Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/568

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1117
1118
JÉSUS-CHRIST. LES PROPHÉTIES MESSIANIQUES

pluie : « le Seigneur votre Dieu vous suscitera un Prophète comme moi, de votre nation et d’entre vos frères… Et le Seigneur me dit… je leur susciterai du milieu île leurs frères un prophète semblable à toi : je lui mettrait mes paroles dans la bouche et il dira tout ce que je lui ordonnerai. Si quelqu’un ne veut pas entendre les paroles que ce prophète prononcera en mon nom. c’est moi qui en ferai vengeance, t Dent., xvin. 15-18. La suite du texte sacré met en opposition avec le vrai prophète les faux prophètes, ce qui pourrait laisser croire à un sens collectif du mot pro phète ». Mais un sens purement collectif ne serait acceptable ni au regard de la tradition, ni surtout au regard des interprétations inspirées de ce passage du Deutéronome, interprétations qu’on va rappeler incessamment. Tout au plus peut-on dire avec Origène, Théodoret, Menochius, Tirin, le cardinal Meignan, Cornely, Reinke, de Hummelauer. et plusieurs autres. que l’oracle désignerait tout à la fois l’ordre entier des prophètes et le Messie, leur chef, le premier d’entre eux. Mais un sens individuel et une application unique et immédiate à Jésus-Christ semblent à d’autres préférables. C’est l’opinion de Cajétan, d’Estius, de Malvenda, du P. Patrizi. de M. Fillion et de la plupart des Pères qui ont interprété ce texte. On trouvera les références et la discussion du problème dans de Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1901, p. 370-377. Quoi qu’il en soit de cette discussion, saint Pierre, Act., m, 22 et saint Etienne, Act., vii, 35 ont fait de la prophétie de Moïse une application directe à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Jésus lui-même l’a expliquée de sa propre personne, en aflîrmant que Moïse avait écrit a son sujet. Joa., v, 45-47. La masse du peuple juif croyait aussi que le prophète annoncé par Moïse n’était autre que le Messie, et beaucoup pensaient que le Messie c’était Jésus. Cf. Matth., xxi, 11 ; Joa., i, 45 ; vi, 14 ; vii, 40, etc. Les Samaritains eux-mêmes, qui ne reconnaissaient aucun livre inspiré en dehors du Pentateuque, admettaient, d’après ces versets du Deutéronome, le Messie et son rôle prophétique. Joa., iv, 25.

En résumé, à l’époque patriarcale, les prophéties messianiques annoncent le Sauveur de toutes les nations, lequel naîtra de la race d’Abraham, Isaac, Jacob et Juda. Il sera le prophète par excellence, suscité par Dieu pour instruire le peuple.

2. Période des Rois.

Les prophètes de cette époque apportent des précisions sur la royauté et la puissance du Christ futur, sur ses relations d’origine vis-à-vis de Dieu, sur son sacerdoce, sur ses souffrances et sur sa résurrection.

Dans son cantique, Anne, mère de Samuel, annonce « que le Seigneur jugera les confins de la terre, donnera l’empire a son roi et élèvera la puissance de son oint. »

I Reg., il, lu. On entend d’ordinaire ici par roi et oint (Christ) non seulement David, mais encore le Messie futur, qui doit être un descendant de la maison de David, laquelle par lui sera a jamais affermie sur son trône. Il Reg., vii, 12-17 : cꝟ. 1Il Reg., ii, 3, 4. Ces textes supposent évidemment quc David, tout en réalisant la gloire du peuple de Dieu, est la figure d’un autre personnage, né de sa race, et destiné à consolider cette gloire dans l’éternité. Du même ordre est la prophétie’le Nathan à David : « Lorsque tes jours seront accomplis et que tu iras auprès de tes pères, j’élèverai ta postérité après toi, l’un de tes lils, et j’établirai son règne. Ce sera lui qui me bâtira une maison et j’affermirai son trône a jamais. Je serai son père, et il sera mon fils.. I Par., xvii, 11-13. Cf. x.xii, 10 ; xxviii, 6 ; Iv, i. xxxviii, 21, 27. Sur L’interprétation de ces textes, voir Fils de DlEU, t. v, col. 2360

II va de soi qu’au sens littéral la promesse de Nathan vise d’abord Salomon ; mais en prenant les choses de

plus haut. L’exégèse traditionnelle aimait a voir ici la race de David continuant celle d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Juda. 1 Par., xxviii, 4. A cause de cette filiation davidique et en vue de son rôle futur, le Sauveur à venir est désormais appelé dans les textes prophétiques le roi. chef du royaume universel prophétisé, Ps. LXXT (Vulg.), 1, 2 ; ii, (i, (ix, 2 ; ou, de son nom propre, le Messie ou le Christ. Ps. ii, 2 ; xliv. s. Bien plus, il est le Seigneur, Ps., cix, 1 ; engendré du sein de Dieu devant l’aurore, id., 3, du moins selon la traduction qu’ont popularisée les Septante et la Vulgate. Dieu l’appelle son fils. Ps. ii, 7. Il sera prêtre éternel, de l’ordre de Melchisédech, Ps., cix, 4 ; s’il est prêtre, c’est en vertu d’une institution divine, confirmée par un serinent divin.’Allah— Kôhèn ! toi prêtre, dit énergiqueinent le texte hébreu : « Notre-Seigneur n’est pas de la tribu de Lévi, mais de celle de Juda. Son sacerdoce ne se rattache donc pas a celai d’Aaron. Il est prêtre selon l’ordre de Melchisédech, c’est-à-dire à la manière de ce i roi de justice i et « roi de paix », dont l’Écriture n’indique pas la généalogie, mais auquel Abraham, père de toute la race lévitique, rend lui-même hommage et donne la dîme. Le sacerdoce de Jésus-Christ ne dérive donc pas de celui d’Aaron ; il a sur lui une supériorité figurée déjà par les devoirs d’Abraham rendus à Melchisédech. Heb., vii, 1-7. Le sacerdoce aaronique a été établi sans serment, Dieu ne lui ayant jamais promis l’exercice perpétuel de ses fonctions ; aussi les prêtres se succédaient-ils les uns aux autres parce que la mort les arrêtait. Le sacerdoce de Jésus-Christ a été établi avec serinent : « Le Seigneur l’a juré, il ne se repentira pas : Tu es prêtre pour toujours. » De plus, il demeure éternellement et ne se transmet point, parce que celui qui le possède est toujours vivant. » Heb., vii, 20-25. H. Lesêtre, art. Prêtre, dans le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. v, col. 660. Prêtre, le Messie sera aussi victime volontaire pour le péché. Ps., xxxix, 7-9. Les douleurs de son sacrifice ne sont pas passées sous silence. Le psaume xxi constitue, comme l’a écrit le cardinal Meignan, « le programme de la divine tragédie, dont l’Évangile raconte l’histoire. » Sans doute, le fond du psaume peut être appliqué à David : mais tous les traits qu’on y relève ne sauraient convenir à ce roi. Le psaume est nettement, certains n’hésitent pas à dire exclusivement, messianique ; il décrit, en des accents d’un lyrisme déchirant, l’abandon du Sauveur, v. 2, devenu comme un ver, l’opprobre des hommes et le rebut du peuple. Les animaux sauvages, figurant ses bourreaux, se sont précipités sur lui, 13-14 ; et leur fureur fait contraste avec la langueur de la victime dont les os eux-mêmes se déchirent. 15-16. Troupe immonde et cruelle, comme des chiens affamés qu’on rencontre si souvent errants dans l’Orient, une bande de scélérats l’ont assiégé, et ont percé ses mains et ses pieds et compté tous.ses os. (Sur la légitimité de la traduction foderunt de la Vulgate, voir les commentateurs.) Ils se sont partagés ses vêlements et ont jeté le suri sur sa tunique, ꝟ. 19.

Ce sont encore les persécutions que le Messie aura à subir de la part de ses ennemis, que retrace le Ps. lxviii. Bien que le psaume soit moins directement messianique, il peut être appliqué aux souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans sa passion a peu pics au même titre que le Ps. xxi. Aussi est-il, avec ce dernier, celui qui est le plus fréquemment cité dans le Nouveau Testament. Les ennemis du Sauveur le haïssent sans motif, ℣. 5 (Joa., xv, 25). Jésus est dévoré du zèle de la maison de Dieu. ℣ 10 (Joa., ii. 17) ; il supporte volontairement les opprobres, ℣. 10 (Rom., xv, 3). La malédiction prononcée, ℣. 26 s’accomplit dans la personne de Judas Iscariote, Act. i, 20, ainsi que sur Israël, la réprobation des ℣. 28-29