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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/184

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JUGEMENT, TRADITION PATRISTIQUE : LE III* SIÈCLE


seul peut faire la balance exacte du bien et du mal mélangés dans nos vies. In Rom., ii, 1-2, P. G., t. xiv, col. 870-872. Cf. n. 4, col. 878-879 ; ix, 41, col. 12441245 et In Matth., xix, 8, P. G., t. xiii, col. 1204. Tout d’ailleurs se passera d’une manière spirituelle ; car le recours aux images tirées de l’ordre humain n’a d’autre but que de nous mieux inculquer une réalité divine : cujus qudicii) species ut notior hominibus fleret, judicandi forma ex his quas inter homines geruntur assumpta est. L’estrade où siège le juge pour marquer l’éminence de sa fonction et agrandir l’horizon de son regard signifie la majesté du Christ, qui, par sa nature divine, a le pouvoir de pénétrer les cœurs et d’en révéler les mouvements les plus secrets. Cette série de nos pensées et de nos actes, gravée au plus profond de nos consciences, constitue le registre qui doit être ouvert par le divin juge et s’étaler à tous les yeux. In Rom., ix, 41, P. G., t. xiv, col. 12411242. Voilà pourquoi le jugement sera instantané. De même qu’un éclair nous suffit pour réveiller les souvenirs assoupis de notre mémoire, ainsi un acte ineffable de la puissance divine fera jaillir en pleine lumière le contenu de la conscience et chacun y percevra aussitôt la sanction qu’il mérite en rapport avec ses actes. In Matth., xiv, 9, P. G., t. xiii, col. 1205. Pour spiritualisée qu’elle soit, encore voit-on subsister ici une ombre de procédure judiciaire. Elle s’évanouit ailleurs tout à fait, pour se confondre avec l’économie chrétienne de la Providence. D’un mot Origène écarte toutes les représentations matérielles du jugement. Où trouver un lieu capable de réunir sous un seul coup d’oeil les anges et les hommes ? Et ce « siège de gloire » dont parle l’Évangile serait-il donc quelque vulgaire escabeau ? Véritables impossibilités qui font sentir le besoin d’une interprétation moins grossière. Mais, quand on entre dans cette voie, ces images aussi révèlent une haute sagesse : Qui vult omnia rationabililer intelligere, multam sapienliam inveniet et in istis.

Bien qu’il n’ignore rien des difficultés du sujet, Origène veut modestement risquer une esquisse de cette exégèse rationnelle. Il expose donc que le jour viendra où la connaissance du Christ rayonnera sur toutes les intelligences : Existimo ergo quoniam erit tempus adventus Christi quando tanta manifestatio jutura est Christi et divinitatis ejus ut non solum nullus justorum sed nec aliquis peccatorum ignoret Christum secundum quod est. Un rétablissement de l’ordre moral en sera la conséquence : …quando et peccatores cognuscent in conspectu suo sua delicta et justi manifeste videbunt semina justiliæ suie ad qualem eos perduxerinl finem. S’il est vrai que ce triomphe spirituel du Christ est déjà commencé par le rayonnement progressif de la foi, à plus forte raison éclatera-t-il au jour de la pleine lumière : …Quanto magis recte dicuntur omnes gentes ante eum congregandse et constituendæ quando palam omnibus, tam bonis quam malis, tam fidelibus quam infidclibus, fueril factus manifeslus, ante oculos mentis eorum jam non fidei aut diligenlise alicujus inquisitionc repertus. sed ipsius divinitatis suæ manifestatione prolatus. Le Christ n’apparaîtra donc pas dans un lieu donné : il se manifestera partout et tous les hommes comparaîtront devant son trône en ce sens qu’ils rendront hommage à son autorité. Ici-bas tous les hommes quels qu’ils soient se connaissent mal eux-mêmes ; mais quand la claire manifestation du Fils de Dieu les obligera à se voir tels qu’ils sont, c’est alors que les bons seront séparés des méchants. In Matth., Coin, séries, 70, P. G., t. xiii, col. 1711-1713. Cette doctrine vient au terme d’un long développement où tous les faits relatifs à la parousie sont l’objet d’une semblable allégorisation.

On retrouve donc sur le point particulier du juge D1CT. DE THÉOL. CATHOL.

ment le dualisme bien connu qui caractérise l’eschatologie d’Origène : d’une part, l’affirmation de la foi traditionnelle ; de l’autre, un essai de systématisation dans lequel aux initiatives les plus heureuses se mêlent des spéculations personnelles hardies et contestables. Voir Tixeront. Hist. des dogmes, t. i, p. 325330. De toutes façons, une théologie aussi neuve était faite pour imprimer une profonde secousse aux intelligences. La doctrine du jugement ne semble pas avoir eu de place spéciale dans les longues querelles de l’origénisme. Dossier dans Prat, Origène, Paris, 1907, p. 188-213 ; exposé quelque peu tendancieux par J. Tunnel, dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. v, 1900. p. 97-128. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ait été adoptée telle quelle ; mais, on retrouve partout son influence dans la suite. Sur ce point, plus peut-être que sur n’importe quel autre, toute la théologie postérieure est tributaire du grand alexandrin, de telle sorte que la valeur de ses solutions se mesure à l’attitude qu’elle prend vis-à-vis de lui.

En Occident.

Faute d’être encore atteint par

le courant origéniste, l’Occident se tient, dans l’ensemble, sur les positions anciennes. La théologie du jugement n’y offre rien de remarquable que la persévérance plus ou moins atténuée des doctrines ébauchées au siècle précédent, en regard desquelles ne cessent de s’affirmer les poussées instinctives du sens chrétien.

1. Eschatologie systtmalis<e. — Divers témoins attestent la survivance de la systématisation primitive.

a) Saint Hippolyle. — Contemporain de Tertullien, saint Hippolyte nous présente une eschatologie d’un archaïsme tout semblable. Voir Atzberger, op. cit., p. 275.

A maintes reprises, le Christ est par lui donné comme le juge du monde. De antichristo, 20, P. G., t. x, col. 748 ; In Daniel. IV. x, édition du Corpus de Berlin, 1897, t. i, p. 208-210. Ce jugement coïncide avec la parousie, De anikhr., 64, col. 784 et Contra Noet., 18 ; ibid., col. 828-X29. En attendant, tous les défunts sont réunis dans 1 Hadès ; mais des anges y infligent déjà aux pécheurs un châtiment provisoire, suivant les actions de chacun : aiyyekoi. 9po’jpol Ttpôç

TtXÇ SX0UTTMV TCpà^e- ? £’.<XvéHOVTEÇ T(XÇ TCOV TpÔrtCOV îtpOCT xaîpouç -/toXioeiç, auquel s’ajoute la vue toute proche de la géhenne où ils seron ! jetés au jour du jugement. Un autre quartier de l’Hadès, dénommé le « sein d’Abraham », reçoit les justes, qui y jouissent d’un grand bonheur au milieu des anges. « Mais il y a un jour marqué par Dieu on l’unique sentence d’un juste jugement sera prononcée sur tous comme il convient… Tous, en effet, justes et pécheurs seront conduits en présence du Logos Dieu. C’est à lui que le Père a donné tout le jugement et pour accomplir la volonté du Père il reviendra comme juge. Ainsi donc ce n’est pas Minos nj Khadamante qui seront nos juges, mais celui que Dieu le Père a glorifié. » Adv. Græc, 1-3, P. G.. t. x, col. 796-800.

Étant donné cependant que ce jugement ne fait que proclamer et rendre définitif le résultat moral de la vie, « chacun peut reconnaître qu’au jour où il sort de ce monde il est déjà jugé ; car la consommation s’avance pour lui. » In Dan., IV, xviii, 7, p. 232. Ainsi, c’est toujours l’eschatologie finale qui demeure prépondérante ; mais elJe est précédée de sanctions immédiates, à l’attribut ion desquelles pour la première fois, bien que d’une manière encore un peu confuse, Hippolyte commence à ap] liguer la dénomination de jugement.

b) Novatien, sans dans beaucoup de détails, reproduit la doctrine et jus qu’aux termes de Tertullien

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