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    1. JÉRÔME (SAINT)##


JÉRÔME (SAINT). L’INSPIRATION SCRIPTURAIRE

s’expliquerait assez naturellement, en partie par le but poursuivi, en partie aussi et principalement par la manière de Jérôme, qui, toujours tout entier à l’impression et à la pensée du moment, ne reculait pas,

pour les inculquer, devant une forme plus ou moins h perbolique, Le grand docteur était d’un tempérament aussi ardent qu’énergique ; il sentait vivement, pensait profondément, et la vivacité du sentiment, la force de la conviction se traduisaient sous sa plume en une vivacité et une insistance singulières du langage.

Au surplus, il est naturel que, dans certaines circonstances, dans certains contextes, on attache une importance exceptionnelle aux termes employés. Ainsi on admettra facilement ce que nous lisons, In Malth., ii, 21, t. xxvi, col. 28, qu’à dessein l’évangélisle. a écrit de Joseph : A cepit puerum et malrem ejus, plutôt que accepit filium simm et uxorem saam. On comprend aussi la justesse de cette remarque, In Mallh., xiv, 13, t. xxvi, col. 99, sur Jésus passant au désert. : Eleganter evangelista non ait : fugit in locum desertum, sed secessil, ut persécutons vilaverit magis quam timuerit. Mais on aurait tort, en se fondant sur l’une ou l’autre phrase isolée, de vouloir transformer en règle générale quelques exceptions insinuées par Jérôme. Un exemple éclairera et confirmera cette observation. La lettre à Pammachius contient celle déclaration, t. xxii, col. 571 : Egoenirn non solum fateor, sed lilcra voce profdeor me in inlerpretatione Gni corum, absque Scripturis Sanctis, ubi et verborum ordo mysterium est, non verbum ex verbo, sed sensum exprimere de sensu. A première vue, ceci semblerait accorder que l’Écriture, parce que l’ordre des mots y est un mystère, doit, à la différence des œuvres humaines, se traduire mot pour mot. Mais s’il en était ainsi, l’aveu contredirait brutalement et le but de la lettre et tout le contexte. Car, comme on l’a vu plus haut, l’auteur se propose de prouver qu’une traduction ne doit point être littérale et que même les apôtres et les évangélistes citent la Bible et l’interprètent en ne tenant compte que de la pensée. Pour ne point prêter au correspondant de Pammachius un manque complet et inadmissible de logique, il n’y a qu’un moyen : c’est, dans la phrase que nous examinons, de donner à la particule ubi non pas une valeur purement explicative ou causale, mais une signification restrictive. Considéré dans son contexte, ubi est l’équivalent de quando, non de in quibus ou de quia : et toute l’incise dont (et adverbe fait partie devra se rendre ainsi en français : abstraction faite des endroits de l’Écriture sainte où l’ordre même des mots renferme un mystère.

On ne saurait donc conclure des quelques expressions hyperboliques que nous avons relevées que Jérôme ait cru à la dictée ou révélation de chacun des mots du texte sacré. Mais elles peuvent servir, avec beaucoup d’autres, à établir une conclusion qui se rapproche de celle-là, tout en restant essentiellement différente. Si l’on s’en tient à cette idée générale, si souvent exprimée, si follement inculquée, que tout, dans l’Ecriture, est l’œuvre de Dieu, fine tout y est parole de Dieu, que l’Esprit inspirateur se sert de l’homme comme d’un instrument, on sera parfaitement fondé à rapporter a une seule et même motion divine Inspiratrice non seulement le fond doctrinal,

niais aussi la manière dont cette doctrine est rendue.

le choix des termes aptes a l’exprimer exactement ; et dès lors on scia en droit de voir dans les principes de saint Jérôme l’affirmation, au moins implicite, de ce que le I’. Lagrange et un grand nombre de modernes appellent inspiration verbale en un sens large et atténué.

3. Inspiration de la version tes Septante — Jérôme

n’a pas gardé en tout temps à l’égard de la version des Septante une attitude uniforme. A ce sujet, on l’a peut-être mal jugé de deux manièies très différentes : suivant les uns, il aurait simplement dénié à cette version l’autorité divine qui résulte de l’inspiration ; cf. Sandefs, Etudes sur saint Jérôme, p. 145, et Grutzmacher, Hieronymus, t. ii, p. 104 ; d’autres, comme Roehrich, Essai sur saint Jérôme exégète, p. 59, el H Weiss, Die grossen Kappadozier, p. 30, l’accusent de s’être contredit grossièrement et arbitrairement en cette matière. La première de ces allégations n’est pas vraie absolument ; la seconde ne l’est guère davantage. Ce qui se dégage à tout le moins comme très probable d’un examen attentif des faits, c’est que sa manière de voir a évolué graduellement dans une direction constante, qu’elle s’est modifiée, rectifiée au fur et à mesure qu’il entrait davantage en contact avec le texte hébraïque. Avant lui, l’œuvre des Septante était communément tenue pour inspirée, parce que accomplie, croyait-on, dans des circonstances merveilleuses qui lui assignaient Dieu comme auteur principal II est à priori assez naturel que cette idée ait été d’abord acceptée par un homme qui se faisait gloire de s’attacher inviolablement à la tradition et de ne point s’en rapporter à son propre jugement ; t. xxii, col. 00. Origène, en dépit de ses recherches critiques, avait accueilli et répété l’opinion commune ; et saint Hilaire aussi l’avait enregistrée de bonne foi dans ce Commentaire sur tes psaumes que le jeune Jérôme transcrivit de sa main lors de son séjour dans les Gaules. Que si, malgré tout, nous n’en retrouvons pas l’écho formel dans les travaux hiéronymiens avant 390, le fait n’a rien de bien surprenant ; car outre qu’il ne nous est resté qu’un petit nombre des productions qui datent de cette époque, il s’agit d’une idée alors universellement admise, qu’on peut et qu’on doit supposer chez qui n’y contredit point. Puis, n’cst-il pas permis d’en entrevoir l’influence dans le dessein, conçu et en partie réalisé vers ce temps, de soumettre à revision et correction les manuscrits de la version grecque de l’Ancien Testament ?


Toutefois nous ne sommes pas réduits à de pures conjectures. Parmi les fragments de la revision mentionnée qui nous sont parvenus, se trouve la Préface au livre des Parai ipomencs d’après les J.XX. P. L., t. xxix, 401-404. et cette préface, écrite entre 389 et 391, contient une double déclaration qui laisserait difficilement place à un doute raisonnable. L’auteur fait remarquer, col. 402, que, dans les exemplaires grecs, beaucoup de noms propres de personnes et de lieux sont défigurés, au point d’être devenus des noms d’apparence plutôt barbare et sarmate qu’hébraïque ; mais la faute, ajoutc-t-il, en « est aux copistes, qui entassent incorrections sur incorrections, et non aux Septante, qui, pleins du Saint-Esprit, n’ont pu nous donner qu’une traduction vraie : nec hoc LXX inlerpretibus, qui, Spiritu Sancto pleni, ca quæ vera fuerant transtulerunt, sed scriplonun culpiv adseribendum, dum de tnemendatis tnemendata scriptitant. A la fin de la même préface, ibid. col. 404, il est encore expressément question d’additions des Septante, qui peuvent être mises au compte du Saint-Esprit : quid LXX interprètes addiderint vel ob decoris gratiam, vcl ob Spiriius Sancti auctoritatem. Érasme et d’autres après lui ont pensé qu’en ces deux endroits, si significatifs, l’auteur n’exprime pas sa propre conviction et qu’il a voulu simplement s’accommoder à celle de ses correspondants. Domnion et Rogatien ; mais il n’y a dans le contexle absolument rien qui autorise cille

supposition ! D’autre part, des explications d’abord plusou moins embarrassées, qui deviennent plus nettes avec le temps, se comprennent beaucoup mieux par