porter leurs causes devant la justice séculière. La seconde édition ajoute quelques détails relatifs aux constructions entreprises par le pontife, et signale les tribulations et l’exil que Jules aurait soufferts pour la cause de la foi sous l’empereur hérétique Constantin (Constance). Cette donnée est certainement fausse ; le rédacteur a transporté ici, non sans modifications, l’histoire du successeur de Jules, le pape Libère. Dans la réalité la majeure partie du pontificat de Jules s’est écoulée sous le règne de Constant (337-350), favorable aux catholiques ; cette politique ne fut pas modifiée par l’usurpateur Magnence qui resta maître de l’Italie jusqu’en 352.
Ces maigres données du Liber pontificalis ne donneraient qu’une idée très incomplète du pontificat de saint Jules. Ce pape fut très intimement mêlé en effet à la seconde phase des querelles entre catholiques et semi-ariens. Durant la première phase, qui se termine à la mort de Constantin, la papauté, avec saint Sylvestre avait été maintenue à l’écart, sans doute par la toute-puissante volonté de l’empereur. On a parlé, à propos de saint Jules, de la rentrée en scène de la papauté. L’expression ne manque pas d’exactitude. Les événements qui se déroulent sous le pontificat de Jules ont d’ailleurs fourni l’occasion de préciser les formules du droit d’appel au pape dans les causes importantes. Ils méritent donc de retenir l’attention du théologien.
Après la mort de Constantin, saint Athanase était rentré dans sa ville épiscopale ; il y trouva installé un compétiteur arien, un certain Pistus, que les eusébiens essaient d’abord de faire reconnaître par le pape Jules. Mais bientôt ces derniers se ravisent, et, sans plus parler de Pistus, ils insistent à Rome pour que soit reconnue la validité de la— sentence qu’ils ont portée contre Athanase au concile de Tyr, en 335. Ainsi le pape était pour la première fois saisi de la question. Jules ne consentit pas à reconnaître Pistus. Plus au courant de la situation que les eusébiens ne le croyaient, il prévint Athanase des intrigues tramées contre lui. Celui-ci, rassemblant un concile de ses évéques, adresse au pape une synodale qui montre qu’il a pour lui l’unanimité de l’Egypte. De leur côté les eusébiens écrivent à Jules, « lui proposant de le prendre pour juge, s’il le voulait, » dans le procès qu’ils avaient depuis plusieurs années avec Athanase. Le pape évoque les deux parties devant son tribunal. Jaffé, n. 182, 183..Mais les eusébiens trouvèrent plus expéditif de recourir à la violence. En mars 339, un intrus, Grégoire, est installé sur le siège d’Alexandrie. Après avoir signalé à tout l’univers catholique l’odieux attentat dont il vient d’elle victime, Athanase se rend à Home. Pour ne rien précipiter le pape somme une nouvelle fois les adversaires de l’évêque d’Alexandre de comparaître au synode romain qui appointera leur différend avec Athanase. Jaffé, n. 181. Les orientaux durent répondre d’Antioche où ils tinrent une assemblée en 33 ! » ou 340, par une lettre dont Sozomône nous a conservé le sens sinon les expressions exactes. II. / ;., 111, viii, P. (, ., t. lxvii, col. 1051. Tout en affirmanl leur respect a l’endroit du siège romain, les orientaux contestaient que l’Église de Rome eût quelque droit de leur donner dis ordres, L’importance d’une Église, disaient-ils, ne se mesure pas à la grandeur de la cité où elle est établie. Pourquoi l’Occident se mêlait-il de discuter les décisions de l’Orient ? Jadis dans les affaires de Xovalicn et de Paul de Samosate, l’Orient avait accepté, sans les discuter, les sentences occidentales. Qu’on en agisse de même aujourd’hui ; les éveques d’Orient ne demeu reraient en communion avec Home, que si l’on y reconnaissaii la légitimité des sentences qu’ils avaient eux-mêmes portées.
C’était dur. Le pape Jules Ier ne pouvait laisser passer sans protestation une théorie aussi contraire aux droits traditionnels de Son Église. A l’automne de 310 (ou au printemps de 341) il rassemblait à Rome un synode des évêques suburbicaires (c’est-à-dire des évéques d’Italie), qui compta une cinquantaine de membres. Athanase n’était pas seul à demander justice ; d’autres victimes des eusébiens, à commencer par Marcel d’Ancyre, vinrent y porter leurs plaintes. Tous furent reconnus innocents et rétablis dans leur dignité. Le pape se chargea lui-même de transmettre aux orientaux les décisions du concile romain. Jaffé, n. 186. Cette lettre qui est conservée dans la traduction grecque de saint Athanase, est tout aussi remarquable par l’extrême modération de la forme que par la fermeté des principes qu’elle expose. Sans doute elle s’applique surtout à discuter les griefs de fait qui avaient été soulevés contre Athanase et ses amis ; mais elle ne néglige pas la question de droit. Il est inadmissible, dit-elle, que les évêques orientaux entendent considérer comme irréformables les sentences de leurs assemblées, alors qu’ils ont mis en échec les décisions prises par le grand concile de Nicée dans la question arienne. En tout état de cause d’ailleurs, il aurait fallu procéder avec justice et en observant la règle ecclésiastique, « // fallait nous écrire à nous tous, et qu’ainsi justice fût rendue par tous. Car c’était d’évêques qu’il s’agissait et d’Églises, qui n’étaient pas les premières venues, puisque des apôtres les ont jadis gouvernées. Pourquoi surtout ne nous avez-vous pas écrit au sujet de l’Église d’Alexandrie ? Ignorez— vous que la coutume est de nous écrire d’abord à nous, de telle sorte que la justice soit rendue d’ici, xal oGtcoç ëvŒv ôpîÇeesOai —rà Sîxaia. » Pour être moins explicite sur les droits du siège romain que la lettre attribuée au pape Jules Ier par le compilateur des fausses décrétales, cf. P. L., t. viii, col. 371, ce texte très authentique ne laisse pas d’indiquer avec précision le pouvoir suprême de l’Église romaine. Dans la circonstance, et écrivant au nom du synode convoqué par lui, le pape associe les évêques suburbicaires à son droit (il fallait nous écrire à nous tous) ; mais cela n’ôte rien aux droits personnels de l’évêque de Rome.
La sentence rendue par le pape Jules ne termina malheureusement pas la querelle. Le concile d’Antioche, in encœniis, 341, maintint avec opiniâtreté les positions des orientaux. Mais le pape Jules aurait sa revanche en 343, au concile de Sardique, où il s’était fait représenter par deux prêtres. On sait comment cette assemblée, destinée à refaire l’union entre l’Occident et l’Orient, ne réussit pas dans ses efforts ; du moins posa-t-elle avec netteté le principe que, dans les causes importantes, il est toujours loisible d’en appeler au siège romain de la sentence d’un concile particulier. Voir Sardique (concile de). Les années suivantes ménagèrent à Jules d’autres satisfactions. L’intrus Grégoire étant mort en 3 15. Athanase put rentrer dans sa ville épiscopale ; avant de retourner en Orient, il passa par Rome où Jules lui remit une lettre destinée à l’Église d’Alexandrie, brillant témoignage de la haute estime en laquelle le pape tenait le vénérable évêque. Jaffé, n. ISS. Dans le même temps. l’Occident travaillait à éliminer les quelques traces d’arianisme qui s’étaient infiltrées chez lui. En 345, un concile réuni à Milan condamnait une première fois Photin, évêque de Sirmium ; deux ans plus tard, dans la même ville, et avec le concours des légats romains, un nouveau synode reprenait cet le condamnation et recevait des deux évéques danubiens, Ursace de Singidunum et Valens de Mursa une demande de réconciliation avec l’Église. Le concile expédia à Rome ces deux prélats, qui tirent, entre