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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/399

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JUSTIFICATION, THÉOLOGIE CATHOLIQUE : HISTOIRE


testants qui veulent rester fidèles à l’esprit chrétien. Sur cette < réforme silencieuse », voir les conclusions du Dr K. Krogh-Tonning, Die Gnadenlehre und die stille Re/ormalion, Christiania, 1894, p. 45, 61-62, 72-84.


II. Théologie catholique. —

Si le concile de Trente avait fixé tout l’essentiel de la doctrine catholique, par le soin même qu’il avait mis à se tenir au-dessus des controverses d’école il laissait aux théologiens bien des points à éclaircir ou du moins à explorer. Il fallait aussi défendre le dogme contre les attaques de la science protestante dont on a vu l’acharnement en cette matière. Aussi, depuis le xvi° siècle, la théologie catholique a-t-elle déployé autour du problême de la justification un effort sans précédent.

I. DÉveloppehext histoiuqve.

Cette littérature est en double connexion avec les vicissitudes de la controverse protestante et avec les progrès accomplis au sein de l’école dans la systématisation de l’enseignement relatif à la grâce.

Enseignements de l’Église.

Au décret du concile

de Trente à peine quelques actes nouveaux du magistère se sont-ils ajoutés.

1. Contre les erreurs de Bains.

Par ses tendances générales, Baïus était conduit à se rapprocher le plus possible des conceptions protestantes. Ainsi semblait-il ne pas admettre de justice infuse, établir entre la justification et la rémission des péchés une distinction suspecte, ou encore dissocier celle-ci de la charité parfaite. D’où la condamnation portée contre ses propositions 31-33, 42-44, 63-64, 69-70. Elles sont citées et commentées à l’art. Baïus, t. ii, col. 100-104. Il est facile de voir qu’elles allaient contre la lettre ou, tout au moins, contre l’esprit du concile de Trente et de la tradition qu’il définit.

2. Projet de nouvelles définitions au concile du Vatican. — Une méfiance excessive à l’égard des catégories scolastiques, jointe au désir de rendre la foi assimilable aux intelligences modernes, détermina en Allemagne, dans le premier tiers du xix° siècle, ce mouvement de théologie rationalisante dont Hermès fut le principal fauteur. Sous la poussée d’un nominalisme aigu, il ne concevait plus la justification comme une réalité immanente à l’âme, mais bien comme la disposition où Dieu se trouve d’accorder à l’homme les grâces actuelles qui lui sont nécessaires. Voir Hermès, t. vi, col. 2299-2300. Cette erreur n’est pas nommément signalée dans le bref de Grégoire XVI en date du 25 septembre 1835 : mais elle fut aperçue et réfutée par les théologiens catholiques. Voir J. Kleutgen, Die Théologie der Vorzcit, .Munster, 1854, t. ii, p. 274-291. Le souvenir en était encore assez vivant en 1870 pour que le concile du Vatican ait projeté de lui opposer une plus ferme déclaration de la foi catholique. « Parce que de nos jours quelques-uns ont perverti toute la doctrine de la grâce sanctifiante, celle-là surtout qui en fait un don inhérent (à l’âme), il paraît nécessaire de l’enseigner distinctement et de l’inculquer à nouveau. » Ainsi s’exprime le rapport justificatif qui accompagne le premier Schéma de doclrina catholica, note 42, dans Collectio Lacensis, t. vu. col, 551. C’est pourquoi le chapitre xvin du projet porte sur la grâce. Sancti/icans graliu, y est-il dit, neque in favore Dei tantummodo, neque in prwtereunlibus actibus conslituitur ; sed est [jermanens supernaturate doniim a Deo anima in/usum atque initierais, lu canon dirigé contre Hennés aurait condamné ceux qui disaient sanctificantem graliam nihil aliud esse quam eondonationem peccalorum dut fuvorem divinum quo Deus hominem lanquam graluni acceptet paratusque ait ad concedenda ei auxilia gratis actualis. Ibid., col. 517-518.

On retrouve le même texte dans le projet soumis aux Pères de la Députât ion de la foi. col. 1635 et 1638, sauf que les canons y sont rejetés à la fin et que le

deuxième vise plus nettement la justification : Si quis dixerit justifleationem non esse nisi remissioncm peccalorum, etc. Les Pères en discutèrent le 20 mars, col. 1667-1668, et plusieurs proposèrent quelques précisions encore plus poussées sur la remissio peccalorum. Mais le Schéma reformatum conserva le même libellé. Voir c. v, 2, col. 562, et can. 2-3, col. 566. Le rapport officiel expliquait qu’on avait voulu renouveler plus clairement la définition du concile de Trente, mais en évitant comme lui les termes techniques d’habitus ou de qualilas. Ibid., col. 562, n. 2.

Si elle avait abouti, la définition projetée par le concile du Vatican aurait, en somme, laissé le problème en l’état. Mais le concile fut prorogé avant qu’elle pût être mise en délibération.

3. Erreurs de Rosmini.

Parmi les 40 propositions de Rosmini condamnées par le Saint-Office le 14 décembre 1887, la trente-cinquième est relative à la justification. Denzinger-Bannwart, n. 1925.

Quomagis attenditurordo Plus on prend garde à

justificationis in homine, eo l’ordre de la justification

aptior apparet modus dicendans l’homme, plus apparaît

di scripturalis quod Deus juste le langage de l’Écri

peccata quredam tegit aut

non imputât.

ture d’après lequel Dieu

couvre ou n’impute pas cer tains péchés. « D’après le Psalmiste, xxxi, 1, continue le texte, il y a une différence entre les iniquités qui sont remises et les péchés qui sont couverts. Celles-là, semble-t-il, sont les fautes actuelles et libres, ceux-ci les péchés non libres de ceux qui appartiennent au peuple de Dieu et qui n’en reçoivent de ce chef aucun dommage. » Opinion singulière qui vise plutôt la responsabilité morale du chrétien ; mais l’Église n’a pas voulu laisser s’accréditer un langage qui rappelle celui du protestantisme en matière de rémission des péchés.

Production théologique.

A défaut de controverse

nouvelle, les problèmes soulevés par la Réforme et périodiquement repris par ses docteurs ont largement suffi à défrayer l’activité des défenseurs de l’Église.

1. Théologiens du concile de Trente.

Il faut faire un rang à part aux théologiens qui, après avoir participé aux délibérations du concile de Trente, consacrèrent leurs talents à en exposer et défendre les doctrines.

Déjà le P. Grisar a édité le texte intégral d’un votuni très important du jésuite Lainez, Dispulationes Tridentinse, Inspruck, 1886, t. ii, p. 153-192. Un volume spécial est annoncé par la Gôrresgesellschafl, pour la publication des traités relatifs à la justification que provoqua l’assemblée conciliaire. En dehors de ces textes que réveille l’érudition moderne, d’autres furent publiés dès l’époque par leurs auteurs, dont quelques-uns eurent un particulier retentissement.

Le premier en date est le traité du dominicain Dominique Soto, De natura et gratin libri III ad synodum Tridentinam, Venise, 1547, qui se présente comme un commentaire des décrets de la v c et de la vi c session. Sa manière de concevoir l’incertitude de la grâce fut contestée par son confrère Ambroise Catharin, qui publia contre lui une Dejensio catholicorum pro possibili cerliludinc gratite, Venise, 1547. Il s’ensuivit une vive polémique entre les deux théologiens sur ce point précis. Voir H. Ilurter, Nomenclaior litlcrurius, 3’édil., t. ii, col. 1371-1375.

Plus importante encore est la contribution du franciscain André de Véga, ibid., col. 1390-1391. Avant même que le concile abordât le problème de la justification, celui-ci avait mis à profit ses loisirs pour écrire un Optisculum non soltim de justifications, sed etiam de gralia, fide, operibus et merilis egregie tracions quastiones quindecim, Venise, 1546. Peu après Soto,