Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/530

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lu il

    1. JÉSUITES##


JÉSUITES. LES RÉCENTES DIRECTIVES

1042

daire. Telles, par exemple, les vingt-quatre Thèses présentées à la Sacrée Congrégation îles Études et qu’elle a jugé, le 27 juillet 1914, contenir des points importants de la doctrine de saint Thomas..cas plane eonlinere sancti Doetoris prineipia et enuntiala majora, sans cependant les déclarer obligatoires. Ces propositions, ainsi rapprochées et groupées, constituent une synthèse d’ordre métaphysique qui semble fondée sur une interprétation spéciale de la doctrine, d’ailleurs fondamentale en elle-même, « de l’acte et de la puissance i et sur la théorie « de la distinction réelle entre l’essence et l’existence dans les êtres créés, » deux points vivement discutés depuis longtemps dans l'École.

Selon qu’on prétend suivie saint Thomas en tout, (sauf, bien entendu, le cas d’une déclaration contraire de la part de l'Église) ou qu’on se réserve le droit de discuter certaines assertions et, pour de justes raisons de s’en écarter, on arrive à la double manière de suivre le saint "docteur que le R. P. Ledôchowski distingue : une manière stricte et une manière plus large, où l’obligation s'étend aux enunliata majora, en excluant de cette catégorie les problèmes controversés dans l'École parmi les théologiens ou les philosophes jouissant d’une réelle autorité. Que la manière stricte ait ses avantages et qu’on puisse personnellement la préférer, le R. P. général ne le conteste pas, cum persuasum nobis sit hoc quoque proposilum Ecclesiæ esse ulilissimum. Mais il conteste qu’il y ait obligation de l’admettre en vertu des principes qui régissent l’enseignement théologique et philosophique dans la Compagnie de Jésus ; il conteste en outre qu’on puisse considérer comme opportune une mesure qui, en vue d’obtenir une uniformité absolue, imposerait cette obligation. Les raisons données rappellent celles qui avaient été déjà présentées avant Aquaviva et de son temps contre ce mirage d’une uniformité absolue. Ce serait se buter, comme l’expérience l’a suffisamment montré, à une chose moralement impossible, à cause.de la diversité des esprits. Une mesure de ce genre ne favoriserait pas réellement le progrès des sciences sacrées ; elle serait plutôt de nature à lui nuire, en déprimant l’initiative personnelle et en paralysant ce qui, dans l’ordre des choses auquel l’homme est soumis ici-bas, est le moyen normal du progrès intellectuel et de tout autre : la discussion, là où il y a matière discutable.

L’obligation ne s’impose pas davantage en vertu des directions données à l'Église en général et à la Compagnie de Jésus en particulier par les souverains pontifes. Le 23 août 1888, le R. P. Anderlédy écrivait au recteur du scolasticat de Zi-ka-wei, en Chine, au sujet du problème de la distinction entre l’essence et l’existence : i Je n’ai reçu aucune communication des désirs de Sa Sainteté relativement au point spécial que vous signalez. Tout ce que je sais, c’est que le souverain pontife Léon XIII a daigné faire savoir par écrit à mon prédécesseur, le R. P. Beckx, de pieuse mémoire, qu’en matière philosophique et dans les questions discutables, ce n'était pas son intention de proscrire la libre discussion ni d’imposer telle ou telle opinion. Je n’ai donc pas à prendre parti pour un système ou pour l’autre. » Un autre général, le R.P.Louis Martin, reconnaissait, dans un document rapporté par le T R. P. Ledôchowski, qu’on est libre de soutenir la distinction réelle, à la condition « de ne pas en faire le fondement de la philosophie chrétienne ni de la prétendre nécessaire soit pour démontrer l’existence de Dieu et de ses attributs, soit pour expliquer et prouver les dogmes d’une façon lonvenable. » Réponse approuvée et déclarée conforme à la pensée de Léon XIII, par le pape Benoît XV, le 9 mars 1915 : Prædiclum resfionsum R. P. Martin nouimus exaratum fuisse juxla menlem Leonis XIII jel. mem., ideoque illud approbamus et noslrum omnino jacimus. Dans une

audience accordée trois semaines auparavant, le 17 lévrier, au général de la Compagnie de Jésus et à ses assistants, le même pape, après avoir d’abord exprimé sa ferme volonté qu’on suivît dans l’ordre la doctrine de saint Thomas, complétait sa pensée en disant qu’il n’entendait pas par là restreindre la liberté d’opinion dans les matières discutées et discutables parmi les catholiques, comme celle de la distinction réelle entre l’essence et l’existence, et autres du même genre, qui ne sont pas contenues dans le dépôt de la foi ; il craindrait plutôt, en enlevant cette liberté, d’enrayer l’essor des esprits, au détriment de la profondeur dans les études théologiques et philosophiques. Plus importante encore et plus décisive fut l’approbation formellement donnée à la direction fixée dans la lettre du R. P. Ledôchowski : le général est particulièrement félicité d’avoir sagement apprécié les choses, œqua te lance' rationum momenta perpendisse, et de s'être maintenu dans le juste milieu, quo quidem in judicio recte Xos te sensisse arbilramur. Paroles de simple approbation, qui ne supposent nullement, comme certains l’ont prétendu, un privilège spécial, sous forme de dispense ou d’exception. Voir Son Éminence le cardinal Ehrle, Grundsalzliches zur Charakteristik der neueren und neuesten Scholastik, Fribourg-en-Brisgau, 1918, dans Erganzungshefte zu der Stimmen der Zeit. Erste Reihe, 6 Heft, p. 28-30.

Rédigée d’après les principes posés par la XXVI e Congrégation générale, soumise à l’examen personnel de Benoît XV et approuvée par lui, la lettre De doctrina S. Thomæ magis magisque in Societate fovenda, clôt et couronne la législation de la Compagnie de Jésus sur l’enseignement théologique et philosophique. En même temps qu’elle confirme l’obligation de suivre saint Thomas comme auteur propre, elle fixe l'étendue ou les limites de cette obligation. Le droit à l’interprétation plus large ne tend nullement à déprécier l’autorité du docteur angélique, ni à rendre plus faible la défense de la foi catholique ; au contraire, la doctrine du prince des théologiens n’en devient que plus forte et plus propre à défendre les vérités révélées contre des adversaires qui, souvent, accusent l'Église d’avoir laissé l'élément philosophique empiéter sur le dogme. Contre de tels adversaires, si nombreux de nos jours, il importe grandement de séparer ce qui est certain de ce qui ne l’est pas, de trier l'élément systématique et l'élément absolu, et même de passer le moins de temps possible dans des controverses abstraites qui, loin de contribuer à résoudre l’objection indiquée, pourraient plutôt la confirmer ou la renforcer.

A ces lignes rédigées avant la publication de l’encyclique Sludiorum ducem, du 29 juin 1923, à l’occasion du sixième centenaire de la canonisation de saint Thomas d’Aquin, nous sommes heureux d’ajouter la direction donnée par Sa Sainteté Pie XI à la fin de son encyclique : « Entre les vrais amis de saint Thomas, tels que doivent être les fils de l'Église qui s’adonnent aux études supérieures, nous désirons voir s'établir cette digne émulation qui respecte une juste liberté et fait progresser les études ; mais on doil éviter ces attaques blessantes qui ne servent point les intérêts de la vérité et ont pour unique résultat de briser les liens de la charité. Qu’on observe religieusement les prescriptions du droit canonique, can. 1366, S 2 : « Les professeurs auront soin de traiter les études de la philosophie rationnelle et de la théologie, et de Former les élèves 'tans ers branches de l’enseignement d’après la méthode, la doctrine et lis principes du docteur angélique, en s’y rattachant religieusement. « Que tous s’en tiennent à cette règle, de sorte que saint Thomas puisse les reconnaître tous et chacun pour ses fidèles disciples. Mais qu’ils n’exigent pas les uns des autres