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JÉRÔME (SAINT). L’INSPIRATION SCRIPTURAIRE


n’obtiendraient pas la moindre créance ; In ep. <i<l

TH.. i. 10, 11. P. L. t. xxvi. eol. 570. Et ici Jérôme a fidèlement joint l’exemple au

précepte, car nonj seulement ses nombreux travaux sont presque exclusivement travaux scripturaires, c’est-à-dire consacrés ex professo à l’Écriture sainte ou lui empruntant leur fonds principal, mais son style aussi est tout émaillé, on pourrait dire tissé d’expressions, d’images, de comparaisons, d’allusions ou de réminiscences bibliques. Dans ses polémiques en faveur de l’orthodoxie, il en appelle constamment à l’autorité irrécusable des livres inspirés. Il écrit, au sujet de Jovinien : « A chacune de ses aflirmations j’opposerai surtout des témoignages scripturaires, afin qu’il ne puisse pas se dire vaincu par l’éloquence plutôt que par la vérité, i Ado. Jovin., i, 4, P. L.. t. xxjh, col. 216. Cette pratique, il l’érigé en règle ou tactique générale dans une lettre à Fabiola, Epist., Lxxviii, P. L., t. xxii, col. 714, 715 : « Quiconque est versé dans la science des divines Écritures et recon nait dans leurs lois et leurs témoignages des liens de vérité, pourra combattre ses adversaires, les enchaîner, les réduire en captivité, puis, d’anciens ennemis et de misérables captifs, faire des enfants de Dieu. » Si vif est le sentiment qu’il a du respect absolu dû à l’Écriture qu’il se préoccupe uniquement de redire ce qu’elle contient, et qu’il se défend, comme d’un crime et d’une folie, de la pensée de s’en écarter en quoi que ce soit, Episl., xlviii, P. L., t. xxii, col. 506 ; et à ceux qui lui reprochaient d’avoir voulu corriger quelque chose dans les Évangiles il adressait cette fière réponse : Non adeo me hebelis fuisse cordis, et lam crassæ ruslicilatis, ut aliquid de dominicis verbis aut corrigendum putaverim, aut non divinitus inspiralum. Epist., xxvii. P. L., t. xxii, col 431.

Enfin saint Jérôme allègue encore, en preuve de l’origine divine de l’Écriture, un trait qui avait déjà été relevé et utilisé avant lui, notamment par, Origène : il tire argument de son caractère prophétique au sens strict du mot, c’est-à-dire de la connaissance des futurs contingents qui s’y révèle, et qui, de l’aveu même des sages du paganisme, nécessite l’omniscience de Dieu comme cause première : Confilentur magi, confitentur harioli, et omnis scientia sœcularis litleraturse, prsescientiam futurorum non esse hominum, sed Dei. Ex quo probatur prophetas Dei spirilu loculos, qui fulura cecinerunt. In Dan., ii, 9 et 10, P. L., t. xxv, col. 499.

Nature de l’inspiration.

Par ce qui précède,

on comprend que le fait de l’inspiration est un fait complexe ; sa réalisation exige le concours de deux causes, Dieu, comme cause principale, l’écrivain sacré ou hagiographe, comme cause instrumentale et subordonnée : « Hsec dicil Dominus »… Prophètes sic dicunt, quia quod loquuntur Domini sint verba, et non sua, et quod per os ipsorum dicil, quasi’per organum Domini sit locutus. Tract, de Ps. LXXXVIII, Anecdola Mareds. t. iii, part. 3, p. 53. Voilà pourquoi, si la Bible tout entière est incontestablement l’œuvre de Dieu, l’œuvre du Saint-Esprit, ses diverses parties sont couramment attribuées sans plus à leurs auteurs humains. Ceux-ci sont le plus souvent compris, pour la période de l’Ancien Testament, sous la dénomination générique de prophètes, et, pour le Nouveau Testament, sous celle d’apôtres et évangélistes. In Is., xxii, 4 sq., P. L., t. xxiv, col. 270. La situation respective des deux facteurs, c’est-à-dire la subordination du facteur humain résulte assez clairement de la nature des choses. L’activité des prophètes, comme leur autorité, est empruntée ; ils ne.sont que les représentants et les porte-parole de Dieu ; ils parlent ou écrivent ex persona Dei, ex persona assumpti hominis, ex persona Christi. In Gal., iii, 19, P. L., t. xxvi, col. 345 ; In Midi.,

DICT. DE THÉÛL. CATHOL.

iv, S sq., t. xxv, col. 1191 ; In Eph., iv, 1, t. xxvi, col 193. Jérôme veut évidemment faire ressortir la prépondérance de l’élément divin chaque fois qu’après avoir mentionné un livre ou un passage sous le nom de l’écrivain sacré, il se reprend aussitôt, comme pour rectifier une inexactitude : Aggseus prophela, immo per Aggœum Dominas ; — Isaiæ, immo Domini per Isaiam verba : — - propheta, immo per prophetam Dominus. Epist., un ; cviii, t. xxii, col. 542, 899 et In Mich., i, 10 sq., t. xxv, col. 1159. C’est pour la même raison que la détermination et la connaissance certaines de la personne de l’hagiographe n’intéressent point la valeur fondamentale de l’œuvre commune. On peut, en effet, généraliser la conclusion formulée concernant VÉpîlre aux Hébreux. Cette lettre, dit Jérôme, que la tradition orientale et la plus ancienne tradition grecque attribuent à l’apôtre Paul, quelques-uns prétendent qu’elle est de Barnabe ou de Clément ; mais « peu importe de quelle plume elle émane, dès qu’elle a vu le jour au sein de l’Église et qu’elle est consacrée par l’usage constant des communautés chrétiennes. » Epist., cxxix, t. xxii, col. 1113.

Qualités de l’hagiographe.

Suivant le langage

et dans la pensée de saint Jérôme, le concept d’inspiration n’apparaît pas nécessairement lié à celui d’écrit ou de livre ; l’inspiration prophétique n’est pas restreinte aux oracles et récits scripturaires. « Agabus, à Césarée, a prophétisé, Antioche avait des prophètes en grand nombre, » et tous parlaient sous l’influence du charisme divin. In Joël., ii, 28 sq., t. xxv, col. 978. Mais, qu’il écrive ou non, le sujet inspiré présente, comme condition morale préalablement requise, la sainteté personnelle. In Amos, ii, 9 sq., P.L., t. xxv, col. 1010. Isaïe n’a pu convenablement s’offrir pour le ministère prophétique qu’après avoir été purifié par l’ange du Seigneur. Epist., xviii, ad Damasum, t. xxii, col. 371. Il y a plus : les auteurs sacrés paraissent représenter le plus haut degré de sainteté ; s’il en était autrement, on ne comprendrait point ce commentaire de Ps. cxlii, 2 : « Devant Dieu, non seulement nul homme, mais nul vivant n’est justifié, pas même donc les évangélistes, les apôtres et les prophètes. » Epist., xxi, t. xxii, col. 393. Sous la plume de Jérôme « les saints », sont parfois les hagiographies, par exemple : In Gal., i, Il sq., t. xxvi, col’. 322, et In Is., Lvrn, 11, t. xxiv, col. 571. Cf. Schade, op. cit., p. 14 sq.

L’écrivain sacré, sous l’influence du souffle inspirateur, conserve entièrement l’usage de ses facultés naturelles, de son intelligence et de sa libre volonté, de tout ce qui constitue sa personnalité, son individualité propre. Ainsi le livre qu’il aura écrit lui sera justement attribué ; et surtout ce n’est qu’à cette condition que son action pourra manifester des pensées et des sentiments divers, que Jérôme traduit en des expressions de ce genre : David exsultat dicens, propheta suspirat dicens, Isaias lacrimabili voce causatur dicens, prophela comploral dicens, plangil propheta. Saint Jérôme donc, à la suite d’Origène et de Didyme, et à rencontre de Tertullien, affirme souvent et fortement cette pleine activité humaine des hagiographes ; il se refuse à les assimiler aux sibylles du paganisme, que d’étranges transports mettaient complètement hors d’elles-mêmes ; il n’admet pas qu’ils agissent sans connaissance, encore moins qu’ils si’meuvent d’un mouvement purement mécanique et comme des automates. « Ce n’est pas vrai, dit-il. ce que Montan a rêvé, et des femmes insensées avec lui. à savoir que les prophètes ont parlé dans un état extatique tel’qu’en instruisant les autre », ils auraient été inconscients de ce qu’ils disaient. » Prol. in Isaiam, t. xxiv. col. 19. Ailleurs, cette opinion des montanistes est repoussée comme une Impiété : « Il faut admettre avec Montan que les patriarches et les prophètes,

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