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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/420

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JUSTIN, DOCTRINES : SYMBOLE


témoignage de Justin ne doive pas être interprétée dans un sens défavorable. L’apologiste s’appuie principalement sur les synoptiques parce qu’il y trouve un plus grand nombre de faits et de paroles caractéristiques.

3. Utilisation d’écrits extra-canoniques.

Saint Justin a-t-il utilisé d’autres écrits que les Évangiles canoniques’? Cela est assez vraisemblable, et il n’est pas sans intérêt de faire l’inventaire de sa bibliothèque.

a) A deux reprises, / Apol., xxxv, 9 et xlviii, 3, il mentionne des Actes de Ponce-Pilate, dans lesquels les empereurs peuvent s’informer des miracles et de la Passion du Sauveur. Il est possible que Justin ait connu sous ce titre un ouvrage chrétien ; mais il semble plus probable que notre auteur conjecture que les archives de l’empire conservent le —souvenir de Jésus, comme celui de tous les événements accomplis dans les provinces. Ailleurs en effet, / Apol., xxxiv, l’apologiste dit de même que les empereurs peuvent se référer aux pièces du recensement accompli par Cyrinius. Il ne connaît pas lui-même ces documents ; mais il suppose qu’il existe des archives officielles très complètes, auxquelles il renvoie ses lecteurs. Cf. O. Bardenhewer, Gesch. der allkirch. Literatur, t. i, p. 409 sq.

b) Un passage du Dialogue, cvi, 3, semble compter l’Évangile de Pierre parmi les Mémoires des apôtres : xal t6 SÎ7TEÏV (i£TWV0[Laxéva !. aùxôv IIsTpov sva twv à-oaxôXtov xal yeypâcpôai èv xoîç à7TOfzv7][i.ov£Û[i.aaw aùxoG ysyevïjfzévov xai xoôxo. Le pronom aùxoû ne peut se rapporter qu’au Christ ou à Pierre. Il est peu vraisemblable qu’il désigne le Christ, puisque Justin ne signale nulle part des Mémoires du Christ. Il reste donc qu’il s’agit des Mémoires de Pierre. Par là on peut entendre l’Évangile de saint Marc, disciple et interprète de Pierre. On peut entendre aussi 1 Évangile de Pierre, dont les fragments ont été retrouvés en 1892. Il est d’ailleurs possible que la leçon ocÛtoù soit fautive, et qu’il faille lire, avec Otto, aùxwv de sorte que Justin parlerait encore des Mémoires des Apôtres, et c’est, à ce qu’il semble, la meilleure solution. Quelques passages de Dial., xcvii, 3 ; cvi, 1 ; cviii, 2 et de I Apol., xxxv, 6 ont été rapprochés des fragments conservés de l’Évangile de Pierre. La dernière référence mérite seule d’être retenue, sans être d’ailleurs décisive. E. Jacquier, Le N. T. dans l’Église chrétienne, 1. 1, p. 118-121.

c) Justin, Dial., lxxxviii, 8, rapporte que Jésus fabriquait, pendant sa vie mortelle, des charrues et des jougs, dont il se servait pour enseigner les symboles de la justice et la vie active. La mention des charrues et des jougs ne se trouve pas dans les Évangiles synoptiques, mais elle figure dans l’Évangile de Thomas, xiii, 1, édit. Michel, p. 178. Il est d’ailleurs possible que saint Justin l’ait empruntée à la tradition.

d) Plusieurs détails fournis par Justin sur l’enfance du Christ semblent provenir du Protévangile de Jacques. Ainsi Dial., c, 3, Marie descend de David : cf. Protev. Jac., x, 2. Saint Matthieu et saint Luc donnent la généalogie de saint Joseph. Dial., c, 3, Marie se réjouit après l’annonciation : tîîcttiv Se xal x a P* v Xaêo’jaa Mapîa ; ci. Protev. Jac., xii, 2, rencontre très significative. Dial., lxxviii, 3, Joseph et Marie se réfugient dans une grotte, o71r, Xai.ov, près de Bethléem ; cf. Protev. Jac., xviii, 1. Cette indication pourrait provenir d’une tradition orale. / Apol., xxxiii, 5, le texte cité est une contamination de Luc, i, 31-32 et de Matth., i, 20-21. On retrouve une contamination semblable dans le Protev. Jac, xi, 3. Sans être décisifs, ces rapprochements sont intéressants. D’ailleurs, saint Justin, même s’il a ulilisé le Protévangile de Jacques, ne le cite pas comme Mémoires des Apôtres.

e) Dans le récit du baptême du Christ, Justin, Dial., lxxxviii, 3, introduit la mention d’un feu qui

monte du Jourdain. Ce feu est également mentionné dans l’Évangile des Ébioniles, cité par saint Épiphane. Hxres., xxx, 13, P. G., t. xli, col. 428, et dans la Prœdicatio Pauli, d’après le De rc baptismale, 17, du pseudo-Cvprien, édit. Hartel, t. iii, p. 90, P. L., t. iii, col. 1202.

j) Saint Justin cite aussi quelques agrapha, dont voici les principaux : Dial., xxxv, 3 : saovxat. rsyi<si.a.— : ix. xal alpÉCTEtç. Cf. Didascal. Apost., vi, 5, 2, édit. Funk, p. 310. Dial., xlvii, G : Siô xal ô Yjfxéxepoç xûptoç T/jejoûç Xpiaxôç sÏttev èv oîç àv ûjxôcç xaxaXàèto, èv xoôxoiç xal xptvw. Cf. Clément d’Alexandrie, Quis dives salvetur, 40.

<7 ; Enfin, Justin signale un certain nombre de détails qui ne sont donnés nulle part ailleurs. Il déclare que Cyrinius a été le premier gouverneur de la Judée et qu’il a laissé des registres du recensement. I Apol., xxxiv, 2 ; cf. xlvi, 1. Il sait que Bethléem est à trente-cinq stades de Jérusalem. 1 Apol., xxxiv, 2. Il nous apprend que les mages venaient d’Arabie, Dial., lxxvii, 4 ; et un peu plus loin, lxxviii, 9-10, il précise qu’ils venaient de Damas. Il rappelle que Jean-Baptiste était assis auprès du Jourdain. Dial., xlix. 3. Il remarque que l’ânon sur lequel devait s’asseoir Jésus était attaché à un cep de vigne. / Apol., xxxii, 6. Quelques-uns de ces renseignements ne sont d’ailleurs que des applications littérales des prophéties.

Les Évangiles synoptiques forment en tous cas le centre du canon néotestamentaire de Julien. Ce sont les mémoires des Apôtres ; ce sont aussi nos écrits, ouyypâ(i.[xaTa. En outre, comme nous l’avons déjà fait remarquer, Justin cite l’Apocalypse comme l’œuvre de saint Jean, un des apôtres du Christ —Dial. , lxxxi, 4. Il est curieux qu’il semble ignorei saint Paul. Il n’en écrit nulle part le nom. On a sans doute relevé dans les Apologies et dans le Dialogue un certain nombre d’expressions et de formules qui pouraient provenir des épîtres paulines ; cela même n’est pas très assuré. Au reste, comme nous le verrons, la doctrine de Justin, sans être contraire à celle du grand apôtre, n’est pas orientée dans le même sens : au lieu de considérer le péché et la Bédemption comme les deux faits essentiels de l’histoire humaine, l’apologiste se plaît à regarder le Christ sous l’aspect du maître qui est venu enseigner à tous les peuples la vérité complète. Il se peut qu’il ait connu les Épîtres de saint Paul ; il n’entrait pas dans son plan de les utiliser.

II. LE symbole DE JUSTIN.

La règle de foi.


Justin aime à se proclamer chrétien. Il appartient corps et âme, depuis sa conversion, à cette société d’hommes de toute race qui sont injustement haïs et persécutés, / Apol., i, 1 ; et il s’en fait gloire // Apol., xiii, 2. Il ne redoute pas la mort pour la foi, II Apol., iii, 1 ; il n’a pas de plus grand désir que de voir tous les hommes se convertir et croire, comme lui que Jésus est le Christ de Dieu. Dial., extn, 3. Aussi sa doctrine est-elle moins la sienne que celle de l’Église entière. Il le croit du moins, et rien dans ses œuvres ne laisse supposer que l’apologiste ait conscience d’exprimer un autre enseignement que celui de la communauté chrétienne. De temps à autre, dans le Dialogue, il lui arrive d’exprimer ses. préférences pour telle ou telle opinion. Il se refuse à condamner par exemple ceux qui, après leur conversion, continuent à vivre a la manière juive, Dial.. xlvii, 1 : il se range à côté de ceux qui entendent au sens littéral les promesses sur la reconstruction de Jérusalem ei sur le millénarisme. Dial., Lxxx, 2et 5. Mais ces préférences ne portent que sur des détails.

Il connaît par contre des hérétiques, dont les doctrines contredisent sur des points essentiels celles de la grande Église, et il s’en sépare avec horreur. « Il en est,