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2003

    1. JUSTICE (VERTU DE)##


JUSTICE (VERTU DE), NOTION ET NATURE

2004

l’un des plus beaux traits de la divine ressemblance : et de là nous conclurions que nous devons imiter par un amour ferme et inviolable de l’équité et des lois, cette constante uniformité de la justice divine. Ainsi il n’y aurait pas lieu de douter que la justice ne dût être constante..Mais comme je me propose de descendre par des principes connus à des vérités de pratique, je laisse ces hautes spéculations pour vous dire que la justice étant définie, comme tout le monde sait, une volonté constante et perpétuelle de donner à chacun ce qui lui appartient : constans et perpétua volunlas jus suum cuique tribuendi, il est aisé de connaître que l’homme juste doit être ferme, puisque même la fermeté est comprise dans la définition de la justice. Et ce tainement, chrétiens, comme par le nom de vertu nous prétendons désigner non quelque acte passager, ou quelque disposition changeante, mais quelque chose de fixe et de permanent, c’est-à-dire une habitude formée, il est aisé de juger que, quelque inclination que nous ayons pour le bien, elle ne mérite pas le nom de vertu, jusqu’à ce qu’elle se soit affermie constamment dans notre cœur et qu’elle ait pris, pour ainsi parler, tout à fait racine. Mais outre cette fermeté que doit tirer la justice du génie commun de la vertu, elle y est encore obligée par son caractère particulier, à cause qu’elle consiste dans une certaine égalité envers tous, qui demande pour se soutenir un esprit ferme et vigoureux, qui ne puisse être ébranlé par la complaisance, ni par l’intérêt, ni par aucune autre faiblesse humaine. » Œuvres oratoires, édit. Lebarcq, t. v, Paris, 1892, p. 102.

La justice peut s’entendre en un double sens : au sens strict, et, dans ce cas, elle ne vise que l’égalité ou l’harmonie établie par les actions requises entre un homme et un autre homme ; au sens large, et elle se prend alors de toute harmonie établie entre tout ce qui est distinct, même simplement à titre de partie dans un même sujet. « La justice proprement dite, enseigne saint Thomas, exige la diversité des suppôts ou des personnes : aussi bien elle n’existe que d’un homme à un autre homme. Mais dans un même homme, on prend, par mode de similitude les divers principes d’action comme des agents différents ; tels la raison, l’irascible et le concupiscible. Et, à cause de cela, par mode de métaphore, on parlera de justice, en un seul et même homme, selon que la raison commande à l’irascible et au concupisciLle et que ceux-ci lui obéissent ; ou, d’une façon générale, selon qu’à chaque partie qui est dans l’homme se trouve attribué c ? qui lui convient. » Loc. cit., a. 3.

Cette justice, principe d’action visant, à proprement parler, les rapports des hommes entre eux, est une vertu, car elle fait que l’acte de l’homme est bon, c’est-à-dire conforme à la raison, dans ses rapports avec les autres, et par elle l’homme aussi est constitué bon.

La vertu humaine, dit saint Thomas, est celle qui rend bon l’acte humain et fait que l’homme lui-même est bon. Virtus human est qiuv bonum reddil aetum humanum, et ipsum hominem bonurn fæit. Ibid

Tout ce qui a une règle et qui n’est pas déterminé de soi à suivre celle-ci, a ht soin qu’on l’y dispose. Le cheval qui doit sauter l’obstacle le sauterait sans dressage, s’il y était déterminé par sa nature. On ne le dresse point à hennir. Mais parce que la réfile <h saut n’est pas incluse dans les manifestations spontanées de sa nature, on l’y soumet en créant en lui, artificiellement, des dispositions spéciales.

Or, c’est l’honneur de l’homme de n’être point déterminé naturellement à tout ce qu’il doit faire. On pourrait lui MUihaitcr plus de ho. nés d » s/>< sillons naturelles ÇU’ll n’en a ; niais ce ne serait que reculer le problème, RlCfco ou non, la nature a des eh. mins étroits ; le naturel est toujours identtque a lui-même,

La vie humaine, elle, riche de virtualité n’est déterminée, ni à un genre d’objets, ni à une façon définie de les atteindre. Elle devra donc chercher sa rectitude non dans l’infaillibilité relative de la nature, mais dans les recherches et l’intimation de la raison.

Mais l’application de la règle rationnelle aux divers pouvoirs de l’âme peut avoir lieu de deux façons. D’abord, par manière d’action passagère de la part de la raison, de passivité pure de la part de ce qu’elle règle. Mais cette manière paraît bien imparfaite au regard de la vie morale. Une direction ainsi imposée du dehors, et s’adressant à des pouvoirs doués de spontanéité, serait une sorte de violence, et la violence implique toujours difficulté.

Un tel mode de régulation n’eût donc pas suffi aux puissances de l’âme. Il fallait que la règle y fût pour ainsi dire imprimée, qu’elle s’y trouvât comme une qualité inhérente, de telle sorte que la rectitude de la règle devînt la forme d’être de la puissance réglée, comme sa seconde nature, avec cette différence que cette forme d’être inclinant la raison qui est nature aussi mais non déterminée à un serl cas, en garderait la souplesse. Ainsi serait obtenu le facile essor de l’action droite, autant du moins que le permet cette vie, autant que le permet, aussi, la dislocation originelle qui s’est produite dans les rouages de la nature.

En effet, ce qui procède d’une tonne d’être est toujours agréable et facile. L’action est pénible, dans les deux sens du mot, quand la nature y contredit. Il fallait donc que la rectitude imposée à nos pouvoirs tendît à y devenir naturelle. C’est ce qui a lieu, à litre imparfait, par de bonnes dispositions inch alivis. et. à titre parfait, par ce qu’on appelle liabitus, c’est-à-dire non pas habitude au sens français du mot, mais disposition fixée, dont notre activité réglée sera l’usage. Au lieu d’un système de coups de force, dit le’P. Sertillanges, le gouvernement de notre âme sera ainsi un gouvernement régulier. Une certaine suite, uniformitas, pourra se manifester dans son œuvre. Les inclinations habituelles qu’il aura créées, qu’il utilisi i a. seront comme des réserves de forces disciplinées. Ressource immense, pour les emplois soudains d’une raison par elle-même lointaine, repenlina sunt ab habitu. A. D..Sertillanges, La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, Paris, llllti, p. 104.

Or, ces dispositions habituelles, destinées à faciliter le travail vertueux, prennent le nom de vertus. Leurs contraires sont les vices. Cf. S.Thomas ; Quxsliones disputais, De virtutibus in communi, q. unica, a. 1.

Nous avons vu plus haut la définition que donne saint Tlwmas de’la vertu 1 humaine : c’est Une disposition habituelle qui rend bon celui qui la possède et qui rend bonne son œuvre. Cela même qui dispose un agent à une action bonne, c’est-à-dire réglée en conformité avec sa nature, cela aussi le rend bon en soi.

Or il en est ainsi de la justice. L’acte de l’homme, en effet, est rendu bon du fait qu’il atteint la règle de la raison, règle d’où les actes humains lirent leur rectitude. Puis donc que la justice rend droites les opérations humaines, il est manifeste qu’elle rend bonne Pauvre de l’homme. Au témoignage de Cieéron, c’est principalement en raison de la justice que les hommes sont appelés bons, Ex -justifia prircipue viri boni nornintinttir. Cieéron, De o/ficiis. I. I, in tit. De justifia, clrea princ. Aussi bien, est-il dit, au même endroit. i eu elle la splendeur de la vertu atteint son maximum d’éclat. In en virtutis splendor est ma.rimus. »

2° Siège de la vertu de justice : la volonté. —

La j’tist ice est donc une vertu. Mais quel en est le siège dans l’homme’?

C’est dans la volonté que réside la vertu de justice coin me dans son Sujet. La justice, en elfel, n’a pas pour objet de diriger un acte de connaissance, car nous