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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/205

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1819 JUGEMENT, SYNTHÈSE THÉOLOGIQUE : JUGEMENT GÉNÉRAL

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par les événements. C’est pourquoi la théologie ne peut que se rallier, avec saint Thomas, à la sage réserve de saint Augustin : Non potest delerminari quantum tempus sit fulurum, nec de mense, nec de anno, nec de centum nec de mille annis. In IV Senk, dist. XLVII, q. i, a. 1, sol. 3, ad 2um, p. 416-417, et Sum. theol., Supplem., q. lxxxviii, a. 3, ad 2° m. Voir S. Augustin Lpisl., cxcvii, 2-3. P. L., t. xxxiii, col. 899-900, et c.xcix, 6-11, col. 910-918.

Aucun signe ne saurait faire que le grand jour ne soit inconnu, Marc, xiii, 32. et que le Fils de l’homme ne doive revenir à l’improviste, ibid., 35, comme un voleur. Matth.. xxiv, 43 et I Thess., v, 2.

2. Heure et jour du jugement.

Un mot de l’Évangile a paru propre à indiquer l’heure du jugement. Matth., xxv, 6, ne dit-il pas que l’époux arrivera « au milieu de la nuit » ? Saint Augustin cependant avait expliqué, Epist., cxl, c. 34, n. 78, P. L., t. xxxiii, col. 573, que ces paroles signifient seulement que son avènement sera imprévu et Pierre Lombard avait transmis cette explication au Moyen Age, Sent., IV, dist. XLIII, c. iii, sans que cette petite précision semble avoir autrement préoccupé les théologiens.

D’aucuns ont imaginé que le jugement général aurait lieu au mois de mars, parce que c’est le mois de la création, et un dimanche, parce que c’est le jour où le Christ est ressuscité. « Autant de conjectures, écrit saint Alphonse de Liguori, qui ne reposent sur aucun fondement solide. » Dissert., VI, ii, 1, p. 340.

3. Lieu du jugement.

Sur la foi de Joël, ni, 12, on a souvent voulu situer le jugement dans la vallée de Josaphat, tandis que d’autres, d’après Act., i, 11, estiment qu’il aura lieu dans les airs en face du mont des Oliviers. P. Lombard, Sent., IV, dist. XLVIII, c. iv. Cette dernière manière de voir sourit à saint Thomas : Probabiliter potest colligi ex Scripturis quod circa locum montis Oliveti descendet, sicut et inde aseendil. In IV Sent., dist. XLVIII, q. i, a. 4, p. 444, et Sum. theol., Supplem., q. Lxxxviii, a. 4. Suarez se montre plus résolu, malgré les oppositions dont il a connaissance, en faveur du vallon de Josaphat et de la région dont il est le centre : Mihi non videtur a communi et recepta sententia recedendum, quamquam non cerla sit, sed probabilis et pia. Disp. LUI, sect. iii, n. 2, p. 1019. Cf. Katschthaler, p. 383 et Bautz, p. 204-205. Comme pour tout concilier, saint Alphonse de Liguori se contente de désigner la ville de Jérusalem. Dissert., VI, ii, 2, p. 341.

Pourtant Suarez connaît une opinion aux termes de laquelle la « vallée de Josaphat » serait un terme allégorique pour désigner la « vallée du jugement ». Ibid., n. 1. Cette interprétation a gagné du terrain chez les exégèteset théologiens récents. De ce qui paraissait a Suarez la communis et recepta sententia, Cornely prononce tout uniment : Adverti débet eam sententiam, si eam accuratius inspexeris, non habere jtindamentum in s. lilteris. Corn, in Matth., xxv, 33-34, t. ii, p. 384-385. " Josaphat = Jahvé juge…, se vérifiant partout où Jahvé jugera, n’a aucune signification géographique précise. Ce n’est que plus tard qu’on a appliqué le nom de vallée de Josaphat au ravin du Cédron, qui sépare le mont des Oliviers de Jérusalem, et où, dès la plus haute antiquité, il y a eu beaucoup de sépultures. Cette localisation ne s’impose donc nullement à notre croyance, et on n’a pas à expliquer comment toute l’humanité peut se rassembler dans les limites étroites de ce ravin du Cédron. » Et. 1 lugueny, Critique et catholique, t. ii, 2’partie, Paris, 1914, p. 370-371. Voir également Oswald, op. cit., p. 355-357 ; F. Vigouroux, art. Josaphat, dans le Dict. de la Bible, t. iii, col. 1651-1655.

D’où l’on peut conclure avec le cardinal Billot, op. cit., p. 181 : Non est car in malcriali valle Josaphat… congregandos exislimemus omnes homincs judicandos.

4. Personne du juge.

Dès là que le jugement dernier a pour une de ses principales fins de faire éclater la revanche du Christ, celui-ci doit y figurer dans sa nature humaine, mais revêtue désormais de tous les attributs de la gloire. Ainsi l’enseigne P. Lombard d’après les Pères, Sent., IV, dist. XLVIII, i, 2, et sa doctrine, commentée par saint Thomas, In IV Sent., dist. XLVIII, q. i, a. 1-2, p. 437-439, est devenue celle de tous les croyants.

Par où beaucoup de théologiens entendent une apparition visible du Christ sur les nuées du ciel au milieu d’un cortège d’anges. Voir Suarez, disp. LVII, sect. iii, p. 1085-1086, qui admet pourtant que le trône puisse être pris au sens métaphorique, ibid., 4. Mais les exégètes, frappés de retrouver ici le matériel con venu des théophanies bibliques, ont aujourd’hui tendance à ne voir dans ces traits imagés que des expressions reçues pour désigner la manifestation de la gloire et de la puissance. Scdebit tamquam judex super thronum gloriosum, sese exhibe bit gloriosum judicem omnium et utetur judiciaria potestate. Cornely, op. cit., p. 383. Voir également Batiffol, L’enseignement de Jésus, p. 269-274, et F. Prat, La théologie de saint Paul, t. il, ]). 510-511.

Il est vrai que le même P. Cornely n’est pas hostile à l’idée d’un phénomène sensible : Non spernenda est opinatio apud Mald. Christum super nubem aliquam lucidam et illustrem esse sessurum. Cependant il se garde de l’imposer et fait bon accueil un peu plus loin, p. 385, à la théorie d’Origène, qui compare l’avènement du Christ à un éclair et lui attribue une sorte d’omniprésence, évidemment spirituelle, qui lui permet de s’offrir en même temps aux regards de tous. Voir Origène, In Matth., Com. séries, 70, P. G., t. xui, col. 1712, cité plus haut, col. 1777.

5. Comparution du genre humain.

A l’apparition glorieuse du juge correspond, selon le schème biblique, le rassemblement effectif de l’humanité tout entière, complété par le triage des bons et des méchants. Joël et, en général, les écrivains de l’Ancien Testament suggèrent une confrontation des peuples en tant que collectivités pour faire éclater l’injustice des nations à l’égard d’Israël. Il est admis que, dans l’Évangile, l’expression omnes gentes, Matth., xxv, 32, n’a plus ce sens national, mais signifie l’universalité des hommes classés d’après leurs mérites. Cornely, op. cit., p. 383384.

D’ordinaire, les méchants sont laissés sur la terre en signe de mépris, tandis que les bons sont enlevés obviam Christo in aéra. I Thess., iv, 17. La question surgit alors de savoir comment ceux-là pourront être placés à gauche et ceux-ci à droite. Sur quoi Suarez, après avoir proposé une séparation littérale, ne fait pas difficulté de reconnaître que mieux vaut ne voir là qu’un symbole : secundo vero et melius dicitur more Scripturæ dexteram et sinislram significare felicitalis et in/elicitalis, honoris vel abjectionis locum. Disp. LUI, sect. iii, n. 1, p. 1020. Voir également Oswald, op. cit., p. 353-351.

Cela étant, quelle importance faut-il encore attacher à la réunion physique du genre humain ? Autant elle était facile à concevoir dans la cadre restreint du inonde nébraïque, autant elle devient difficile pour plusieurs avec l’immense développement que nous connaissons à l’humanité. Non que rien soit impossible à la puissance de Dieu ; mais cette forme de son intervention est-elle absolument garantie ? On se souvient que, parmi les questions insolubles, saint Thomas, voir ci-dessus, col. 1818, place précisément celle de savoir, quo modo homines ad judicium contentent. Aussi, jusque dans des expositions destinées à la chaire, peut-on lire des esquisses du jugement où, sans disparaître tout à fait, le cadre matériel de la