigueur du châtiment divin, tout a été inutile. Aussi Juda est-il plus coupable qu’Israël et la sentence qui le condamnera sera [dus terrible encore, iii, 7-10 ; xxii, 21. Jérémie ébauche ainsi < ces vues générales du péché national que reprendra Ézéchiel et qui éclaireront les écrivains sacrés lorsqu’ils feronl l’histoire des deux royaumes, i Touzard, loc. < il., p. 172.

N’y a-t-il donc plus d’espoir de conversion ? Le prophète va-t-il se résigner a cette si tua lion sans autre issue que la condamnation et la nulle ? Il le semble bien, tout d’abord du moins. L’aveuglement et l’endurcissement de ce peuple sont tels que le Lieu qui commande aux éléments ne peut plie (’mouvoir ce peuple insensé et sans cœur, v, 20, 24. Aux avertissements les plus solennels ne répond-il pas : i Inutile, nous suivrons nos pensées, nous agirons chacun selon l’obstination de notre mauvais cœur’.' xviii, 12 ; » onversion est désormais ainsi invraisemblable